Le Christ et la Cananéenne (Jean Germain Drouais) |
Extrait de "Esprit du R.P. AVRILLON pour passer saintement l'Avent et le Carême" :
LE JEUDI DE LA PREMIÈRE SEMAINE DE CARÊME
Jour d'oraison
PRATIQUE
On prie le Seigneur de l'esprit, du cœur et des mains, aussi bien que de la bouche : priez donc toujours, et faites que votre prière mérite par sa ferveur d'être écoutée de Dieu. Faites prier votre esprit par de saintes pensées et par recueillement ; votre cœur, par des sentiments et des désirs ardents d'être à Dieu ; vos mains, par de bonnes œuvres.
Priez avec l'ardeur et l'importunité de la Cananéenne, dans le tumulte et dans la solitude, afin que votre prière puisse parvenir jusqu'au cœur de Jésus-Christ.
MÉDITATION
Jésus étant aux environs de Tyr et de Sidon, une femme cananéenne s'approcha de lui, et lui dit : « Seigneur, fils de David, ayez pitié de moi, parce que ma fille est cruellement tourmentée du démon. »
1er POINT. La femme cananéenne est le plus parfait modèle de la prière que l'Église nous propose. Examinons ses paroles et ses sentiments, et nous apprendrons comment il faut prier. Elle commence sa prière par une double confession : l'une, de sa misère, en demandant miséricorde pour elle, et en reconnaissant qu'elle a besoin d'un secours surnaturel dont elle ne peut se passer ; l'autre, du souverain domaine de Jésus-Christ, qui est la source de tous les biens, et qui a eu le pouvoir de lui accorder tout ce qu'elle lui demande, et elle l'appelle son seigneur. Jésus-Christ passe, et il parait ne pas l'entendre, pour l'humilier. Enfin il parle ; mais c'est pour l'exclure du nombre de ses enfants. Elle élève la voix, elle crie, et le Sauveur l'humilie et la maltraite en la mettant au rang des animaux. Loin de se rebuter et de répondre fièrement, elle acquiesce à tout, tant elle est pénétrée de sa bassesse et de son néant. Non contente d'adorer la personne de Jésus-Christ, elle adore jusqu'à ses refus et à ses duretés. Usez-en de même à l'égard de Dieu ; humiliez-vous, et ne vous rebutez de rien, vous obtiendrez à la fin tout ce que vous demanderez. La Cananéenne sort de son pays pour venir chercher Jésus-Christ parmi une nation ennemie de la sienne. Sortez du grand monde, sortez de vous-même, de vos attaches, de vos langueurs ; courez avec ardeur vers Jésus-Christ ; ne regardez que lui seul, fendez la presse, hâtez-vous, vous ne pouvez vous passer de lui, et vous ne pouvez en être secouru sans le prier. Instruit par une femme païenne, faites-vous une loi de l'oraison, l'habitude s'en formera et le goût vous en viendra. Si vous ne le faites, vous n'aurez jamais ni lumières, ni vertu solide, ni vraie piété, ni amour de Dieu.
2e POINT. A cette humilité si profonde, elle joint une foi très vive : Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David. Ayez pitié de moi, aidez-moi : par là elle confessait sa toute-puissance et sa divinité. Elle ne dit pas d'abord guérissez ma fille ; imitez-la ; demandez d'abord la guérison de votre âme, il vous accordera le reste s'il le trouve à propos. Une ardente charité soutient sa prière, et lui donne des ailes pour aller trouver Jésus-Christ ; elle compte les maux d'autrui au nombre de ses propres disgrâces. La prière est un sacrifice que l'amour rend plus parfait et plus efficace : la charité est comme un feu qui la fait monter jusqu'au trône de Dieu comme un encens d'agréable odeur. Priez encore avec persévérance ; elle ne peut être mise à une plus rigoureuse épreuve que celle de notre néophyte : Jésus ne lui répond pas ; ce silence est bien rude à une âme qui souffre. Les apôtres importants prient Jésus de la renvoyer. Mais cette femme est résolue, à quelque prix que ce soit, de triompher du cœur de Jésus-Christ par sa persévérance : à force de crier, elle obtient ce qu'elle demande. Ne vous découragez jamais : les refus de Dieu ne sont que des délais, et sont nécessaires pour vous apprendre à plus désirer et à mieux prier. Changez vos prières en clameurs : Jésus-Christ a plus envie de vous accorder que vous d'obtenir.
SENTIMENTS
Ô mon âme, une étrangère, une idolâtre, sait mieux prier que vous dès la première fois qu'elle prie. Elle ne connaît Jésus-Christ que par ce qu'elle a entendu dire de lui, et il n'était pas encore mort pour elle : cependant elle quitte son pays, elle le cherche avec une ardeur incroyable ; elle l'adore, le prie, le conjure ; souffre ses duretés avec une patience héroïque, et enfin obtient de lui un miracle. Unissez-vous à cette heureuse et savante néophyte ; parlez à Jésus-Christ avec la même foi, la même soumission, la même ardeur et le même empressement, et dites-lui de tout votre cœur : Ayez pitié de moi, Seigneur, fils de David ; vous êtes mon Dieu, mon sauveur, ma lumière ; éclairez mes ténèbres, embrasez mon cœur de vos divines ardeurs, apprenez-moi à vous prier comme je le dois et comme vous le voulez. Mon âme est malade ; ses passions la tyrannisent ; ses ennemis la persécutent : je crie après mon céleste médecin, pour qu'il guérisse toutes mes plaies. Source de miséricorde et de grâces, accordez-moi le pardon de mes péchés, et accordez-moi la vie de la grâce et celle de la gloire.
SENTENCES
Veillez et priez, afin que vous n'entriez point en tentation (Marc.14).
Le secret d'être toujours avec Dieu, et de l'engager à demeurer toujours dans notre cœur, c'est de toujours prier (Div. Isid. de summo bono., c. 3).
RÉFLEXIONS
Jésus abandonné de son père
Pendant que toutes les puissances de l'enfer et de la terre ont conjuré la perte de Jésus, et qu'il est méprisé, persécuté et outragé de son propre peuple, son Père éternel l'abandonne à leur fureur ; il ne le regarde plus, dans ces tristes moments, comme l'objet de son amour et de sa tendresse, mais comme celui de sa colère et de son indignation ; il semble avoir oublié qu'il est un Dieu égal à lui, et qu'il est ce Fils unique et bien-aimé en qui il a mis ses complaisances. Il ne l'envisage que comme un coupable chargé de nos iniquités ; il faut qu'il en porte le châtiment, et qu'il paie pour tous les hommes les dettes immenses dont ils sont redevables à sa justice.
Il est vrai qu'il lui envoie un ange du ciel pour le consoler ; mais, hélas ! quelle consolation pour Jésus-Christ de voir un ange qui lui apporte une croix sanglante et un calice rempli d'amertume ! Il accepte l'un et l'autre avec une profonde soumission à son Père, et parce qu'il nous aime. Il acquiesce à cet abandon rigoureux ; et, pour s'y conformer, il s'abandonne aussi soi-même. Il cède tous ses droits, dit saint Léon ; il ne se donne qu'autant de force qu'il lui en faut pour ne pas succomber à la douleur ; il empêche le rejaillissement de gloire et de bonheur de la Divinité sur son humanité, pour abandonner celle-ci à la peine, à la tristesse, aux ennuis, aux amertumes, aux frayeurs et aux larmes. Voilà ce que son amour lui fait endurer pour nous.
PRIÈRE
Augmentez, Seigneur, la foi et l'amour de votre peuple, afin que ses prières vous soient plus agréables ; nourrissez son âme de votre divine parole, et donnez-lui votre grâce pour pratiquer de bonnes œuvres. Nous vous en prions par les mérites de Jésus-Christ votre fils.
Mes paroles sont esprit et vie (Jn 6, 63) et l'on ne doit pas leur donner seulement un sens humain. Il ne faut pas non plus en tirer une vaine complaisance, mais les accueillir en silence, les recevoir avec une humilité profonde et un ardent amour.
Et moi je dis : Heureux l'homme que tu as instruit, Seigneur, et à qui tu enseignes ta loi ! Les jours mauvais lui seront moins pénibles, et il ne sera pas laissé sans ton aide sur la terre (Ps 93, 12-13).
C'est moi, dit le Seigneur, qui dès le commencement ai instruit les prophètes, et jusqu'à présent, je n'ai pas cessé de parler à tous, mais beaucoup restent sourds à ma voix.
La plupart des hommes écoutent de préférence la voix du monde à la voix de Dieu ; ils aiment mieux suivre les désirs de la chair qu'obéir à la volonté divine.
Ce monde qui offre quelques petits avantages temporels, on le sert avec une grande ardeur ; et moi qui promets des biens immenses, éternels, je ne parviens pas à toucher le cœur de l'homme.
Quel est l'homme qui me sert et m'obéit en tout comme on sert le monde et ses maîtres ? Tu entreprends facilement de longs voyages, pour en retirer de maigres avantages, mais pour la vie éternelle, tu hésites à faire un pas. Tu recherches parfois un gain médiocre qui exige de toi de nombreux efforts ; sur une vaine promesse, tu ne crains pas de te fatiguer jour et nuit. Mais pour mériter un bien incomparable, une récompense infinie, un honneur suprême et une gloire sans fin, tu n'acceptes pas d'endurer la moindre fatigue !
(...)
Ce que j'ai promis, je le donne ; ce que j'ai dit, je l'accomplis, si toutefois tu demeures fidèle à mon amour jusqu'à la fin.
C'est moi qui récompense les bons et éprouve fortement les justes.
Grave mes paroles dans ton cœur, et médite-les profondément : elles te seront très nécessaires à l'heure de la tentation. Ce que tu ne comprends pas tout de suite, tu le comprendras au moment de ma visite.
J'ai deux façons de visiter mes élus : par le sacrifice que je leur demande, et par l'aide que je leur apporte. Et tous les jours, je leur donne deux leçons : l'une pour leur reprocher leurs fautes, l'autre pour les exhorter à avancer dans la vertu.
(Extrait : La vérité se manifeste en silence à l'intérieur de nous-même - L'Imitation de Jésus-Christ)
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Lire "L'âme de tout apostolat" de Dom Chautard.