samedi 31 décembre 2016

Méditation pour le dernier jour de l'année





Marie-Madeleine pénitente (Murillo)


LE DERNIER JOUR DE L'ANNÉE

Jour de réparation


PRATIQUE

Faites aujourd'hui une sincère et humble réparation pour tous les péchés que vous avez commis dans tout le cours de l'année : examinez toutes les infidélités, gémissez-en de tout votre cœur, demandez à Dieu qu'il vous les pardonne, faites-en des actes d'une douloureuse contrition, et imposez-vous quelque pratique de pénitence. Accompagnez cette réparation d'actions de grâces de tous les bienfaits dont Dieu vous a comblé pendant l'année.


MÉDITATION

1er point. Pensez avec amertume aux infidélités multipliées de toute cette année, et dites souvent à Dieu dans la journée, avec le prophète Isaïe : Seigneur, je penserai en votre présence et avec amertume de cœur aux péchés que j'ai commis dans les années précédentes (Isaïe 38). Que votre cœur conçoive une vraie douleur de vos infidélités passées, et forme une généreuse résolution de les expier et de les réparer jusqu'à ce que la justice de Dieu soit satisfaite ; que votre bouche prononce souvent des actes qui expriment la sincérité et l'amertume de votre douleur, et punissez-vous vous-même pour prévenir la sévérité des jugements de Dieu.

2e point. Être fidèle à Dieu, persévérer et augmenter en piété et en amour jusqu'à la fin, c'est l'assurance du salut, c'est la couronne de la vie, parce que ce n'est qu'une heureuse fin qui nous met en possession du bonheur éternel. Finissez donc l'année comme vous voudriez finir votre vie, finissez-la par une réparation sincère. Purifiez et rectifiez toutes les vues imparfaites qui se sont glissées dans les actions de l'année. Examinez ce que vous avez acquis, ou ce que vous avez perdu; humiliez-vous de vous trouver le même ; gémissez de votre peu d'avancement, pendant que la mort s'avance à grands pas ; communiez aujourd'hui en réparation de toutes les communions tièdes, imparfaites et inutiles que vous avez faites dans l'année, et finissez par une action de grâce des bienfaits que vous y avez reçus.


RÉPARATION

Prosterné humblement aux pieds de votre adorable majesté, j'implore, ô mon Sauveur, votre divine miséricorde pour tous les péchés de ma vie, et en particulier pour tous ceux que j'ai commis dans le cours de cette année. Pardon, ô mon adorable Sauveur, de mes révoltes, de mes infidélités, de mes négligences et des délais que j'ai apportés aux grâces et aux inspirations dont vous m'avez favorisé ; pardon de toutes mes irrévérences et de toutes mes lâchetés dans le culte que je vous dois, de mes délicatesses, des recherches de moi-même, et de toutes les lâches complaisances que j'ai eues pour le monde que je savais être votre ennemi et le mien.
Apprenez-moi donc, Seigneur, à réparer tant d'infidélités; vous voulez que je vous consacre et que je vous sacrifie en réparation tout mon esprit, tout mon cœur, tous mes désirs, toute ma volonté, tous mes sens, tout ce que je possède et tout ce que je suis. J'y consens, ô mon divin Sauveur, je vous les offre de toute mon âme, heureux si vous voulez bien les accepter !
Mais, ô adorable Jésus, qui êtes mon sauveur, soyez aussi mon réparateur ; je vous offre à vous-même avec tous vos mérites, toutes vos souffrances et tout votre sang ; ils sont à moi, vous me les avez donnés et vous ne pouvez pas les refuser. Ah ! si j'ai le malheur de trouver en vous un Dieu offensé, j'ai aussi la consolation de trouver en vous un Dieu sauveur, un Dieu médiateur et un Dieu réparateur.






Reportez-vous à Te Deum, chant d'action de grâce, Le premier jour de l'année, De la Circoncision, Méditation sur l’Épiphanie et Méditation sur la Nativité.













Discours sur la visitation de Marie



Naissance de Jean-Baptiste (Murillo)



Extrait de "Les gloires de Marie" (Tome II) de Saint Alphonse de Liguori :


DISCOURS SUR LA VISITATION DE MARIE

Marie est la trésorière de toutes les grâces du ciel. Ainsi, celui qui désire des grâces doit recourir à Marie ; et celui qui recourt à Marie doit être fermement persuadé qu'il obtiendra les grâces qu'il désire.

Une famille se croit heureuse quand elle est visitée par un Prince du sang royal, soit à cause de l'honneur qu'elle en reçoit, soit à cause des avantages qu'elle en attend. Mais on doit appeler bien plus heureuse l'âme qui est visitée par la Reine de l'univers, par Marie, qui ne peut manquer de combler de biens et de grâces les âmes qu'elle daigne visiter. La maison d'Obédédom fut bénie, lorsqu'on y déposa L'Arche du Seigneur (1 Par. 13) ; comment ne recevrait-on pas des grâces et des bénédictions beaucoup plus précieuses, quand on est visité par cette Arche vivante de Dieu par la Mère du Sauveur ? Marie, dès qu'elle entra dans la maison de Jean-Baptiste, combla la famille de tous les dons du ciel, et c'est pour cette raison que la fête de la Visitation s'appelle communément la fête de Notre-Dame des grâces. Considérons d'abord que celui qui désire des grâces doit recourir à Marie ; et ensuite, que celui qui recourt à Marie doit être persuadé qu'il obtiendra les grâces qu'il désire.


1er Point.
Lorsque la Sainte Vierge eut appris de l'archange Gabriel que sa cousine Élisabeth était enceinte de six mois, éclairée intérieurement des lumières de l'Esprit-Saint, elle connut que le Verbe incarné et devenu son Fils voulait commencer à manifester au monde les richesses de sa miséricorde, en répandant ses premières grâces sur toute cette pieuse famille. À l'instant Marie quitta sa chère solitude, et partit pour aller voir Élisabeth. Comme la charité supporte tout, et qu'elle ne veut aucun retard, dit S. Ambroise, Marie, sans s'inquiéter de la fatigue d'un long et pénible voyage, se mit en chemin. Dès qu'elle fut arrivée chez sa cousine, elle la salua et la salua la première. Cette visite de la Vierge ne fut point comme celles des mondains, qui se réduisent d'ordinaire à des cérémonies et à de vaines protestations : la visite de Marie procura à cette maison un trésor de grâces. Dès l'entrée de la Vierge, et à sa première parole, Élisabeth fut remplie de l'Esprit-Saint, Jean-Baptiste fut délivré du péché originel, et sanctifié ; il le montra en tressaillant d'allégresse dans le sein de sa mère, comme le déclara Élisabeth. De sorte que, suivant la remarque de S. Bernardin de Buste, c'est en vertu de la salutation de Marie, que Jean reçut la grâce de l'Esprit-Saint qui le sanctifia. « La voix de Marie pénétrant dans Élisabeth par ses oreilles, descendit jusqu'à l'enfant, qui reçut le Saint-Esprit par la vertu de cette salutation. »

Puisque ces premiers fruits de la rédemption passèrent tous par Marie, et qu'elle fut le canal qui communiqua la grâce à Jean-Baptiste, l'Esprit-Saint a Élisabeth, le don de prophétie à Zacharie, et tant d'autres bénédictions à cette sainte famille, qui furent les premières grâces que nous sachions avoir été accordées sur la terre par le Verbe, après son incarnation, il est bien juste de croire que Dieu dès lors établit Marie cet aqueduc universel, comme l'appelle S. Bernard, par lequel devaient ensuite passer toutes les autres grâces que le Seigneur voudrait nous accorder, ainsi que nous l'avons dit au Chapitre V du premier Volume.

C'est donc avec raison que la Mère de Dieu est appelée le trésor, la trésorière et la dispensatrice des grâces divines ; c'est ainsi que l'appellent le vénérable Abbé de Celles, S. Pierre Damien, le bienheureux Albert le grand, S. Bernardin, S. Grégoire Thaumaturge, Richard de Saint-Laurent, et autres. S. Bonaventure, en parlant du champ dont il est dit dans l'Évangile qu'il renfermait un trésor, et qu'on devait l'acheter à tout prix (Matth. 13. 44) assure que « ce champ signifie Marie, dans laquelle est renfermé le trésor de Dieu, qui est Jésus-Christ, et avec Jésus-Christ la source de toutes les grâces. » « Toutes les grâces que le Seigneur veut nous accorder, il les a mises entre les mains de Marie, pour nous montrer que tout le bien que nous recevons, nous le recevons par son intercession. » Nous l'apprenons de Marie elle-même, qui dit : C'est en moi que sont toutes les grâces des vrais biens que vous pouvez désirer en votre vie. (Eccli. 24) Oui, ô notre Mère et notre espérance, nous le savons, lui disait S. Pierre Damien, « tous les trésors des divines miséricordes sont placés entre vos mains. » « Ô Marie , toutes les grâces que Dieu a résolu de faire aux hommes, il veut les faire passer par vous ,il vous en a confié tous les trésors. » « Il n'est donc aucune grâce qui nous parvienne sans votre secours. »
Le bienheureux Albert le Grand commente ainsi ces paroles de l'Ange, Vous avez trouvé grâce : (Luc. 1) « Ô Marie, ne craignez pas, car vous avez trouvé la grâce. “Vous ne l'avez point ravie, comme voulait le faire Lucifer : vous ne l'avez point perdue comme Adam : vous ne l'avez pas achetée, comme voulait l'acheter Simon le Magicien ; mais vous l'avez trouvée, parce que vous l'avez cherchée.” Vous avez trouvé a grâce incréée, qui est Dieu lui-même devenu votre fils, et avec elle vous avez trouvé et obtenu tous les biens créés. »
S. Pierre Chrysologue conclut que « la Mère de Dieu trouva cette grâce, pour procurer le salut à tous les hommes. » Et ailleurs il dit que « Marie trouva une grâce si abondante, qu'elle suffit pour sauver tous les hommes. » « Comme Dieu a créé le Soleil pour éclairer la terre, ainsi il a créé Marie pour dispenser par son moyen toutes les divines miséricordes. » « Dès que la Vierge fut faite Mère du Rédempteur, elle acquit une sorte de juridiction sur toutes les grâces. »

« Si donc nous voulons obtenir quelque grâce, nous devons recourir à Marie, qui ne peut manquer d'obtenir pour ses serviteurs tout ce qu'elle demande, puisqu'elle a trouvé la grâce divine, et qu'elle la trouve toujours ; » et c'est exactement le sentiment de S. Bernard. Adressons-nous donc à Marie, la trésorière et la dispensatrice des grâces, « puisque telle est la volonté suprême du Maître universel, que toutes les grâces s'accordent par l'entremise de Marie : » Qui dit tout, n'excepte rien. Mais, comme pour obtenir les grâces, il faut avoir la confiance, voyons maintenant combien nous devons être persuadés que nous les obtiendrons en recourant à Marie.


2e Point.
Pourquoi Jésus-Christ a-t-il remis entre les mains de sa Mère toutes les richesses des miséricordes qu'il nous destine, si ce n'est pour qu'elle en enrichisse les fidèles qui l'aiment, qui l'honorent et qui recourent à elle avec confiance ? « Les richesses sont avec moi, dit Marie, pour enrichir ceux qui m'aiment ; (Prov. 8. 21) » car l'Église applique ces paroles à Marie. « C'est uniquement pour notre usage, que ces richesses de vie éternelle se conservent dans le sein de la Vierge, où Dieu les a placées, pour enrichir les pauvres. » S. Bernard ajoute que « Marie a été donnée au monde comme un canal de miséricorde, pour que par elle les grâces du ciel descendissent sans interruption sur les hommes. »

Le même Saint cherche la raison pour laquelle l'Ange Gabriel ayant déjà trouve Marie pleine de grâce en la saluant, lui dit ensuite que l'Esprit-Saint allait descendre en elle, pour la remplir encore plus de grâces. Si elle était déjà pleine de grâce, que pouvait faire de plus la venue du divin Esprit ? « Marie, répond-il, était déjà pleine de grâce, il est vrai, mais le Saint-Esprit lui en donna une mesure surabondante, afin qu'elle pourvût à tous nos besoins. »

Bienheureux celui qui me trouve en recourant à moi (Prov. 8. 35), dit Marie ; il trouvera la vie, et la trouvera facilement ; car, ainsi qu'il est aisé de trouver et de puiser à une grande fontaine autant d'eau qu'on en désire, de même il est aisé de trouver des grâces et le salut éternel en recourant à Marie ! Il suffit de les lui demander pour les avoir. Avant la naissance de Marie, « on n'avait pas sur la terre cette grande abondance de grâces qu'on y voit de nos jours, parce qu'on n'y possédait pas Marie, qui en est l'admirable canal. » Mais à présent que nous avons cette Mère de miséricorde, quelles grâces pourrions-nous craindre de ne pas obtenir en recourant à elle ? « Je suis, dit-elle, la ville de refuge, pour tous ceux qui recourent à moi. Venez donc, mes chers enfants, et vous obtiendrez par moi les grâces plus abondamment que vous ne le pensez. »

Une servante de Dieu vit en Esprit la Mère du Sauveur sous la forme d'une fontaine, où plusieurs personnes puisaient beaucoup d'eau, symbole de la grâce, mais qu'arrivait-il ensuite ? Ceux qui portaient des vases entiers conservaient les grâces reçues, tandis" que ceux qui portaient des vases fêlés, c'est-à-dire des âmes chargées de péchés, recevaient bien les grâces, mais ils les perdaient presque aussitôt. Du reste il est certain que par l'entremise de Marie, les hommes même les plus ingrats et les pécheurs les plus misérables obtiennent tous les jours des grâces innombrables.

S. Augustin lui dit : « C'est par vous que nous, misérables, héritons de la miséricorde ; pécheurs, du pardon ; vils et rampants, de dons sublimes ; charnels, de grâces célestes ; mortels, de la vie ; voyageurs, de la patrie. »

Ranimons donc notre confiance de plus en plus, toutes les fois que nous recourons à Marie pour en obtenir des grâces ; et pour l'augmenter, rappelons-nous sans cesse les deux grandes qualités de cette Mère incomparable, savoir : le désir de faire du bien et le pouvoir qu'elle tient de son Fils d'obtenir tout ce qu'elle demande. Pour bien connaître le désir qu'éprouve Marie de nous être utile et propice, il suffit de considérer le mystère de la visite de Marie à Sainte Élisabeth.

La longueur d'un pénible voyage n'empêcha point Marie, toute faible et délicate qu'elle était, de se mettre aussitôt eu route ; elle y fut décidée par cet esprit de charité dont son cœur fut sans cesse embrasé, pour aller commencer dès lors son grand office de dispensatrice des grâces. Ce n'est pas que Marie allât pour s'assurer si ce que l'Ange lui avait dit de la grossesse d'Élisabeth était vrai ; non : mais toute ravie de pouvoir être utile à cette famille, transportée de joie dans la pensée du bien qu'elle allait faire aux autres, et tout occupée de ce ministère de charité, elle partit avec empressement, expression que l'Évangéliste n'emploie pas quand il parle du retour de Marie, après qu'elle eut rempli sa mission et rendu service à cette maison.
« Quel autre motif en effet pouvait engager la Mère de Dieu à faire ce voyage avec tant de célérité, si ce n'est le désir d'exercer sa charité envers cette famille ? »

Marie, en montant au ciel, n'a pas perdu cet esprit de charité envers les hommes : il a au contraire augmenté en elle, parce que là elle connaît mieux nos besoins, et compatit davantage à nos misères. « Marie éprouve un plus grand désir de nous secourir, que nous n'en avons d'être secourus ; » « c'est même l'offenser que de ne lui point demander des grâces, » « puis que l'inclination de Marie est de les distribuer à tout le monde, et qu'elle en enrichit abondamment ses fidèles serviteurs. »
« Trouver Marie , c'est trouver toute sorte de biens. Qui que ce soit peut la trouver, fût-il le plus grand pécheur du monde ; car elle est si bienfaisante, qu'elle ne rejette aucun de ceux qui ont recours à elle. » « Je vous invite tous à recourir à moi (c'est ainsi que Thomas a Kempis la fait parler), je vous attends tous : je vous désire tous, et je ne méprise jamais un pécheur, quelque désespéré qu'il soit, quand il implore mon secours. » Celui qui l'invoque la trouve toujours disposée à le secourir, et à lui obtenir par ses puissantes prières toutes les grâces qui conduisent au salut éternel.
J'ai dit, par ses puissantes prières, parce que le second motif qui doit augmenter notre confiance en Marie, c'est qu'elle obtient de Dieu tout ce qu'elle demande en faveur de ceux qui l'honorent. « Observez la grande vertu des paroles de Marie, puisqu'à sa voix la grâce de l'Esprit-Saint fut conférée à Élisabeth et à Jean son fils. »
« Le Sauveur aime que Marie le prie pour nous, parce que toutes les grâces qu'il accorde alors, il les accorde moins à nous, qu'à sa Mère. »
Jésus se fait en quelque sorte une obligation d'exaucer lotîtes les demandes de Marie, et de lui obéir à cet égard comme à sa véritable Mère ; « les prières de cette Mère ont une certaine autorité sur le cœur du Seigneur, et elle obtient le pardon aux plus grands pécheurs, quand ils l'invoquent. » Aux noces de Cana, Marie demanda à son Fils le vin qui manquait : et quoique le temps destiné aux miracles ne fût pas encore arrivé, le Sauveur, pour obéir à sa Mère, fit le miracle qu'elle demandait, en changeant l'eau en vin.

Si nous voulons des grâces, allons au trône de la grâce (Hébr. 4. 16), c'est Marie : et allons-y avec la ferme espérance d'être exaucés, puisque Marie obtient tout ce qu'elle demande à son fils. La Sainte Vierge a révélé à Sainte Mechtilde, que « l'Esprit-Saint, en la remplissant de toute sa douceur, l'avait rendue si agréable à Dieu, que quiconque demandait des grâces par son entremise, les obtenait. »
Saint Anselme pense que « quelquefois les grâces nous sont plutôt accordées en recourant à Marie, qu'en recourant au Sauveur lui-même : » ce n'est pas que Jésus-Christ ne soit la source et le maître de toutes les grâces, mais c'est que les prières de Marie étant celles d'une mère, elles ont plus de force que les nôtres. Ne nous éloignons donc jamais des pieds de cette dispensatrice des grâces, et disons-lui sans cesse : « Ô Mère de Dieu, ouvrez-nous la porte de votre cœur, qui est si compatissant ; priez pour nous, car vos prières procurent le salut à tous les hommes. » En, recourant à Marie, il vaudra mieux la prier de demander pour nous le6 grâces qu'elle tait être plus convenables à notre salut. Un bon Religieux se trouvant malade demandait à Marie la guérison. La Vierge lui apparut suivie de Ste Cécile et de Ste Catherine, et lui dit avec une très grande douceur : Que veux-tu, mon fils, que je fasse pour toi ? Une aussi belle offre embarrassa le malade et il ne savait que répondre.
Alors une de ces Saintes lui dit : Ne demande rien, remets-toi entièrement entre ses mains, parce que Marie saura te faire une grâce bien plus avantageuse pour toi que tout ce que tu pourrais lui demander. Le malade suivit ce conseil, et la Mère de Dieu lui obtint la grâce d'une parfaite guérison.
Si nous désirons être visités par cette Reine du Ciel, il sera très à propos que nous la visitions souvent nous-mêmes dans quelque Église qui lui soit dédiée. Les avantages de cette pratique sont prouvés par l'exemple qui suit.


Exemple


Deux Religieux s'acheminaient vers un sanctuaire de la Ste Vierge. Surpris de la nuit dans un grand bois, ils ne savaient plus que faire. Mais en s'avançant un peu plus, ils crurent voir une maison à travers l'obscurité. Ils cherchent la porte, frappent, et entendent à l'instant qu'on leur demande qui ils sont. Ils répondent qu'ils sont deux pauvres Religieux égarés, et qu'ils demandent à loger, pour n'être pas dévorés par les loups. On leur ouvre la porte, et ils voient venir deux Pages richement vêtus, qui les reçoivent avec beaucoup de politesse.
Les Religieux demandent : qui habite ce palais ? Les Pages répondent que c'est une Dame très pieuse.
Nous désirerions bien, répliquent-ils, la saluer, et la remercier de sa charité envers nous. Précisément, disent les Pages, c'est à elle que nous vous conduisons, car elle veut vous parler. Ils montent, ils trouvent les chambres toutes illuminées, bien meublées, et parfumées d'une odeur si agréable, qu'elle semblait celle du paradis. Ils entrent dans la chambre de la maîtresse du logis, voient une Dame majestueuse et d'une rare beauté, qui les accueillit avec une extrême bonté, et leur demande où ils vont. Ils répondent qu'ils se rendent à une Église de la Sainte Vierge. Quand vous partirez, reprend la Dame, je vous donnerai une lettre qui vous sera très utile. Les Religieux se sentaient embrasés de l'amour de Dieu, et goûtaient une joie intérieure qui leur avait été inconnue jusqu'alors.
Ils allèrent ensuite prendre du repos, autant que la joie le leur permit. Le matin, ils allèrent prendre congé de la Dame, et recevoir la lettre qu'elle leur remit en effet, et ils partirent. Mais sortis du palais, ils s'aperçurent que la lettre n'avait point d'adresse ; ils regardèrent de tous côtés, et ne virent plus la maison. Ils lurent la lettre, et reconnurent que c'était la sainte Vierge Marie qui leur écrivait, leur apprenait que c'était elle qu'ils avaient vue au château, et que, pour récompenser leur dévotion envers elle, elle les avait pourvus de maison et de rafraîchissements dans cette forêt ; elle les exhortait à continuer de la servir et de l'aimer, et leur promettait à cette condition de les secourir durant leur vie et à leur mort.


Prière


Vierge sainte et sans tache, puisque vous êtes la dispensatrice universelle de toutes les grâces de Dieu, vous êtes donc l'espérance de tout le monde, et la mienne. Je remercie sans cesse mon Seigneur et mon Dieu de m'avoir appris que vous êtes le moyen que je dois prendre pour obtenir les grâces et pour me sauver ; vous êtes le moyen, ô Mère de Dieu, puisque je sais que c'est d'abord par les mérites de Jésus-Christ, puis par votre intercession, que je me dois sauver. Ah ! ma Reine et ma Mère ! vous vous êtes hâtée de visiter et de sanctifier par votre visite la maison d'Élisabeth ; daignez aussi visiter, et visitez bientôt ma pauvre âme. Ne tardez pas, ô Marie ; vous avez mieux que moi combien elle est pauvre et accablée de maux, d'affections déréglées, de mauvaises habitudes et de péchés commis, maux contagieux qui la conduiraient à la mort éternelle. Vous pouvez l'enrichir, ô Mère de grâces, et la guérir de toutes ses infirmités. Visitez-moi donc durant ma vie et surtout à l'heure de ma mort, parce que c'est alors que votre assistance me sera plus nécessaire. Je ne demande pas que vous me visitiez sur la terre par votre présence visible, comme vous avez visité tant d'autres chrétiens vos serviteurs, qui n'étaient pas indignes ni ingrats comme je le suis. Je désire seulement vous voir un jour dans le ciel, pour vous y aimer davantage, et vous remercier de tout le tien que vous m'aurez fait. Maintenant il me suffit que vous me visitiez par votre miséricorde, et que vous priiez pour moi.
Priez donc, ô Marie, et recommandez-moi à votre divin Fils. Vous connaissez mieux que moi mes misères et mes besoins. Que vous dirai-je de plus ? Ayez pitié de moi. Je suis si misérable et si ignorant, que je ne sais pas même connaître ni demander les grâces qui me sont les plus nécessaires. Demandez-les vous-même pour moi, et obtenez-les-moi de votre Fils, ces grâces que vous savez être les plus utiles et les plus nécessaires au bien de mon âme. Je m'abandonne tout entier entre vos mains, et je prie seulement la Majesté divine de m'accorder par les mérites de mon Sauveur Jésus-Christ ce que vous lui demanderez pour moi. Demandez, donc pour moi, ô Vierge très sainte, ce que vous jugerez à propos. Vos prières ne sont jamais rejetées. Ce sont les prières d'une Mère à un Fils qui vous aime tant, et qui prend plaisir à nous accorder tout ce que vous lui demandez ; pour vous rendre ainsi plus d'honneur, et vous témoigner en même temps le grand amour qu'il a pour vous. Faisons donc ainsi, ô Marie : Je mets ma confiance en vous ; et vous, daignez vous charger de mon salut. Ainsi soit-il.






Lire "Les gloires de Marie" (Tome 1, Tome II).


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vendredi 30 décembre 2016

Des grands avantages que nous procure la conformité à la volonté de Dieu


David jouant de la harpe devant Saül



Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne du R.P. Alphonse Rodriguez, Extrait :



Des grands avantages que nous procure la conformité à la volonté de Dieu



Saint Basile dit que toute la sainteté et toute la perfection du christianisme consistent à attribuer à Dieu tout ce qui arrive généralement dans le monde, comme à celui qui en est la véritable cause, et à se conformer, en tout ce qui nous arrive, à sa divine volonté. Mais, afin que nous comprenions mieux le mérite et l'importance de cette conformité, que nous la désirions avec plus d'ardeur, et que nous nous appliquions avec plus de soin à l'acquérir, il faut expliquer en détail les biens infinis et les avantages considérables qui y sont attachés. Premièrement, elle produit la véritable résignation, ou plutôt elle est elle-même cette résignation parfaite et entière, dont les saints et les maîtres de la vie spirituelle nous donnent une si haute idée, en convenant tous que c'est la source et le principe de toute la paix et de toute la tranquillité de l'âme ; puisque par cette résignation l'homme se remet entre les mains de Dieu, comme l'argile entre les mains du potier ; c'est-à-dire, afin que la providence divine dispose de lui, comme elle voudra, ne désirant plus dès lors être à lui-même, ni vivre pour lui-même, ni manger, ni dormir, ni travailler pour lui-même ; mais voulant faire toutes ces choses pour Dieu seul, et dans la seule vue de lui plaire.
La conformité à la volonté divine produit le même effet : car celui qui a cette entière conformité s'abandonne tellement, à cette volonté, qu'il ne sait ni désirer, ni chercher autre chose, sinon qu'elle s'accomplisse en lui, non seulement en tout ce qu'il fait, mais aussi en tout ce qu'il lui arrive ; non seulement dans la prospérité et dans la jouissance, mais aussi dans l'adversité et dans les souffrances. Cette soumission est si agréable à Dieu, qu'elle a mérité le magnifique éloge qu'il fait lui-même de David, lorsqu'il l'appelle un homme selon son cœur. J'ai trouvé, dit-il (1 Reg 13-14), un homme selon mon cœur, qui fera toutes mes volontés. C'est qu'en effet David était si soumis aux ordres de la providence, qu'il avait toujours le cœur disposé à recevoir également de la main de Dieu toutes les impressions qu'il voulait lui donner, ainsi qu'une cire molle est disposée à recevoir telle figure que l'on veut y imprimer ; et c'est pour cela qu'il s'écrie si souvent (Ps. 56. 8. et Ps. 107. 1) ; Mon cœur est disposé, ô mon Dieu ! mon cœur est disposé.
Secondement, celui qui aura une entière et parfaite conformité à la volonté divine, aura acquis une entière et parfaite mortification de toutes les passions et de toutes les mauvaises inclinations qui le dominent. Car il est évident que c'est notre propre volonté et le dérèglement de notre appétit, qui met obstacle en nous à cette conformité.
Il s'ensuit de là une conséquence, qui peut être regardée comme un troisième avantage ; c'est que cette résignation et cette conformité entière à la volonté divine sont le plus grand et le plus agréable sacrifice que l'homme puisse offrir à Dieu de son propre fonds. Dans les autres sacrifices, il n'offre qu'une partie de lui-même ; mais dans celui-ci, il s'offre lui-même tout entier : dans les autres sacrifices et dans les autres mortifications qu'il pratique, il ne se mortifie que sur quelque chose de particulier ; dans la tempérance, par exemple, dans l'humilité, dans la modestie et dans la patience, il n'offre qu'une portion de lui-même à Dieu ; mais ici il s'offre tout entier en holocauste, afin que la majesté divine fasse de lui tout ce qu'elle voudra, en la manière qu'elle le voudra, et pour le temps qu'elle le voudra, sans exception, sans restriction, sans réserve.
Enfin, quiconque aura une parfaite conformité à la volonté divine aura aussi, comme nous l'avons déjà dit, une charité parfaite ; et plus il augmentera dans cette conformité, plus il augmentera pareillement dans la charité et dans l'amour de Dieu, et par conséquent dans la perfection, qui existe dans cette charité et dans cet amour. « La preuve de l'amour, dit saint Grégoire (Greg. hom. 30 in Evang.), ce sont les œuvres ; et plus les œuvres coûtent à la nature et sont difficiles, plus elles marquent d'amour. » Aussi saint Jean voulant expliquer l'excès de l'amour que Dieu avait eu pour les hommes, n'en donne point d'autre preuve : Dieu, dit-il (Joan. 3. 16), a aimé le monde à un tel point, qu'il a donné son Fils unique ; et Jésus-Christ parlant lui-même de l'amour qu'il portait à son Père : Afin, dit-il (Joan. 14. 31), que le monde connaisse que j'aime mon Père, et que je fais ce que mon Père m'a commandé, levez-vous, allons-nous-en. Mais où allait-il ? Il allait à la mort et à la mort la plus cruelle et la plus honteuse ; et c'est en accomplissant un ordre si rigoureux, qu'il a véritablement témoigné au monde qu'il aimait son Père. D'où nous devons conclure que l'amour se prouve par les actions, et que plus les actions sont grandes et pénibles, plus elles font paraître la grandeur de l'amour. Or, la conformité entière à la volonté de Dieu est, comme nous l'avons dit, le plus grand sacrifice que nous puissions lui faire de nous-mêmes ; parce qu'elle suppose une mortification parfaite de tous nos sens, et une résignation absolue de notre volonté, par laquelle nous nous offrons à Dieu, et nous nous remettons entre ses mains, afin qu'il fasse de nous et en nous ce qui lui plaira. Il n'y a rien, par conséquent, en quoi on puisse montrer plus d'amour pour Dieu, qu'en cette conformité ; puis que par là on lui donne, et on lui offre généralement tout ce qu'on a, tout ce qu'on est et tout ce qu'on pourrait jamais, ou avoir ou désirer, et que si on avait encore quelque chose dont on pût disposer, on le donnerait avec la même générosité et le même courage.





Écoutez ce sermon sur l'obéissance et Faire la volonté de Dieu : pourquoi et comment ? avoir la foi.



Reportez-vous à De la conformité que nous devons avoir à la volonté de Dieu dans le partage des autres vertus, et de tous les dons surnaturels, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Prière pour demander la grâce de connaître et d'accomplir la volonté de DieuLes voies du salut, Confiance en la divine Providence, Secret de paix et de bonheur, par le Père Jean-Baptiste Saint-Jure, De la Charité à l'égard du prochain : Du mérite et de l'excellence de cette vertu, Méditation sur les Prières que l'on adresse à Dieu pour ses besoins temporels, Méditation sur la soumission à la volonté de Dieu, Méditation sur les murmures, Le plus grand bonheur de l'homme sur la terre est d'avoir une parfaite conformité à la volonté de Dieu, Seigneur, que vous plaît-il que je fasse ?, Deux principes fondamentaux touchant la conformité à la volonté de Dieu, Méditation sur l'observation des Lois de Dieu, Leçon XI : De l'Oraison Dominicale, et Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir.














mercredi 28 décembre 2016

Satan veut déformer l'homme, afin d'effacer en lui l'image de Dieu, et le façonner à sa propre image



Extrait de "Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume :


Élie fait périr les prêtres de Baal (Gustave Doré)
Dans la Cité du bien, le but final du sacrifice, comme de toutes les pratiques religieuses, est de réparer ou de perfectionner dans l'âme l'image de Dieu, afin que, rendue semblable à son créateur, elle entre au moment de la mort en possession des félicités éternelles. Dépouiller l'âme de sa beauté native en la dépouillant de sa sainteté, c'est-à-dire effacer en elle jusqu'aux derniers vestiges de ressemblance avec Dieu, afin qu'au sortir de la vie elle devienne la victime éternelle de son corrupteur : tel est le but diamétralement contraire du Roi de la Cité du mal.

Avec la même tyrannie qu'il exige l'effusion du sang, il exige la profanation des âmes. Notre plume se refuse à décrire les hécatombes morales, accomplies par ses ordres sur tous les points du globe, ainsi que les circonstances révoltantes dont le prince des ténèbres les entoure. Ignominies et infamies : ces deux mots résument son culte public ou secret.

Ignominies. Voyez-vous Satan, maître de ces âmes immortelles, vivantes images du Verbe incarné, les forçant de se prosterner devant lui, non sous la figure d'un Séraphin, resplendissant de lumière et de beauté ; mais sous la figure de tout ce qu'il y a de plus laid et de plus repoussant dans la nature ? Crocodile, taureau, chien, loup, bouc, serpent, animaux amphibies, animaux de terre et de mer, sous toutes ces formes il demande des hommages, et il les obtient. Cette longue galerie de monstruosités ne lui suffit pas. Afin d'entraîner l'homme dans des ignominies plus profondes, il en invente une nouvelle.

Sous son inspiration, l'Orient et l'Occident, l'Égypte, la Grèce, Rome, tous les lieux où le genre humain respire, ont vu les villes et les campagnes, les temples et les habitations particulières, se peupler de figures monstrueuses, inconnues dans la nature. Êtres hideux, moitié femmes, et moitié poissons, moitié hommes et moitié chiens, femmes à la chevelure de serpents, hommes aux pieds de bouc, femmes à la tête de taureau, hommes à la tête de loup, serpents à la tête d'homme ou d'épervier, Magots et Bouddhas, ayant pour tête un pain de sucre, pour bouche un rictus épouvantable courant d'une oreille à l'autre, pour ventre un tonneau, tous dans des attitudes, ridicules, menaçantes ou cyniques : c'est à ces dieux, incarnation multiforme et long ricanement de l'Esprit malin, que l'homme tremblant devra offrir son encens et demander des faveurs.

Infamies : À quel prix l'encens sera-t-il reçu ? À quelles conditions les faveurs accordées ? qu'on le demande aux mystères de Gérés, à Eleusis ; de la bonne déesse, à Rome ; de Bacchus, en Étrurie ; de Vénus, à Corinthe ; d'Astarté, en Phénicie ; de Mendès en Égypte ; du temple de Gnide, de Delphes, de Claros, de Dodone, et de certains autres que nous nous abstenons de nommer : en un mot, qu'on le demande à tous les sanctuaires ténébreux, où, comme le tigre qui attend sa proie, Satan nuit et jour attend l'innocence, la pudeur, la vertu, et l'immole sans pitié, avec des raffinements d'infamie que le chrétien ne soupçonne plus et que le païen lui-même n'aurait jamais inventés (Clem. Alexand., Exhortat, ad Graec. ; et Euseb., Praep. evang., lib. IV, c, xvi. — M. de Mirville, Pneumatologie, etc., T. III ; deuxième Mémoire, p. 346 et suiv.).

Ce que Satan faisait chez tous les peuples païens, il le fit chez les Gnostiques, leurs héritiers : il le fait encore, quant au fond, parmi les sectaires modernes, soumis plus directement à son empire. Écoutons le récit de ce qui se passe, depuis longtemps, en Amérique, la terre classique des esprits frappeurs et des grands médiums. Dans le mois de septembre, lorsqu'on a recueilli les récoltes, les méthodistes ont l'habitude de tenir des réunions nocturnes, qui durent pendant toute une semaine. Une annonce est faite dans les journaux, afin que chaque fidèle soit dûment prévenu et puisse profiter des grâces, que L'Esprit- Saint prodigue dans ces circonstances. On choisit un vaste emplacement au milieu des forêts ; le meeting a lieu en plein air et dans le silence de la nuit. On voit arriver les sectaires par toutes les voies et sur tous les véhicules imaginables ; hommes, femmes, enfants, tous accourent au rendez-vous.
Le lieu du meeting est ordinairement en forme d'ovale. À une extrémité on construit l'estrade pour les prédicants ; ils sont toujours en nombre. Cette espèce ne manque malheureusement pas en Amérique. De chaque côté, en forme de fer à cheval, on dresse des tentes, et l'on place derrière les voitures et les chevaux. Tout autour, sur des poteaux, sont des lampes ou des torches qui jettent une lueur blafarde. Le centre est vide. C'est là que se tient le peuple pendant le meeting. Vers neuf ou dix heures du soir, au signal donné, les ministres montent sur l'estrade ; le peuple accourt, se tient debout ou assis sur l'herbe.
Un ministre commence quelques prières, puis déclame un petit speech : c'est le préambule. Plusieurs autres se succèdent et cherchent à échauffer l'enthousiasme. Bientôt la scène s'anime et prend un étrange aspect. Un des ministres entonne d'une voix lente et grave un chant populaire (c’est le carmen, usité dans toutes les évocations) ; la foule accompagne sur tous les tons : puis, le ministre grossit la voix et va toujours crescendo, en accompagnant son chant des gestes les plus excentriques. La Sybille n'était pas plus tourmentée, sur son trépied. On chante, on déclame tour à tour, et l'enthousiasme augmente.
Cela dure des heures entières ; l'excitation finit par arriver à un point dont il est impossible de donner l'idée. Entre autres exclamations qu'on entend retentir, citons celle-ci : Dans la Nouvelle Jérusalem, nous aurons du café sans argent et du vieux vin. Alléluia !
Bientôt toute cette foule qui remplit l'enceinte se mêle, se heurte, le tout au milieu des cris, des danses, des gémissements et des éclats de rire. L'esprit vient! l'esprit vient ! Oui, il vient en effet ; mais ce doit être un esprit infernal, avoir ces contorsions, à entendre ces hurlements. C'est alors un pêle-mêle, un tohu-bohu digne de petites-maisons. Les hommes se frappent la poitrine, se balancent comme des magots chinois, ou exécutent des évolutions comme des derviches. Les femmes se roulent par terre, les cheveux épars. Les jeunes filles se sentent soulever dans les airs et sont en effet transportées par une force surnaturelle.
Cependant les ministres, qui semblent livrés à la même folie, continuent de chanter et de se démener comme des possédés : c'est une confusion complète, un chaos au loin la pudeur, la morale, tout est pur pour ces énergumènes. Dieu pardonne tout. Honte et infamie sur les chefs aveugles d'un peuple aveugle !... Les étoiles du firmament répandent une douce clarté sur cet affreux tableau ; parfois le vent mugit dans la forêt, et les torches font apparaître les hommes comme des ombres. La nuit se passe de la sorte. Le matin, toute cette foule est étendue inerte, épuisée, harassée. Le jour est donné au repos, et la nuit suivante on recommence (Histoire d'un meeting de 1863, Extraits des journaux américains). Voilà ce qui se fait dans la secte puritaine des méthodistes. Qui oserait raconter ce qui a lieu chez les Mormons ?

Nous sommes donc en droit de le répéter : Poursuivre le Verbe incarné dans l'homme son frère et son image ; le poursuivre en singeant, pour le perdre, tous les moyens divinement établis pour le sauver ; le poursuivre sans relâche et sur tous les points du globe ; le poursuivre d'une haine qui va jusqu'au meurtre du corps et de l'âme : telle est Tunique occupation du Roi de la Cité du mal.
S'il n'atteint pas toujours ce dernier résultat, toujours il y tend : quand il ne lui est pas donné de détruire l'image du Verbe, il la défigure. À défaut d'une victoire complète, il ambitionne un succès partiel. Ce lumineux principe de la philosophie chrétienne, nous conduit en présence d'un fait très-remarquable, jusqu'ici peu remarqué en lui-même, et nullement étudié dans sa cause. Nous voulons parler de la tendance générale de l'homme à se défigurer. Nous dirions universelle, si un seul peuple, que nous nommerons bientôt, ne faisait exception. Avant de nous occuper de la cause, constatons le phénomène.

La manie de se défigurer ou de se déformer physiquement se rencontre partout. Inutile d'ajouter qu'elle est particulière à l'homme ; quel qu'il soit, l'animal en est exempt. Si nous parcourons les différentes parties du globe, nous trouvons à toutes les époques et sur une vaste échelle, les déformations suivantes ; déformation des pieds, parla compression ; déformation des jambes et des cuisses, par des ligatures ; déformation de la taille, par le corsage ; déformation de la poitrine et des bras, par le tatouage ; autre déformation de la poitrine, des bras, des jambes et du dos, par de hideuses excroissances de chair, provenant d'incisions faites au moyen de coquillages ; déformation des ongles, par la coloration ; déformation des doigts, par l'amputation de la première phalange.
Déformation du menton, par l'épilation ; déformation de la bouche, par le percement de la lèvre inférieure ; déformation des joues, par le percement et par la coloration ; déformation du nez, par l'aplatissement de l'une ou de l'autre extrémité, par le percement de la cloison, avec suspension d'une large plaque de métal, ou l'allongement exagéré, provenant d'une compression verticale des parois ; déformation des oreilles, au moyen de pendants qui les allongent jusqu'à l'épaule (« Aux jours de fête, les femmes du l'Île de Pâques mettent leurs pendants d'oreilles. Elles commencent de bonne heure à se percer le lobe de l'oreille avec un morceau de bois pointu ; peu à peu elles font entrer ce bois plus avant, et le trou s'agrandit. Ensuite elles y introduisent un petit rouleau d'écorce, lequel, faisant l'office de ressort, se détend et dilate de plus en pins l'ouverture. Au bout de quelque temps, le lobe de l'oreille est devenu une mince courroie qui retombe sur l'épaule comme un ruban. Les jours de fête, on y introduit un énorme rouleau d'écorce : cela est d'une grâce parfaite ! » — Aussi parfaite que le chignon moderne. Annales de la Prop. de la Foi, II.) ; déformation des yeux, par la coloration ou par la pression de l'os frontal, qui les fait sortir de leur orbite ; déformation du front par des caractères obscènes, gravés en rouge avec le bois de sandal ; déformation du crâne, sous l'action de compressions variées qui lui font prendre tour à tour la forme conique, pointue, bombée, ronde, trilobée, aplatie, carrée ; déformation générale par le fard, par les cosmétiques et par les modes ridicules : voilà le phénomène (pour les autorités et le nom des peuples, voir l'ouvrage du docteur-médecin L. A. Gosse, de Genève, intitulé : Essai sur les déformations artificielles du crâne, Paris, 1855 ; Annales de la Propagation de la Foi, n. 98, p. 75).

Quel esprit suggère à l'homme qu'il n'est pas bien, tel que Dieu l'a fait ? D'où lui vient cette impérieuse manie de déformer, dans sa personne, l'ouvrage du Créateur ? Donner pour cause la jalousie des uns, la coquetterie des autres, ce n'est pas résoudre la difficulté : c'est la reculer. Il s'agit de savoir quel principe inspire cette jalousie brutale, cette coquetterie repoussante ; pourquoi l'une et l'autre procèdent par la déformation, c'est-à-dire en sens inverse de la beauté, et comment elles se trouvent sur tous les points du globe .

Si l'on veut ne pas se payer de mots et avoir le secret de l'énigme, il faut se rappeler deux choses également certaines : la première, que l'homme a été fait, dans son corps et dans son âme, à l'image du Verbe incarné ; la seconde, que le but de tous les efforts de Satan, est de faire disparaître de l'homme l'image du Verbe incarné, afin de le former à la sienne. Ces deux vérités incontestables conduisent logiquement à la conclusion suivante : La tendance générale de l'homme à se défigurer, est l'effet d'une manœuvre satanique. Plusieurs faits, dont le sens n'est pas équivoque, viennent confirmer cette conclusion.

1° Certains peuples reconnaissent positivement dans ces déformations l'influence de leurs dieux. « Quant aux femmes australiennes, écrit un missionnaire, c'est moins le goût de la parure que l'idée d'un sacrifice religieux, qui les porte à se mutiler. Lorsqu'elles sont encore en bas âge, on leur lie le bout du petit doigt de la main gauche, avec des fils de toile d'araignée ; la circulation du sang se trouvant ainsi interrompue, on arrache au bout de quelques jours la première phalange, qu'on dédie au serpent boa, aux poissons ou aux kanguroos (Annales, etc., n. 98, p. 75). »
Il en est de même de la déformation frontale par la coloration. Son caractère d'obscénité révoltante accuse une autre cause, que la jalousie de l'homme ou la coquetterie de la femme.

2° La partie du corps le plus universellement et le plus profondément déformée, c'est le cerveau. D'où vient cette préférence ? Au point de vue de l'action démoniaque, il est facile d'en comprendre le motif. Le cerveau est le principal instrument de l'âme. L'altérer, c'est altérer tout l'homme. Or, cette déformation a pour résultat d'entraver le développement des facultés intellectuelles, de favoriser les passions brutales et de dégrader l'homme au niveau de la bête (Gosse, p. 149, 150. — Sur plusieurs points de la France et de l'Europe, la déformation frontale a lieu encore aujourd'hui. ibid).

3° Parmi tous les peuples, un seul peuple, mêlé à tous les peuples, échappe à cette tendance, c'est le peuple juif. Investi d'une mission providentielle, dont la lettre de créance est son identité, il faut qu'il soit éternellement reconnu pour juif, et Satan n'a pas la permission de le défigurer. « Comme exempte de la déformation, je citerai cette petite nation juive, qui a joué un rôle si remarquable dans l'humanité, et dont le type s'est conservé pur, dès les temps les plus reculés (Gosse, p. 16). »

4° Plus les nations se trouvent étrangères à l'influence du christianisme ou du Saint-Esprit, plus la tendance à la déformation est générale ; au contraire, plus elles sont chrétiennes, plus elle diminue. « En parlant des habitants de la Colombie, M. Duflot de Mofras fait remarquer que là où le catholicisme s'est introduit, la déformation a cessé (Gosse, p. 9). » Elle disparaît complètement chez les vrais catholiques, les saints, les prêtres, les religieux et les religieuses.

Déformer l'homme, afin d'effacer en lui l'image de Dieu, ce n'est pas assez : nous avons ajouté qu'à tout prix, Satan veut le faire à la sienne. Ici encore vient s'ajouter un nouveau trait au parallélisme constant, que nous avons observé.

Dans la Cité du bien, l'image de Dieu la plus éloquente et la plus populaire, c'est le crucifix. Donc le crucifix est l'image obligée de l'homme ici-bas. Mortification universelle de la chair et des sens, empire absolu de l'âme sur le corps, dévouement sans bornes, détachement des choses temporelles, résignation, douceur, humilité, aspiration constante vers les réalités de la vie future : n'est-ce pas là tout l'homme voyageur ? Et voilà le crucifix. De là, cette définition de la vie, donnée par le concile de Trente : La vie chrétienne est une pénitence continuelle, vita christiana, perpétua poenitentia.

Par ses images, le Roi de la Cité du mal définit aussi la vie ; mais il la définit à sa manière. Pas une des innombrables statues, sous lesquelles il se présente aux hommages des hommes, qui ne soit un appel à certaine passion. Plusieurs fois nous avons visité les galeries de Florence, les musées de Rome et de Naples, les ruines dé Pompéi et d'Herculanum. Nous avons vu les dieux de l'Océanie ; d'autres ont vu, pour nous, les temples du Thibet, les pagodes de l'Inde et de la Chine. Or, les milliers d'images, emblèmes, statues, antiques et modernes, qui encombrent ces lieux, si différents d'âge et de destination, répètent, chacun à sa manière, le mot séduisant qui perdit l'homme au paradis terrestre : Jouis ; c'est-à-dire, oublie tes destinées, oublie le but de la vie, adore ton corps, méprise ton âme, dégrade-toi, déforme-toi ; que l'image du crucifix s'efface de ton front, de tes pensées et de tes actes, afin que tu sois l'image de celui que tu adores, la Bête.






Lire "Traité du Saint Esprit" (Tome 1, Tome II).



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mardi 27 décembre 2016

Message-Radio de Sa Sainteté le Pape Pie XII pour le Ve centenaire de la réhabilitation de Sainte Jeanne d'Arc






MESSAGE-RADIO DE SA SAINTETÉ LE PAPE PIE XII


POUR LE Ve CENTENAIRE DE LA RÉHABILITATION

DE SAINTE JEANNE D'ARC


(Lundi 25 juin 1956)



En cette heure solennelle, en laquelle toute une nation chrétienne, représentée par ses personnalités les plus éminentes, offre au Seigneur une messe d'action de grâces sous les voûtes d'une merveilleuse cathédrale, qui renaît à la vie, tel un malade qui a surmonté une crise grave à force d'énergie et d'endurance ; en cette heure où vous célébrez le 5e Centenaire de la réhabilitation de sainte Jeanne d'Arc, comme une grande famille qui retrouve en l'un de ses enfants l'incarnation de ses valeurs les plus hautes et les plus représentatives, ce Nous est une grande consolation de manifester Nous aussi la joie qui remplit Notre âme et de vous féliciter, fils bien-aimés, pour cette fête d'une maison de Dieu et d'une héroïne de la sainteté, qui sont vos légitimes gloires.

Qui donc, en cette triste journée du printemps de 1431, regagnant sa demeure les yeux baissés et le cœur abattu, après avoir assisté à la tragédie de la place du Vieux Marché, s'il eût fixé les yeux sur l'édifice grandiose de votre cathédrale pour y chercher réconfort, aurait jamais pensé que la présente journée historique réunirait Jeanne et ce temple, comme si sur eux eût pesé un commun destin de vocation divine, de souffrance et de martyre, de mort apparente et de glorieuse résurrection, pour les dresser devant le monde comme symbole tangible des vertus d'une race, comme authentique expression de l'âme nationale ?

Il faudrait remonter jusqu'aux siècles, où l'histoire se confond avec la légende, pour retracer les vicissitudes subies par votre cathédrale, en évoquant les noms des saints et des hommes illustres, qui en ont occupé le Siège, et pour la suivre à travers les âges comme une vivante image du peuple, de la cité et de la région, dont elle partagea les joies et les peines. C'est en elle, comme dans une bible de pierre, que vos aïeux lurent les vérités de la foi, suivirent avec admiration les hauts faits de leurs ancêtres, admirèrent les beautés les plus pures mises au service de l'idéal le plus élevé, apprirent à prier et, en même temps, se sentirent plus frères sous l'étreinte de ses grandes voûtes. Ses lignes élancées leur montraient le chemin du ciel et la légèreté de ses masses leur enseignait le détachement du monde. Dans le ciel clair de Normandie allaient passer des lueurs d'incendie, les nuées de la guerre chargées de désolation et d'épouvante, et même les ténèbres que créent l'abandon des hommes et les excès sacrilèges de la Révolution. Mais la cathédrale restera toujours debout, elle trouvera toujours la main et le cœur, qui lui donneront une vie nouvelle, parce qu'elle exprime des réalités immortelles et que ses fondements s'appuient, sur le rocher de la foi, d'une foi sentie et transformée en substance de vie jusqu'à former pour un peuple son caractère le plus essentiel.

Et voici que, onze ans à peine après la dernière tourmente, vous revenez l'admirer dans toute sa splendeur. Votre constance, votre générosité et votre enthousiasme méritent un éloge spécial, que Nous sommes heureux de vous accorder ; cet éloge s'adresse en particulier aux autorités publiques, grâce auxquelles la cathédrale a pu être relevée de ses ruines ; il va aussi à ceux qui ont soulevé ces pierres de leurs propres mains, et renouvelé ainsi les traditions vénérables des siècles passés. Aimez-là, bien-aimés, parce qu'elle est vôtre, parce qu'elle vous représente, parce qu'elle vous est un bienfait ou, comme dit un hymne :
« Elle est la barque qui nous porte sans péril, Le bercail dont le toit nous abrite, La colonne de la vérité et notre sûr appui ».

Quel contraste entre cette inaltérable stabilité et les frêles apparences de l'humble jeune fille, qui devait avoir une si grande part dans l'histoire de France ! Et pourtant, cette enfant à première vue si fragile devenait elle aussi un solide édifice ; telle une cathédrale enracinée dans le sol, elle creusait ses fondements dans l'amour de la patrie, dans un désir véhément de paix et une soif de justice, qui devaient l'arracher de l'ombre où elle semblait confinée pour la jeter dans le cours violent de l'histoire. Choisie par Dieu, une conscience inébranlable de sa mission, un désir ardent de sainteté alimenté par la volonté de mieux correspondre à sa très haute vocation, lui feront surmonter les obstacles, ignorer les périls, affronter les grands de la terre, se mêler aux problèmes internationaux du temps et se transformer en capitaine habillé de fer, pour monter terrible à l'assaut. Plus d'une année de campagne, semée de terrible et de victoires, la prise d'Orléans, le sacre de Reims, les chevauchées interminables, les blessures et les prisons, semblent les pages magnifiques d'une légende dorée. Mais en face de la simplicité exemplaire, du parfait désintéressement, de l'idéal sans tache, se dressent la prudence du monde, la cupidité, l'incompréhension et la corruption, qui vont tisser leurs filets pour l'isoler, l'immobiliser et la faire périr comme un ennemi dangereux. Dans le ciel de Normandie ont repassé des ombres sinistres, l'obscurité revient couvrir pour un moment la Rouen lumineuse. Et voilà qu'une fois encore les flammes d'un bûcher ravivent l'incendie sur l'une de ses places ; dans le silence résonnent les paroles d'une martyre fidèle à sa vocation, pleine de foi en l'Église, à laquelle elle en appelait, invoquant le très doux nom de Jésus, son unique consolation. À travers la fumée qui monte, elle fixe la Croix, certaine qu'un jour elle obtiendra justice. Plus tard sur les ruines de la cathédrale une Croix aussi serait l'espérance de la reconstruction future.

Vie longue ou brève ; triomphe ou déroute apparente ; solidité de la pierre ou fragilité d'une pauvre jeune fille mortelle : peu importe ! s'il existe une vérité immuable, une foi qui ne peut passer, l'amour d'une patrie immortelle, l'attente d'une paix qui est une exigence naturelle du cœur humain, la soif d'une justice qui nécessairement l'emportera à l'heure fixée par l'histoire, à l'heure de la reconstruction, de la réhabilitation, de la résurrection. Loi nécessaire, qui unit toujours le sacrifice au triomphe, l'humiliation à la gloire, le mystère du Calvaire à l'aube lumineuse du matin de la Résurrection. Heureux le peuple qui s'en souvient, même pour affronter, s'il le fallait, le jugement des hommes, comme Jeanne l'a su faire avec une admirable constance et une inaltérable sérénité ; pour ne pas refuser le sacrifice, qu'elle vit venir sans craindre personne et avec une énergie merveilleuse; pour être toujours fidèle à sa vocation, spécialement aux moments les plus difficiles. Jeanne d'Arc se présente ainsi aux chrétiens de notre temps comme un modèle de foi solide agissante, de docilité à une mission très haute, de force au lieu des épreuves. Mais son exemple doit être spécialement éloquent pour vous, fils bien-aimés, dont la patrie a mérité, en vertu d'un appel divin, de renaître en un moment si difficile ; vous êtes les frères d'une héroïne, simple fille de votre peuple. Par sa vie exemplaire, sa consécration à un idéal et son par fait sacrifice, elle enseigne à tous le chemin sûr, en ce siècle de sensualité, de matérialisme, de laisser-aller, qui voudrait faire oublier le sentier tracé par les héros les meilleurs, et la voie qui mène au portail grandiose des vieilles cathédrales.

Il n'est pas rare qu'aux instants les plus critiques, ainsi qu'un coup de vent rompt les nuages et laisse voir l'étoile qui guidera le navigateur au port, le Seigneur envoie l'inspiration surnaturelle qui doit faire d'une âme le salut de son peuple, Levez donc les yeux, fils bien-aimés, dignes représentants d'une nation qui se glorifie du titre de fille aînée de l'Église, et regardez les grands exemples qui vous ont précédés; levez les yeux, et admirez ces splendides cathédrales qui demeurent parmi vous un vivant symbole de cette Église catholique au sein de laquelle vous avez grandi. Mieux encore, entrez d'un pas assuré dans la cathédrale de Dieu, vénérez les saints qui se trouvent sur ses autels, tombez à genoux devant le Dieu qui vous attend au tabernacle, renouvelez votre profession de foi, promettez-lui de nouveau votre fidélité la plus parfaite, et soyez sûrs que, ce faisant, vous répondrez à votre vocation d'hommes, de chrétiens, de Français. S'il arrive que souffle au-dehors le vent mauvais, si le mensonge, la cupidité, l'incompréhension trament le mal, s'il vous semble même devenir victimes à votre tour, regardez vos héros réhabilités, vos cathédrales reconstruites et vous vous convaincrez une fois de plus que toujours la dernière victoire est celle de la Foi, de la sainte Foi, que rien ne peut abattre et dont l'Église catholique est l'unique dépositaire.

Catholiques français, dignes représentants d'une nation qui dans son titre de catholique a toujours trouvé le stimulant le plus fort pour écrire les pages les plus glorieuses de son histoire ! Des tours de vos cathédrales tombent les notes graves ou joyeuses des cloches, comme la rosée qui descend sur la terre pour la rafraîchir et la féconder ; du sol généreux de ce jardin de l'Europe qu'est la France, germent les héros de la patrie et de la foi, qui, par amour pour leur mère, si sa défense l'exige, savent batailler, et mourir, dans la certitude que les lauriers du triomphe ne sauraient jamais manquer à qui accepte de se sacrifier pour une cause grande et juste. Et s'il peut sembler un moment que triomphent l'iniquité, le mensonge et la corruption, il vous suffira de faire silence quelques instants et de lever les yeux au ciel, pour imaginer les légions de Jeanne d'Arc qui reviennent, bannières déployées, pour sauver la patrie et sauver la foi.

Par l'intercession de tant de saints qui ont occupé le Siège de Rouen, par l'intercession surtout de cette grandiose figure dont vous commémorez aujourd'hui la réhabilitation, que la bénédiction du Très-Haut descende sur vous tous ici présents, sur Nos frères dans l'Épiscopat, le clergé et les fidèles, sur les très dignes autorités qui par leur présence et leur appui ont tant contribué à l'éclat de ces solennités et, par-dessus tout, sur la France, qui Nous est si chère, et à laquelle Nous souhaitons la paix et le bonheur dans la plus parfaite adhésion à ses destinées de grande nation catholique.




samedi 24 décembre 2016

Quo graviora, Lettre apostolique de Sa Sainteté le Pape Léon XII





QUO GRAVIORA


Lettre apostolique de Sa Sainteté le Pape Léon XII


Condamnation de la Société dite des Francs-Maçons

et des autres Sociétés secrètes


(13 mars 1826)




LÉON, ÉVÊQUE.
SERVITEUR DES SERVITEURS DE DIEU.



Pour en conserver le perpétuel souvenir.

Plus sont grands les désastres qui menacent le troupeau de Jésus-Christ, notre Dieu et Sauveur, plus doit redoubler, pour les détourner, la sollicitude des Pontifes Romains auxquels, dans la personne de saint Pierre, prince des apôtres, ont été conférés le pouvoir et le soin de conduire ce même troupeau. C’est à eux, en effet, comme étant placés au poste le plus élevé de l’Église, qu’il appartient de découvrir de loin les embûches préparées par les ennemis du nom chrétien pour exterminer l’Église de Jésus-Christ (ce à quoi ils ne parviendront jamais) : c’est à eux qu’il appartient tantôt de signaler aux fidèles et de démasquer ces embûches, afin qu’ils s’en gardent, tantôt de les détourner et de les dissiper de leur propre autorité.

Les Pontifes Romains, Nos prédécesseurs, ayant compris qu’ils avaient cette grande tâche à remplir, veillèrent toujours comme de bons pasteurs, et s’efforcèrent, par des exhortations, des enseignements, des décrets, et en exposant même leur vie pour le bien de leurs brebis, de réprimer et de détruire entièrement les sectes qui menaçaient l’Église d’une ruine complète. Le souvenir de cette sollicitude pontificale ne se retrouve pas seulement dans les anciennes annales ecclésiastiques, on en retrouve d’éclatantes preuves dans ce qui a été fait de nos jours et du temps de nos pères par les Pontifes Romains, pour s’opposer aux associations secrètes des ennemis de Jésus-Christ ; car Clément XII, Notre prédécesseur, ayant vu que la secte dite des Francs-Maçons, ou appelée d’un autre nom, acquérait chaque jour une nouvelle force, et ayant appris avec certitude, par de nombreuses preuves, que cette secte était non seulement suspecte mais ouvertement ennemie de l’Église catholique, la condamna par une excellente constitution qui commence par ces mots : In eminenti publiée le 28 avril 1738, et dont voici la teneur : (lire).

Cette Bulle ne parut pas suffisante à Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, Benoît XIV, car le bruit s’était répandu que Clément XII étant mort, la peine d’excommunication portée par sa Bulle était sans effet, puisque cette Bulle n’avait pas été expressément confirmée par son successeur. Sans doute il était absurde de prétendre que les Bulles des anciens Pontifes dussent tomber en désuétude si elles n’étaient pas approuvées expressément par leurs successeurs, et il était évident que Benoît XIV avait ratifié la Bulle publiée par Clément XII. Cependant, pour ôter aux sectaires jusqu’au moindre prétexte, Benoît XIV publia une nouvelle Bulle commençant ainsi : Providas, et datée du 18 mars 1751 ; dans cette Bulle, il rapporta et confirma textuellement et de la manière la plus expresse celle de son prédécesseur. En voici la teneur : (lire).

Plût à Dieu que ceux qui avaient le pouvoir en main eussent su apprécier ces décrets autant que l’exigeait le salut de la religion et de l’État ! Plût à Dieu qu’ils eussent été convaincus qu’ils devaient voir dans les Pontifes Romains, successeurs de saint Pierre, non seulement les pasteurs et les chefs de l’Église catholique, mais encore les plus fermes appuis des gouvernements et les sentinelles les plus vigilantes pour découvrir les périls de la société ! Plût à Dieu qu’ils eussent employé leur puissance à combattre et à détruire les sectes dont le Siège Apostolique leur avait découvert la perfidie ! Ils y auraient réussi dès lors ; mais, soit que ces sectaires aient eu l’adresse de cacher leurs complots, soit que, par une négligence ou une imprudence coupable, on eût présenté la chose comme peu importante et devant être négligée, les Francs-Maçons ont donné naissance à des réunions plus dangereuses encore et plus audacieuses.

On doit placer à leur tête celle des Carbonari, qui paraîtrait les renfermer toutes dans son sein, et qui est la plus considérable en Italie et dans quelques autres pays. Divisée en différentes branches et sous des noms divers, elle a osé entreprendre de combattre la religion catholique et de lutter contre l’autorité légitime. Ce fut pour délivrer l’Italie et les autres pays, et spécialement les États du Souverain Pontife, de ce fléau qui avait été apporté par des étrangers dans le temps où l’autorité pontificale était entravée par l’invasion, que Pie VII, Notre prédécesseur d’heureuse mémoire, publia une Bulle, le 13 septembre 1821, commençant par ces mots : Ecclesiam a Jesu Christo. Elle condamne la secte dite des Carbonari sous les peines les plus graves, sous quelque dénomination et dans quelque pays qu’elle existe. En voici la teneur : (lire).

Il y avait peu de temps que cette Bulle avait été publiée par Pie VII, lorsque Nous avons été appelé, malgré la faiblesse de nos mérites, à lui succéder au Saint Siège. Nous Nous sommes aussitôt appliqué à examiner l’état, le nombre et la force de ces associations secrètes et Nous avons reconnu facilement que leur audace s’était accrue par les nouvelles sectes qui s’y sont rattachées. Celle qu’on désigne sous le nom d’Universitaire a surtout fixé notre attention ; elle a établi son siège dans plusieurs universités, où des jeunes gens, au lieu d’être instruits, sont pervertis par quelques maîtres, initiés à des mystères qu’on pourrait appeler des mystères d’iniquité, et formés à tous les crimes.

De là vient que si longtemps après que le flambeau de la révolte a été allumé pour la première fois en Europe par les sociétés secrètes, et qu’il a été porté au loin par ses agents, après les éclatantes victoires remportées par les plus puissants princes et qui Nous faisaient espérer la répression de ces sociétés ; cependant, leurs coupables efforts n’ont pas encore cessé : car, dans les mêmes contrées où les anciennes tempêtes paraissaient apaisées, n’a-t-on pas à craindre de nouveaux troubles et de nouvelles séditions que ces sociétés trament sans cesse ? N’y redoute-t-on pas les poignards impies dont ils frappent en secret ceux qu’ils ont désignés à la mort ? Combien de luttes terribles l’autorité n’a-t-elle pas eu à soutenir malgré elle, pour maintenir la tranquillité publique ?

On doit encore attribuer à ces associations les affreuses calamités qui désolent de toute part l’Église, et que Nous ne pouvons rappeler sans une profonde douleur : on attaque avec audace ses dogmes et ses préceptes les plus sacrés ; on cherche à avilir son autorité, et la paix dont elle aurait le droit de jouir est non seulement troublée, mais on pourrait dire qu’elle est détruite.

On ne doit pas s’imaginer que Nous attribuions faussement et par calomnie à ces associations secrètes tous les maux et d’autres que Nous ne signalons pas. Les ouvrages que leurs membres ont osé publier sur la religion et sur la chose publique, leur mépris pour l’autorité, leur haine pour la souveraineté, leurs attaques contre la divinité de Jésus-Christ et l’existence même d’un Dieu, le matérialisme qu’ils professent, leurs codes et leurs statuts, qui démontrent leurs projets et leurs vues, prouvent ce que Nous avons rapporté de leurs efforts pour renverser les princes légitimes et pour ébranler les fondements de l’Église ; et ce qui est également certain, c’est que ces différentes associations, quoique portant diverses dénominations, sont alliées entre elles par leurs infâmes projets.

D’après cet exposé, Nous pensons qu’il est de Notre devoir de condamner de nouveau ces associations secrètes, pour qu’aucune d’elles ne puisse prétendre qu’elle n’est pas comprise dans Notre sentence apostolique et se servir de ce prétexte pour induire en erreur des hommes faciles à tromper.

Ainsi, après avoir pris l’avis de Nos Vénérables Frères les Cardinaux de la sainte Église Romaine, de Notre propre mouvement, de Notre science certaine et après de mûres réflexions, Nous défendons pour toujours et sous les peines infligées dans les Bulles de Nos prédécesseurs insérées dans la présente et que Nous confirmons, Nous défendons, disons-Nous, toutes associations secrètes, tant celles qui sont formées maintenant que celles qui, sous quelque nom que ce soit, pourront se former à l’avenir, et celles qui concevraient contre l’Église et toute autorité légitime les projets que Nous venons de signaler.

C’est pourquoi Nous ordonnons à tous et à chaque chrétien, quels que soient leur état, leur rang, leur dignité ou leur profession, laïques ou prêtres, réguliers ou séculiers, sans qu’il soit nécessaire de les nommer ici en particulier, et, en vertu de la sainte obéissance, de ne jamais se permettre, sous quelque prétexte que ce soit, d’entrer dans les susdites sociétés, de les propager, de les favoriser ou de les recevoir ou cacher dans sa demeure ou autre part, de se faire initier à ces sociétés dans quelque grade que ce soit, de souffrir qu’elles se rassemblent ou de leur donner des conseils ou des secours ouvertement ou en secret, directement ou indirectement, ou bien d’engager d’autres, de les séduire, de les porter ou de les persuader à se faire recevoir ou initier dans ces sociétés, dans quelque grade que ce soit, ou d’assister à leurs réunions, ou de les aider ou favoriser de quelque manière que ce soit ; au contraire, qu’ils se tiennent soigneusement éloignés de ces sociétés, de leurs associations, réunions ou assemblées, sous peine d’excommunication dans laquelle ceux qui auront contrevenu à cette défense tomberont par le fait même, sans qu’ils puissent jamais en être relevés que par Nous ou Nos successeurs, si ce n’est en danger de mort.

Nous ordonnons en outre à tous et à chacun, sous peine de l’excommunication réservée à Nous et à Nos successeurs, de déclarer à l’évêque et aux autres personnes que cela concerne, dès qu’ils en auront connaissance, si quelqu’un appartient à ces sociétés ou s’est rendu coupable de quelques-uns des délits susmentionnés.

Nous condamnons surtout et Nous déclarons nul le serment impie et coupable par lequel ceux qui entrent dans ces associations s’engagent à ne révéler à personne ce qui regarde ces sectes, et à frapper de mort les membres de ces associations qui feraient des révélations à des supérieurs ecclésiastiques ou laïques. N’est-ce pas, en effet, un crime que de regarder comme un lien obligatoire, un serment, c’est-à-dire un acte qui doit se faire en toute justice, et où l’on s’engage à commettre un assassinat, et à mépriser l’autorité de ceux qui, étant chargés du pouvoir ecclésiastique ou civil, doivent connaître tout ce qui est important pour la religion et la société, et ce qui peut porter atteinte à leur tranquillité ? N’est-ce pas indigne et inique de prendre Dieu à témoin de pareils attentats ? Les Pères du Concile de Latran ont dit avec beaucoup de sagesse (can. 3) « qu’il ne faut pas considérer comme serment, mais plutôt comme parjure tout ce qui a été promis au détriment de l’Église et contre les règles de la tradition. » Peut-on tolérer l’audace ou plutôt la démence de ces hommes qui, disant, non seulement en secret, mais hautement, qu’il n’y a point de Dieu, et le publiant dans leurs écrits, osent cependant exiger en son nom un serment de ceux qu’ils admettent dans leur secte ?

Voilà ce que Nous avons arrêté pour réprimer et condamner toutes les sectes odieuses et criminelles. Maintenant, Vénérables Frères, Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques, Nous demandons, ou plutôt Nous implorons votre secours ; donnez tous vos soins au troupeau que le Saint-Esprit vous a confié en vous nommant évêques de son Église. Des loups dévorants se précipiteront sur vous et n’épargneront pas vos brebis. Soyez sans crainte, et ne regardez pas votre vie comme plus précieuse que vous-mêmes. Soyez convaincus que la constance de vos troupeaux dans la religion et dans le bien dépend surtout de vous ; car, quoique nous vivions dans des jours mauvais et où plusieurs ne supportent pas la saine doctrine, cependant beaucoup de fidèles respectent encore leurs pasteurs, et les regardent avec raison comme les ministres de Jésus-Christ et les dispensateurs de ses mystères. Servez-vous donc, pour l’avantage de votre troupeau, de cette autorité que Dieu vous a donnée sur leurs âmes par une grâce signalée. Découvrez-leur les ruses des sectaires et les moyens qu’ils doivent employer pour s’en préserver. Inspirez-leur de l’horreur pour ceux qui professent une doctrine perverse, qui tournent en dérision les mystères de notre religion et les préceptes si purs de Jésus-Christ, et qui attaquent la puissance légitime. Enfin, pour Nous servir des paroles de Notre prédécesseur Clément XIII, dans sa Lettre encyclique A quo die à tous les Patriarches, Primats, Archevêques et Évêques de l’Église catholique, en date du 14 septembre 1758 :
« Pénétrons-nous, je vous en conjure, de la force de l’Esprit du Seigneur, de l’intelligence et du courage qui en sont le fruit, afin de ne pas ressembler à ces chiens qui ne peuvent aboyer, laissant nos troupeaux exposés à la rapacité des bêtes des champs. Que rien ne nous arrête dans le devoir où nous sommes de souffrir toutes sortes de combats pour l’amour de Dieu et le salut des âmes. Ayons sans cesse devant les yeux celui qui fut aussi, pendant sa vie, en butte à la contradiction des pécheurs ; car si nous nous laissons ébranler par l’audace des méchants, c’en est fait de la force de l’épiscopat, de l’autorité sublime et divine de l’Église. Il ne faut plus songer à être chrétiens si nous en sommes venus au point de trembler devant les menaces ou les embûches de nos ennemis. »

Princes catholiques, Nos très chers fils en Jésus Christ, pour qui Nous avons une affection particulière, Nous vous demandons avec instance de venir à Notre secours. Nous vous rappellerons ces paroles que Léon le Grand, notre prédécesseur et dont Nous portons le nom, quoique indigne de lui être comparé, adressait à l’empereur Léon : « Vous devez sans cesse vous rappeler que la puissance royale ne vous a pas seulement été conférée pour gouverner le monde, mais encore et principalement pour prêter main forte à l’Église, en comprimant les méchants avec courage, en protégeant les bonnes lois, en rétablissant l’ordre dans toutes les choses où il a été troublé ». Les circonstances actuelles sont telles que vous avez à réprimer ces sociétés secrètes, non seulement pour défendre la religion catholique, mais encore pour votre propre sûreté et pour celle de vos sujets. La cause de la religion est aujourd’hui tellement liée à celle de la société, qu’on ne peut plus les séparer ; car ceux qui font partie de ces associations ne sont pas moins ennemis de votre puissance que de la religion. Ils attaquent l’une et l’autre et désirent également les voir renversées ; et s’ils le pouvaient, ils ne laisseraient subsister ni la religion ni l’autorité royale.

Telle est la perfidie de ces hommes astucieux, que, lorsqu’ils forment des vœux secrets pour renverser votre puissance, ils feignent de vouloir l’étendre. Ils essaient de persuader que Notre pouvoir et celui des évêques doit être restreint et affaibli par les princes, et qu’il faut transférer à ceux-ci les droits, tant de cette Chaire apostolique et de cette Église principale, que des évêques appelés à partager Notre sollicitude.

Ce n’est pas la haine seule de la religion qui anime leur zèle, mais l’espoir que les peuples soumis à votre empire, en voyant renverser les bornes posées dans les choses saintes par Jésus-Christ et son Église, seront amenés facilement par cet exemple à changer ou à détruire aussi la forme du gouvernement.

Vous aussi, Fils chéris, qui professez la religion catholique, Nous vous adressons particulièrement Nos prières et Nos exhortations. Évitez avec soin ceux qui appellent la lumière ténèbres et les ténèbres lumière. En effet, quel avantage auriez-vous à vous lier avec des hommes qui ne tiennent aucun compte ni de Dieu ni des puissances, qui leur déclarent la guerre par des intrigues et des assemblées secrètes, et qui, tout en publiant tout haut qu’ils ne veulent que le bien de l’Église et de la société, prouvent par toutes leurs actions qu’ils cherchent à porter le trouble partout et à tout renverser ? Ces hommes sont semblables à ceux à qui l’apôtre saint Jean ordonne de ne pas donner l’hospitalité, et qu’il ne veut pas qu’on salue (IIe Épître, v. 10) ; ce sont les mêmes que nos pères appelaient les premiers nés du démon.

Gardez-vous donc de leurs séductions et des discours flatteurs qu’ils emploieront pour vous faire entrer dans les associations dont ils font partie. Soyez convaincus que personne ne peut être lié à ces sociétés sans se rendre coupable d’un péché grave : fermez l’oreille aux paroles de ceux qui, pour vous attirer dans leurs assemblées, vous affirmeront qu’il ne se commet rien de contraire à la raison et à la religion, et qu’on n’y voit et n’y entend rien que de pur, de droit et d’honnête. D’abord ce serment coupable dont Nous avons parlé, et qu’on prête même dans les grades inférieurs, suffit pour que vous compreniez qu’il est défendu d’entrer dans ces premiers grades et d’y rester ; ensuite, quoique l’on n’ait pas coutume de confier ce qu’il y a de plus compromettant et de plus criminel à ceux qui ne sont pas parvenus à des grades éminents, il est cependant manifeste que la force et l’audace de ces sociétés pernicieuses s’accroissent en raison du nombre et de l’accord de ceux qui en font partie. Ainsi ceux qui n’ont pas passé les rangs inférieurs doivent être considérés comme les complices du même crime, et cette sentence de l’apôtre (Épître aux Romains, ch. 1) tombe sur eux : « Ceux qui font ces choses sont dignes de mort, et non seulement ceux qui les font, mais même ceux qui s’associent à ceux qui s’en rendent coupables ».

Enfin, Nous Nous adressons avec affection à ceux qui, malgré les lumières qu’ils avaient reçues, et la part qu’ils avaient eue au don céleste et aux grâces de l’Esprit-Saint, ont eu le malheur de se laisser séduire et d’entrer dans ces associations, soit dans les rangs inférieurs, soit dans les degrés plus élevés. Nous qui tenons la place de Celui qui a déclaré qu’il n’était pas venu appeler les justes mais les pêcheurs, et qui s’est comparé au pasteur qui, abandonnant le reste de son troupeau, cherche avec inquiétude la brebis qu’il a perdue, Nous les pressons et Nous les prions de revenir à Jésus-Christ. Sans doute ils ont commis un grand crime, cependant ils ne doivent point désespérer de la miséricorde et de la clémence de Dieu et de son Fils Jésus-Christ ; qu’ils rentrent dans les voies du Seigneur, il ne les repoussera pas ; mais semblable au père de l’enfant prodigue, il ouvrira ses bras pour les recevoir avec tendresse. Pour faire tout ce qui est en Notre pouvoir et pour leur rendre plus facile le chemin de la pénitence, Nous suspendons pendant l’espace d’un an après la publication de ces Lettres apostoliques dans le pays qu’ils habitent, l’obligation de dénoncer leurs frères, et Nous déclarons qu’ils peuvent être relevés de ces censures, même en ne dénonçant pas leurs complices, par tout confesseur approuvé par les Ordinaires des lieux qu’ils habitent.

Nous usons également de la même indulgence à l’égard de ceux qui demeurent à Rome. Si quelqu’un (ce qu’à Dieu ne plaise !) était assez endurci pour ne pas abandonner ces sociétés dans le temps que Nous avons prescrit, il sera tenu de dénoncer ses complices, et il sera sous le poids des censures s’il revient à résipiscence après cette époque ; il ne pourra obtenir l’absolution qu’après avoir dénoncé ses complices, ou au moins juré de les dénoncer le plus tôt possible. Cette absolution ne pourra être donnée que par Nous, Nos successeurs ou ceux qui auront obtenu du Saint-Siège la faculté de relever de ces censures.

Nous voulons que les exemplaires imprimés du présent Bref apostolique, lorsqu’ils seront signés de la main d’un notaire public et munis du sceau d’un dignitaire de l’Église, obtiennent la même foi que l’original.

Que personne ne se permette d’enfreindre ou de contredire Notre présente déclaration, condamnation, ordre, défense, invocation, réquisition, décret et volonté. Si, néanmoins, quelqu’un se le permettait, qu’il sache qu’il s’attire par là la colère du Dieu tout-puissant et des saints apôtres Pierre et Paul.

Donné à Rome, près Saint-Pierre, l’année de l’Incarnation de Notre-Seigneur 1825, le 3 des ides de Mars (13 mars 1826), de notre Pontificat l’an II.






Lire "La conjuration antichrétienne" de Mgr Delassus et Réflexions sur les ennemis et la manœuvre de Jean Vaquié.


Écoutez ce sermon pour le 10e Dimanche après la Pentecôte (aller à 2h14).


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