dimanche 6 novembre 2022

Acte héroïque de charité envers les âmes du Purgatoire



On ne peut témoigner plus d'amour qu'en sacrifiant sa vie pour ses amis. (S. Jean, XV, 13)

Il y a eu des hommes dévoués aux intérêts des âmes du purgatoire, qui ne se sont pas bornés à faire des prières, des aumônes, des jeûnes en faveur de ces âmes ; ils ne se sont pas contentés de leur céder le fruit satisfactoire de toutes les bonnes œuvres de leur vie, ils ont poussé l'héroïsme de leur charité jusqu'à leur céder toutes les satisfactions que l'on offrirait pour eux après leur mort. Nous ne saurions mieux faire que d'imiter un dévouement aussi parfait et d'accomplir, nous aussi, l'acte héroïque de charité envers les saintes âmes. Cet acte est une offrande ou un don volontaire que nous faisons de toutes nos œuvres satisfactoires personnelles pendant notre vie et des suffrages qui nous seront appliqués après notre mort, et que nous déposons dans les mains de la très sainte Vierge, afin que cette tendre Mère en soit la distributrice, les dispensant, selon son gré, aux âmes du purgatoire qu'elle veut délivrer de leurs peines. Ce que nous donnons par cet acte, c'est le fruit spécial et personnel qui nous revient de ces satisfactions et suffrages. Cette donation n'empêche point de prier pour soi, pour ses parents, d'accomplir ses pratiques de piété. Par ce don, l'on applique ou l'on donne le seul fruit satisfactoire de ses œuvres ; les fruits de mérite et d'impétration vous demeurent toujours (1). Croyons-le bien, cet acte, qui mettra le comble à notre charité pour les morts, loin de nous être préjudiciable, nous sera très avantageux. Ne craignons pas de nous exposer à demeurer nous-mêmes trop longtemps en purgatoire, si nous cédons aux saintes âmes tout ce qu'on fera pour nous après notre mort. Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité, et il trouvera sûrement dans sa miséricorde le moyen de récompenser notre charité. Peut-être cet acte héroïque, que nous craignons de voir prolonger indéfiniment notre propre expiation, sera-t-il cause que nous serons tout à fait exemptés des feux du purgatoire. Si, en effet, nous entrons d'autant plus vite au ciel que notre amour de Dieu est plus grand, quel moyen plus sûr pouvons-nous prendre pour abréger le temps de nos souffrances, que de faire un acte où se trouve renfermé le zèle le plus pur, l'amour le plus désintéressé pour la gloire de Dieu ? D'ailleurs, ainsi que nous l'avons déjà dit, plusieurs siècles des plus grands tourments du purgatoire ne sont rien en comparaison du moindre degré de gloire de plus dans le ciel. En ce monde, la pensée du supplice du feu fait une vive impression sur notre imagination, et le bonheur de la gloire du ciel nous trouve presque insensibles ; mais, en l'autre vie, nous consentirions volontiers à passer des milliers d'années dans les feux du purgatoire si par là nous pouvions plaire à Dieu et ajouter le moindre petit fleuron à notre couronne de gloire. Or, puisque, à chaque mérite que nous acquérons, correspond un degré de gloire, combien ne serons-nous pas abondamment récompensés en accomplissant l'acte héroïque en faveur des morts, acte qui nous permettra d'acquérir, jusqu'au sein du purgatoire, des mérites d'autant plus grands que seront grandes les souffrances de ce lieu d'expiation.
Ne craignons donc pas de nous montrer trop généreux. On ne perd jamais rien en perdant pour Dieu et pour ceux qu'il aime de l'amour le plus sincère et le plus tendre.

(1) L'acte héroïque de charité a été enrichi des plus précieuses faveurs. Les fidèles qui l'ont accompli peuvent gagner l'indulgence plénière, applicable seulement aux âmes du purgatoire toutes les fois qu'ils feront la communion, visitant ce jour-là une église ou un oratoire public, et y priant selon l'intention de Sa Sainteté. Ils gagneront aussi une indulgence plénière tous les lundis, en entendant la messe pour le soulagement de ces mêmes âmes, moyennant la visite d'une église et la prière comme ci-dessus. Ils peuvent enfin appliquer aux défunts toutes les indulgences qui ne leur sont point applicables en vertu des concessions, et qui ont été accordées ou qui le seront dans la suite. (Pie IX, 30 sept. 1862)
Aucune formule n'est prescrite pour faire cet acte ; il suffit de le faire de cœur. On pourrait adopter la suivante :
Ô Marie, Mère de miséricorde, je fais entre vos mains, en faveur des saintes âmes du purgatoire, l'entier abandon de mes œuvres satisfactoires pendant ma vie, et des suffrages qui me seront appliqués après la mort, et ne me réserve que la compassion de votre cœur maternel.


Bouquet spirituel. — Moi qui ai promis cent pour un à ceux qu’anime mon amour, je veux augmenter le degré de gloire qui t'attend, en récompense de ce que, pour les âmes du purgatoire, tu t'es dépouillée de toutes tes satisfactions.


Histoire choisie

À Munster, en Westphalie, vers le milieu du XVIIe siècle, éclata un mal contagieux qui faisait chaque jour d'innombrables victimes. Au milieu de la frayeur générale, on vit alors le P. Jean Fabricius, jésuite, se dévouer pour les malades, les visiter, leur porter des remèdes. Il les confessait, les administrait lui-même, les ensevelissait de ses mains, et montait ensuite pour eux au saint autel. C'était, parmi ses exercices de piété, le plus cher à son cœur et celui qu'il recommandait davantage, que de dire la messe de Requiem toutes les fois que les règles ecclésiastiques le permettaient.
Ainsi que Dieu le permet souvent, cette multitude d'œuvres méritoires fut récompensée en même temps qu'encouragée par plusieurs apparitions des âmes pour lesquelles il priait. Les unes le suppliaient de hâter leur délivrance ; celles-ci le remerciaient de ce qu'il avait déjà fait et lui annonçaient que l'heure du triomphe était venue pour elles. Le plus grand prodige de charité fut celui qu'il accomplit à sa mort. Avec une générosité qu'on ne saurait assez admirer, il fit le sacrifice de tous les mérites, prières, messes, indulgences, mortifications qui lui seraient appliqués, et s'en dépouilla en faveur des âmes souffrantes. Testament en vérité sublime !

(Extrait du Mois de novembre sanctifié ou dévotion aux âmes du Purgatoire)


Secourez, non de vos larmes, mais de vos prières, de vos aumônes, de vos sacrifices, celui qui n'est plus. (S. Augustin)



Reportez-vous à Le « De profundis », Prière pour obtenir une bonne mort, composée par Mgr Devie, Évêque de Belley, Quelques-unes des pratiques les plus profitables aux âmes du Purgatoire, Ordre d'intentions à observer en priant pour les âmes du Purgatoire, Conclusion sur la dévotion aux âmes du Purgatoire, C'est une erreur de s'en remettre sur les autres du soin d'apaiser la colère de Dieu, L'affection pour les amis et les parents meurt point avec eux, Communion sainte entre la terre et le Purgatoire, Zèle de Saint Louis Bertrand pour les âmes du Purgatoire, Purgatoire imposé à ceux qui résistent à la Parole de Dieu, Double prodige des âmes du purgatoire : Vous qui dérobez, vous serez dérobé vous-même, Les âmes délivrées venant au-devant de leurs bienfaiteurs, La peine du Purgatoire prolongée jusqu'à l'acquittement des dettes, Combien Dieu aime qu'on prie pour ses parents défunts, Les âmes du Purgatoire demandent un souvenir, Récompense assurée à l'aumône pour les âmes du Purgatoire, L'or et l'argent des vertus doivent souvent être purifiés par le feu, Protection spéciale de Marie : le zèle pour les âmes du Purgatoire récompensé, Efficacité de la prière des justes en faveur des âmes du Purgatoire : L'exemple de Sainte Thérèse d'Avila, Combien la prière est utiles aux âmes du Purgatoire, L'intercession des Justes apaise la colère divine, Les souffrances de cette vie ne sont pas comparables à la gloire future, Vivons si pieusement que nous puissions éviter le purgatoire ou, au moins, n’y pas brûler trop longtemps, Le Seigneur révèle les mystères du royaume de la mort, Dieu instruit les vivants sur les mystères de l'autre vie, L'amour du prochain doit s'étendre au-delà de cette vie, Prière pour les morts, Instruction sur la Fête de la Commémoration des Morts, Prière pour le repos de l'âme d'une pieuse mère, L’œil de la justice divine, Plaintes douloureuses des âmes du purgatoire, La crainte du Purgatoire fait taire la volupté, Combien effrayants sont les tourments du Purgatoire, Le Fils de l'homme rendra à chacun selon ses œuvres, Apparitions et Révélations, le témoignage de Saint Thomas d'Aquin sur les âmes du Purgatoire, Protection miraculeuse, Rigueur de la justice divine, Un Purgatoire plus long à qui n'a pas prié pour les morts, Accusations du démon contre les morts, Prière à Marie pour lui demander sa protection à l'heure de la mort, Prière pour obtenir une bonne mort, Supplications à Marie pour les âmes du Purgatoire, La divine Marie et le scapulaire, Suffrages conformes aux bonnes œuvres accomplies pendant la vie, Grand pécheur délivré par une âme du purgatoire, Si vous faites du bien, vos bienfaits vous attireront de grandes grâces, Prière à Marie pour ses parents en Purgatoire, Méditation pour la Fête de Notre-Dame des Anges, Extrait du Sermon sur la Mort de Saint Robert Bellarmin, Reconnaissance des âmes du Purgatoire ou comment les âmes du Purgatoire interviennent aussi pour leurs bienfaiteurs dans les choses temporelles, Bonté des Anges pour les pauvres âmes du Purgatoire, Dévotion aux Saints Anges : Travailler à la conversion des âmes et à leur soulagement dans les flammes du Purgatoire, en l'honneur des saints Anges, Valeur du Saint Sacrifice en faveur des âmes du Purgatoire, Le pardon d'une offense soulage les âmes souffrantes, Protection des âmes du Purgatoire, Une âme souffrant le tourment du feu pour avoir écouté plutôt les conseils du sang que ceux de la piété, La dévotion du Saint Rosaire, pour le soulagement des âmes du Purgatoire, Sainte usure de ceux qui appliquent leurs œuvres au soulagement des défunts, Celui qui souffre pieusement ici-bas va tout droit au repos éternel,Reconnaissance des âmes pour leurs bienfaiteurs, Les âmes qui gémissent dans le feu du purgatoire trouveraient leur soulagement dans de petites choses, et on les leur refuse !, Admirable commerce de charité entre les vivants et les défunts, Pour entrer au Ciel il faut être exempt de la moindre faute, Neuvaine pour le soulagement des âmes du Purgatoire, Souffrances des âmes qui ont donné du scandale, Ingratitude des héritiers envers leurs bienfaiteurs ou comment Dieu permet à une âme abandonnée dans le purgatoire de solliciter les suffrages de ses frères, Le Ciel bénit ceux qui prient pour les morts, Les peines du Purgatoire conformes aux fautes commises, Prières pour chaque jour de la semaine, en faveur des âmes du Purgatoire, Les souffrances du Purgatoire, bien que passagères, paraissent extrêmement longues, C'est se délivrer soi-même que de secourir les âmes du Purgatoire, Chapelet des actes de Foi, d'Espérance et de Charité, en faveur des Âmes du PurgatoireComment les prières d'un saint délivrent quantité d'âmes, La Mère de Dieu, Mère des Âmes du Purgatoire, Une âme du Purgatoire rappelée à l'expiation sur la Terre, Le Purgatoire des paroles inconvenantes, La conversion renvoyée au soir de la vie conduit l'âme à la cruelle faim du Purgatoire, Dieu exauce les prières des communautés ferventes en faveur des défunts, Ne pas soulager les défunts par les aumônes, c'est se priver soi-même de grands avantages spirituels, Excellence des suffrages en faveur des morts, La Charité bien comprise nous fait un devoir très-pressant de subvenir aux nécessités des âmes du Purgatoire, Un saint Frère franciscain reconnaît, dans une étonnante vision, un de ses compagnons mort quelque temps auparavant, Enseignement de l'Église sur le Purgatoire, Dévotion au Crucifix, Méditation pour le jour des morts, Chapelet pour le repos des âmes du Purgatoire, Exercice sur les quatorze stations du chemin de la Croix pour les âmes du Purgatoire, Litanies pour les Fidèles Trépassés, Méditation pour le Jour de la Commémoration des morts, La Sainte Vierge Marie, Mère de Miséricorde, Dévotion en faveur des âmes du Purgatoire, Méditation sur la peine qu'on endure dans le purgatoire, Les indulgences pour les fidèles défunts, Offrir sa journée pour les âmes du Purgatoire, La pensée du Purgatoire doit nous inspirer plus de consolation que d'appréhension, Nous devons secourir tous les morts, même ceux que nous croyons déjà au Ciel, Méditation sur la durée des souffrances du purgatoire et l'oubli des vivants à l'égard des morts, Nous devons secourir tous les morts, même ceux que nous croyons déjà au Ciel, Être en état de grâce pour que nos prières soient utiles aux âmes du Purgatoire, Les différents moyens de soulager les morts, Quelles sont les âmes qui vont en purgatoire, La pensée du Purgatoire nous instruit sur la gravité du péché véniel, De la méditation de la mort, La pensée du purgatoire nous prouve la folie de ceux qui ne travaillent pas à l'éviter, Pour éviter le purgatoire endurons nos afflictions en esprit de pénitence, Le Purgatoire, motif de patience dans les maladies, Méditation sur les motifs qui doivent nous engager à secourir les âmes du purgatoire (1/4), Méditation sur les défauts qui rendent infructueuse notre piété envers les morts, Premier moyen propre à soulager les âmes du Purgatoire : Le Saint Sacrifice de la Messe, Deuxième moyen propre à secourir les âmes du Purgatoire : Prières, jeûnes, aumônes..., Les indulgences, troisième moyen propre à secourir les âmes du Purgatoire, Pour que le nom de Dieu soit sanctifié, pour que son règne arrive, et pour que sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel, secourons les âmes du Purgatoire, Méditation sur la piété envers les morts, toute chrétienne et cependant inutile, La précieuse mort de Saint Philippe Benizi, Première méditation de préparation à la mort : Rends-moi compte de ton administration, Seconde méditation de préparation à la mort : Voici l'époux qui vient ; allez au-devant de lui, Troisième méditation de préparation à la mort : Que me présenteront le passé, le présent et l'avenir ?, Quatrième méditation de préparation à la mort : Les Portes de la mort vous ont-elles été ouvertes ?, Du jugement et des peines des pécheurs, Tu es poussière et tu retourneras en poussière, Méditation sur l'emploi du temps, Méditation sur la conscience, Méditation sur le repos de la Conscience, Méditation sur l’aveuglement de la Conscience, Méditation sur la Préparation à la mort, Méditation sur la pensée de la mort, Méditation sur la justice de Dieu, Méditation sur le Jugement de Dieu, Personne n'est-il revenu de l'Enfer ?, Exercice pour la bonne mort, Méditation sur le désir de la mort, Méditation sur la crainte de la mort, Saint Philippe de Néri : Que faites-vous maintenant ?... Et après ?, La mort est ordinairement conforme à la vie : L'exemple de deux Curés, Par son nom, le cimetière prêche la résurrection de la chair, Défendre le Cimetière, Bénédiction du Cimetière, Puissance des démons sur les morts, Nos devoirs à l'égard du Cimetière, Le Cimetière au XIXe siècle : Le corps chef-d’œuvre de Dieu, Enterrements autour des églises, Immortalité de l'âme, Cérémonies de L’Église et prière pour les morts, L'Univers et la Bible, prédicateurs de la résurrection, car oui, nous ressusciterons !, Comment les peuples païens ont dissipé une grande partie du patrimoine de vérités reçu des pères du genre humain, mais ont conservé le dogme de l'existence et de l'immortalité de l'âme, Méditation sur la fausse sécurité des Pécheurs, Méditation sur les défauts qui rendent infructueuse notre piété envers les morts, Prière à saint Joseph pour obtenir une bonne mort, Sentiments et prières à l'occasion de la mort d'une personne qui nous était spécialement chère, Le Jour de la Toussaint : Méditation sur le bonheur du ciel, 1re Méditation pour la Fête de Tous les Saints : Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux, 2e Méditation pour la Fête de Tous les Saints : J’entendis dans le ciel comme la voix d'une grande multitude, 3e Méditation pour la Fête de Tous les Saints : Application des sens, Litanies de la bonne mort, Vision de l'Enfer de Sainte Thérèse d'Avila, La voie qui conduit au Ciel est étroite, et Litanie pour les âmes du Purgatoire.













mardi 1 novembre 2022

BONHEUR DES SAINTS DANS LE CIEL : Dans le ciel, les saints possèdent Dieu



IIIe Point.
Dans le ciel les saints possèdent Dieu. Il se donne, il se communique à eux, il devient leur bien, leur propriété, leur héritage, et ce Dieu de bonté en se donnant ainsi aux bien-aimés de son cœur, les fait entrer en participation de tous ses biens, de toutes ses perfections. Oui les saints sont riches des richesses de Dieu lui-même, saints de sa sainteté, sages de sa sagesse, justes de sa justice. Ils ne jugent plus par leurs idées, mais par celles de Dieu ; ils ne veulent plus et ne peuvent plus vouloir que ce qu'il veut. Enfin ils aiment par son cœur, ils vivent de sa vie, ils sont heureux de son propre bonheur, et ils lui sont tellement unis, tellement transformés en lui qu'ils sont, selon l'expression du grand apôtre, Dieux avec lui, parce que sa divine image se réfléchit en eux dans toute sa beauté comme l'image du soleil se réfléchit dans des eaux calmes et parfaitement pures.
Oh ! comme ces biens de la terre que les saints ont méprisés pour Dieu leur paraissent aujourd'hui peu de chose, que les sacrifices qu'ils ont faits pour acquérir les biens et le bonheur dont ils jouissent leur paraissent petits ! et quels regards de pitié et de mépris ne jetaient-ils pas sur toutes ces choses qui nous éblouissent et nous fascinent encore. Plaisirs, honneurs, richesses, gloire et grandeurs humaines, tout cela leur paraît bien vil, bien méprisable et souverainement indigne d'occuper des âmes créées pour le ciel, appelées à de si hautes destinées, à un bonheur si parfait, à la possession de Dieu lui-même. Quand donc, ô mon Dieu, jugerons-nous de toutes les choses d'ici-bas, comme vos saints en jugent ; dessillez nos yeux, Seigneur, afin que nous les méprisions comme ils les ont méprisées aux jours de leur vie mortelle et que comme eux nous ne soupirions plus qu'après la possession des biens éternels.
Ce qui complète le bonheur des élus, c'est la société des anges et des saints dont ils jouissent dans le ciel et avec lesquels ils vivent dans la plus douce et la plus fraternelle union. Tous se connaissent, tous s'aiment, tous sont unis par les liens d'une inaltérable charité. L'envie, la jalousie, la discorde ne pénètrent pas au ciel, et quoique tous les bienheureux ne jouissent pas du même degré de gloire et, qu'ainsi que les étoiles du ciel qui diffèrent entre elles de clarté, les uns soient plus élevés que les autres et jouissent d'une connaissance de Dieu proportionnée à l'amour qu'ils ont eu pour lui sur la terre et aux mérites qu'ils y ont acquis, chacun d'eux se trouve parfaitement satisfait de la part que Dieu lui a faite, chacun se réjouit du bonheur de ses frères comme du sien propre et voit sans envie la différence de gloire et d'élévation qui existe entre eux parce que tous s'oublient et ne se regardent plus eux-mêmes, mais Dieu seul qui se glorifie en chacun d'eux.
Si le plus grand bonheur de la terre consiste dans l'affection qu'ont entre eux les membres d'une même famille, dans l'union parfaite de leurs volontés et de leurs cœurs, quel ne doit pas être le bonheur de cette immense famille de Dieu, qui n'a qu'un cœur pour aimer le père commun, qu'une voix pour le louer et le bénir, et si une des plus vives afflictions de l'âme pieuse ici-bas est de voir le dépérissement de la foi dans les âmes et le Dieu qu'elle aime méconnu, outragé, blasphémé par l'impie, si la vue des iniquités, des scandales qui inondent le monde la fait si souvent soupirer après la fin de son exil ; quelle n'est donc pas la joie des bienheureux de se trouver dans un lieu où le péché n'entrera jamais, où Dieu sera éternellement loué, éternellement aimé, éternellement glorifié, où ce Jésus, objet de leur plus tendre amour, et qu'ils ont vu oublié, méprisé, abandonné sur la terre par les ingrats qu'il ne cessait de combler de ses grâces et de ses bienfaits reçoit enfin le juste tribut de la reconnaissance et de l'amour de tous les bienheureux qui tous jettent à ses pieds leurs couronnes et reconnaissent lui devoir leurs vertus, leurs mérites et leur gloire.
Enfin le corps même des saints participera un jour au bonheur dont leurs âmes sont déjà en possession, et jusque-là il semble que ce bonheur est en quelque sorte incomplet. Ces âmes bienheureuses soupirent après l'instant où elles se réuniront à ces anciens compagnons de leur exil, qui eux aussi ont mérité d'avoir part à leur gloire puisqu'ils ont eu part à leurs travaux et à leurs sacrifices. Il leur tarde de voir leur bien-aimé Sauveur avec leurs yeux de chair, de le louer avec ces langues qui tant de fois le louèrent ici bas, même au sein de l'affliction et de la douleur, et dont un grand nombre confessèrent son nom au milieu des plus cruels tourments. Dieu exaucera au dernier jour les vœux de ses serviteurs et de ses enfants, il accomplira ses promesses, et l'homme tout entier sera glorifié dans son âme et dans son corps : la bonté de Dieu le demande et sa justice l'exige en quelque sorte ; elle ne saurait souffrir que ces corps que les saints lui ont immolés pendant de longues années comme des hosties vivantes, qu'ils ont exténués par le jeûne, les veilles, le travail et toutes les austérités de la pénitence n'aient pas aussi leur part de gloire et de félicité. Ils l'auront donc, et au premier son de la trompette de l'ange ces corps reformés sur le modèle du corps glorieux de Jésus-Christ s'éveillant de leur sommeil séculaire et secouant la poussière de leur couche funèbre, ils seront en un instant réunis aux âmes bienheureuses dont ils furent autrefois la prison d'argile ; et brillants comme autant de soleils, ils s'élanceront radieux dans les plaines de l'immensité pour aller pleins de joie au-devant du souverain Juge et servir à la gloire de son triomphe.
Ces corps des saints revêtus alors pour toujours de la lumière de gloire comme d'un brillant vêtement dont l'éclat surpassera celui du soleil et des pierres les plus précieuses et resplendira des plus riantes couleurs, deviendront un nouvel ornement pour le ciel et leur vue augmentera la joie et la félicité des élus. Ces corps glorieux n'auront plus rien des infirmités des nôtres, ils n'auront plus la pesanteur de la matière et ne seront plus sujets aux besoins que nous éprouvons aujourd'hui. Impassibles et immortels, la maladie, les infirmités ne pourront plus les atteindre, l'âge ne pourra plus flétrir leur beauté et épuiser leurs forces, la mort ne pourra plus arrêter les battements de ces cœurs généreux qui palpiteront éternellement sous les douces étreintes de l'amour de Dieu, doués de subtilité et d'agilité comme celui de Jésus-Christ notre adorable chef ; ces corps devenus ses membres glorieux, pénétreront sans effort les corps les plus durs et se transporteront d'un lieu à un autre avec la promptitude de la pensée. Ils parcourront, sans se lasser, les vastes domaines de la création et verront sous leurs pieds ces mille millions de mondes que nous voyons aujourd'hui rouler avec tant d'harmonie sur nos têtes. Cette terre que nous habitons et que l'homme a souillée et souille encore de tant de crimes, purifiée elle aussi par le feu de la justice de Dieu, renouvelée et embellie par sa toute puissante bonté, deviendra encore un nouvel Éden que les élus parcourront avec délices, n'y retrouvant plus les douleurs du passé que par le souvenir qui leur rendra plus douces encore les joies inaltérables du présent.
Enfin, tous les sens des corps des saints jouiront chacun de la félicité qui leur est propre ; leur vue sera ravie par les merveilles de la maison du Seigneur et des splendeurs de cette Jérusalem céleste, dont saint Jean, dans ses mystérieuses révélations, nous raconte les beautés et les richesses. Leurs oreilles seront charmées par l'harmonie des concerts angéliques, leur goût satisfait par de divines suavités, leur odorat par le céleste arôme des suaves parfums qui s'exhaleront du corps adorable de Jésus, de celui de sa Mère immaculée et de ceux de tous les élus, comme d'une magnifique corbeille de fleurs ornant et embaumant à la fois les parvis éternels.
Que cette pensée du bonheur des saints que nous venons de méditer nous enflamme d'une sainte ardeur, d'une noble ambition et d'une généreuse émulation. Comme eux, nous sommes créés pour le ciel, l'heureuse patrie où ils sont arrivés est aussi notre patrie ; les joies dont ils jouissent nous sont promises, et il dépend de nous qu'elles nous soient un jour données. Élevons donc nos yeux vers ces demeures éternelles, où nous ont devancés nos frères dans la foi, nos parents, nos amis bien-aimés. Du sein de leur éternelle félicité, leurs regards s'abaissent vers nous, ils nous tendent les bras et nous montrent à côté de leurs trônes de gloire ceux qui nous sont destinés et qu'ils brûlent du désir de nous voir occuper. Élançons-nous donc courageusement sur leurs traces, suivons les exemples qu'ils nous ont laissés et disons avec saint Augustin : Pourquoi ne pourrais-je pas ce qu'ont pu tant de saints de mon état, de mon âge, et qui se sont sanctifiés dans la même position que moi. Ils n'étaient pas d'une autre nature que la mienne ; ils avaient les mêmes penchants à vaincre, les mêmes obstacles à surmonter, les mêmes épreuves et de bien plus grandes encore à supporter ; avec la grâce de Dieu, ils ont triomphé de toutes les difficultés et sont arrivés au terme. De moi-même je ne puis rien, mais Dieu m'offre sa grâce comme il la leur a offerte, et avec elle je pourrai ce qu'ils ont pu. Oui, soyons-en convaincus, pour gagner le ciel, il ne faut que le vouloir, mais le vouloir fortement, sincèrement, constamment, et par là même il faut vouloir les moyens qui peuvent nous y conduire, c'est-à-dire les vertus, les souffrances, les humiliations, les sacrifices, qui seuls peuvent assurer nos droits à cet héritage éternel. Lors donc que nous sentirons notre courage faiblir sous le poids de l'épreuve, la nature effrayée à la vue des sacrifices reculer et réclamer ses droits, rappelons-nous la magnifique récompense promise à quelques instants de peine, et ranimons notre courage en nous disant : Le ciel sera le prix de cette épreuve supportée avec résignation, de cette croix portée avec patience, de ce sacrifice accompli avec amour. Ainsi soit-il.


PRIÈRE

Que la terre me paraît vile, ô mon Dieu, quand je regarde le ciel ! Que les jours de mon exil me paraissent longs, lorsque je pense à l'éternelle patrie où vous enivrez vos élus de bonheur et d'amour. Non, rien ici-bas, ô mon Dieu, ne peut plus satisfaire mon âme qui a soif de vous ; elle languit, elle se dessèche, se consume loin de vous, par l'ardeur de ses désirs. Toutes les jouissances terrestres ne lui semblent plus qu'amertume ; l'affection des créatures ne peut pas éteindre cette soif d'amour que vous seul pouvez étancher. C'est vous, c'est vous seul, ô mon Dieu, que mon âme désire ; c'est vous qu'elle appelle et la nuit et le jour ; c'est à vous qu'elle aspire comme à sa seule joie, à sa seule félicité, à son éternelle vie. C'est vous, vous seul enfin qu'elle veut voir, qu'elle veut aimer, qu'elle veut posséder.
Mais hélas ! je m'égare, ô mon Dieu, et dans ma présomption j'oublie ma misère, mon indignité, ma profonde indigence, et j'aspire à la récompense que vous accordez à vos fidèles serviteurs, sans avoir rien fait encore pour la mériter. Il n'en sera plus ainsi, ô mon Dieu ! aidé de votre grâce, je vais m'efforcer de me rendre moins indigne du bien auquel j'aspire ; je n'oublierai plus que le ciel doit être le prix de nos efforts et de nos sacrifices ; que nous devons, pour ainsi dire, le prendre d'assaut, et que ceux-là seuls qui auront vaillamment combattu seront couronnés. Je m'efforcerai donc de marcher avec tous vos saints sur les traces du chef des élus ; comme eux je veux le suivre avec courage dans la voie des humiliations, des souffrances et des sacrifices, puisque c'est la seule qui peut me conduire à la vie et à l'éternel bonheur. Ainsi soit-il.

(Méditations pour l'Octave de la Toussaint et pour tout le mois de Novembre)


Reportez-vous à BONHEUR DES SAINTS DANS LE CIEL : Dans le Ciel, Dieu justifie sa providence aux yeux de ses élus, et étanche la soif d'amour qui dévorait le cœur des saints, BONHEUR DES SAINTS DANS LE CIEL : Les saints bénissent Dieu des souffrances et des épreuves qu'ils ont eues à subir, Sentiments qui doivent nous animer et résolutions à prendre le jour de la Toussaint, Sur l'institution de la fête de la Toussaint, Culte des Saints, Grandeur des Saints, Les Attributs de Dieu qui font la Béatitude des Saints dans le Ciel, Sur la sainteté, Prière à la Très Sainte TrinitéDu Mystère de la très Sainte TrinitéPensons souvent à notre destinationMéditation sur la Fête de tous les Saints : Vous devez être Saints, parce que moi-même je suis Saint, Instruction sur la Fête de tous les Saints, Le Jour de la Toussaint : Méditation sur le bonheur du ciel, 1re Méditation pour la Fête de Tous les Saints : Bienheureux les pauvres d'esprit, parce que le royaume des cieux est à eux, 2e Méditation pour la Fête de Tous les Saints : J’entendis dans le ciel comme la voix d'une grande multitude, 3e Méditation pour la Fête de Tous les Saints : Application des sens, et Méditation pour le Jour de la Commémoration des morts.













BONHEUR DES SAINTS DANS LE CIEL : Dans le Ciel, Dieu justifie sa providence aux yeux de ses élus, et étanche la soif d'amour qui dévorait le coeur des saints



IIe Point. Les saints, dans le Ciel, ne sont pas seulement exempts de tous les maux de la vie présente, ils jouissent encore de la plénitude de tous les biens. Là, tous leurs désirs sont satisfaits, et le vide de leur âme, ce vide immense que nous éprouvons tous et que rien ne peut remplir ici-bas, est pour jamais comblé. Il l'est par Dieu lui-même, qui seul pouvait le remplir. Et Dieu, en se donnant à ses élus, leur donne tous les biens avec lui. Il leur communique son propre bonheur, sa paix, sa gloire, son amour, et les fait vivre de sa propre vie. Nul ne peut donc exprimer la félicité, les joies toujours renaissantes dont sont enivrés les bien-aimés du Père céleste. Ce n'est pas seulement la joie du Seigneur qui est entrée dans ces âmes bienheureuses ; quelque grandes qu'elles soient, leur capacité ne l'eût pas été assez pour la contenir. Ce sont elles qui sont entrées dans cette joie du Seigneur, qui sont plongées, submergées, abîmées dans cet océan sans rivages et sans fond, dont nul ne peut sonder les insondables abîmes. C'est là qu'elles vivent et qu'elles vivront éternellement, sans que la satiété puisse jamais les atteindre, sans qu'elles puissent se lasser d'une félicité qui leur semblera toujours nouvelle. Pour elles plus de passé, plus d'avenir, plus rien que le moment toujours présent de leur immuable éternité. Le moment a commencé pour elles au jour où elles sont entrées en possession de leur bonheur, et il ne doit plus finir. Là, où elles sont arrivées, la course fugitive du temps a cessé, le jour qui a lui pour elles n'aura pas de soir, pas de nuit. Au ciel, les heures ne succèdent pas aux heures les mois aux mois, les années aux années, les siècles aux siècles, tout cela passe, fuit comme un songe ; là-haut, rien ne passe, rien ne change, tout est stable, permanent, immuable comme Dieu lui-même.
Pendant leur séjour sur la terre, l'âme des saints était comme la nôtre dévorée du triple besoin de connaître, d'aimer et de posséder. Mais rien ici-bas ne put satisfaire aux aspirations de ces grandes âmes. Elles avaient soif de vérité, soif d'amour, soif de Dieu et ne trouvant dans les créatures que mensonge, vanité et néant, elles languissaient ici-bas comme des exilés languissent loin de leur patrie, et soupirant sans cesse après la fin de leur exil, elles étaient étrangères au milieu du monde, y vivaient comme n'y vivant pas puisque toutes leurs pensées, toutes leurs espérances, toutes leurs affections étaient fixées dans le ciel. Aujourd'hui leurs vœux sont accomplis et le triple besoin de leur cœur est satisfait.
En effet, la soif qu'avaient les saints de connaître Dieu est étanchée. Ils s'abreuvent aux sources de la lumière et de la vérité. Les voiles obscurs de la foi sont tombés pour eux, toutes les ombres qui obscurcissaient leur intelligence se sont dissipées aux brillants rayons du soleil de justice. Ils voient Dieu tel qu'il est et cette vision intuitive de Dieu les plonge dans un immortel ravissement, dans des extases d'admiration et d'amour qui se renouvellent et s'augmentent à chaque nouvelle beauté qu'ils découvrent en celui qui est seul la vérité, la vie, la beauté infinie. Je ne veux pas dire que les saints comprennent l'essence de Dieu, aucune créature quelque pure, quelque élevée en gloire qu'elle soit ne la comprendra jamais ; mais Dieu se montre à ses élus, ils le voient tel qu'il est, ils le connaissent, et cette connaissance est proportionnée au degré de sainteté qu'ils ont acquis sur la terre et à l'amour qu'ils ont eu pour lui.
Les saints comprennent le mystère de l'adorable Trinité devant lequel ils ont autrefois abaissé les lumières de leur faible raison et qu'ils ont adoré sans le comprendre. Ils voient comment Dieu le Père est le principe du Verbe et engendre éternellement ce Fils qui lui est égal en toutes choses ; ils voient également comment l'Esprit saint, amour du Père et du Fils procède de l'un et de l'autre et leur est égal en puissance, en grandeur et en sainteté. Ils comprennent enfin comment ces trois adorables personnes parfaitement distinctes l'une de l'autre ne forment pourtant qu'un seul et même Dieu. Ils connaissent de même tous les autres mystères qui ont été ici-bas l'exercice de leur foi et l'objet de leur contemplation et de leur amour. La charité de Dieu dans les divers mystères de l'Incarnation et de la Rédemption leur est révélée dans toute son étendue, ils sondent les profondeurs de cet incompréhensible amour d'un Dieu pour de misérables créatures et cette vue excite en eux des transports d'admiration et de reconnaissance qu'il n'est pas possible à une langue mortelle d'exprimer.
Dans le ciel Dieu justifie sa providence aux yeux de ses élus. Ils voient en lui pourquoi ses amis sont éprouvés sur la terre, pourquoi les croix, les afflictions les plus pesantes leur sont en quelque sorte réservées. Pourquoi il semble les abandonner si souvent à la méchanceté et à l'oppression de leurs persécuteurs et se montre sourd à leurs gémissements et à leurs prières. Pourquoi le juste languit dans la souffrance, dans les humiliations, dans l'indigence, tandis que tout prospère à l'impie, qu'il nage au sein de l'opulence, qu'il regorge des biens du monde et s'enivre de la vaine fumée de la gloire humaine. L'infinie sagesse qui a réglé cette distribution si inégale de biens et de maux est dévoilée aux yeux des bienheureux ; ils l'admirent, ils la bénissent avec amour et comprennent pourquoi Dieu a voulu cette inégalité qui fait si souvent blasphémer l'impie et murmurer l'âme peu affermie dans la foi.
Enfin les saints voient tout en Dieu, ils connaissent en lui tous les secrets de sa grâce, toutes les avances de sa miséricorde, toutes les inventions de son amour. Ils connaissent également tous les secrets de la nature, toutes les merveilles de la création et le dernier des élus en sait plus sur toutes ces choses que le savant qui a consumé sa vie dans l'étude des astres et des secrets de la nature. Oui les sciences n'ont plus ni obscurités, ni mystère pour les saints ; ils les connaissent toutes sans rien ignorer, ils connaissent clairement et distinctement les lois qui régissent tous les corps qui composent ce vaste univers et d'un coup d'œil ils embrassent tout ce qui s'est passé dans le monde depuis sa création. Ils voient de même dans la lumière de Dieu les besoins spirituels et temporels de ceux qui les invoquent, leurs afflictions, leurs épreuves, leurs tentations, les grâces qu'ils reçoivent et celles qui leur sont nécessaires pour correspondre aux desseins de Dieu sur eux et atteindre la fin pour laquelle il les a créés. Cette vue enflamme leur charité et les porte à se faire auprès du Seigneur les intercesseurs de ceux qui réclament leur assistance et les prient avec ferveur et confiance.
Les saints jouissent encore dans le ciel de la vue de la sainte humanité de Jésus, de ce Jésus qui fut sur la terre l'appui de leur espérance et le plus tendre objet de leur amour. Ils le voient non plus souffrant et rassasié d'opprobre comme aux jours de sa douloureuse passion, mais impassible, glorieux et immortel. Ah ! si un seul rayon de cette gloire inhérente à la divinité que le Sauveur laissa sur le Thabor éclater sur sa sainte humanité suffit pour jeter les apôtres dans une extase d'admiration et de ravissement et arracha à saint Pierre ce cri qui peint si bien le bonheur qui remplissait son âme : Seigneur il fait bon ici ; souffrez que j'y dresse trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et l'autre pour Élie ! quel ne doit donc pas être le ravissement, la joie, le bonheur de ces âmes bienheureuses qui voient non pas un reflet de la gloire de l'Homme-Dieu, mais qui le voient dans tout l'éclat de sa gloire, couronné de toutes les splendeurs de la divinité, élevé au-dessus de tous les chœurs des anges et assis à la droite de son Père sur un trône éclatant de lumière, recevant sans cesse les hommages et les adorations de toute la cour céleste, l'éclairant comme un radieux soleil de sa divine lumière, et laissant tomber sur cette multitude d'élus, qui tous lui doivent leur bonheur et leur gloire, un éternel regard de bienveillance et d'amour. Ah ! c'est là un bonheur que notre cœur comprend. Voir Jésus, l'aimer, en être aimé, le posséder, être sûr que rien ne pourra plus jamais nous séparer de lui, ne plus le voir offensé, mais au contraire aimé, loué, béni par des millions d'esprits célestes et d'âmes bienheureuses. Cette félicité toute seule est déjà le ciel.
La vue de Marie leur douce et tendre mère augmente encore le bonheur des élus. Ils la voient assise sur un trône de gloire, tout à côté de celui de son Fils, revêtue de la lumière de ce soleil de justice qu'elle a donné au monde, portant dans ses mains le sceptre de la clémence et dominant de sa douce majesté l'auguste assemblée des saints, jouissant du bonheur de toutes ces âmes qui après Jésus lui doivent leur salut, comme une tendre mère jouit du bonheur de ses enfants.
Dans le ciel, la soif d'amour qui dévorait le cœur des saints est pleinement étanchée. Ici bas, ils se plaignaient avec douleur de l'impuissance où ils étaient d'aimer comme ils auraient voulu le faire l'objet divin qui seul leur paraissait aimable et cette parole : Nul ne sait s'il est digne d'amour ou de haine, les remplissait de crainte et les faisait languir dans les angoisses d'une sainte tristesse. Mais aujourd'hui plus de craintes, plus d'inquiétudes, l'incertitude a cessé, ils savent maintenant qu'ils étaient dignes d'amour, et que le Dieu si bon qui les a couronnés les aime et les aimera éternellement. Pour eux aussi l'impuissance a cessé, Dieu a étendu leurs facultés aimantes, et il a centuplé leur puissance d'aimer, dilaté sans mesure la capacité de ces âmes bienheureuses et à peine le Seigneur s'est-il découvert à elles que le feu du divin amour les a pénétrées tout entières, il s'est attaché à toutes leurs puissances, il les a transformées, identifiées en celui qu'elles aimaient ; et comme Dieu est amour, on peut dire aussi qu'elles sont devenues tout amour.
Ah ! si le sentiment de l'amour de Dieu nous rend déjà si heureux sur la terre, si une seule goutte de cet amour suffit pour adoucir les plus poignantes douleurs, pour remplir d'une sainte énergie et d'un invincible courage les âmes les plus faibles et les plus timides, qu'est-ce donc que l'amour du ciel, que Dieu ne verse plus goutte à goutte, mais qu'il fait entrer par torrents dans l'âme de ses élus. Ils ne boivent pas seulement à cette source de délices, ils se baignent, ils se plongent dans les vagues brûlantes de cet océan de la charité d'un Dieu, ils s'enfoncent, ils se perdent dans ses divines profondeurs et plus ils s'y enfoncent, plus les horizons qui s'ouvrent devant eux s'agrandissent ; sans cesse ils découvrent de nouvelles beautés, de nouvelles amabilités dans celui qu'ils aiment : aussi plus ils l'aiment, plus ils veulent l'aimer et cet acte d'amour béatifique commencé à leur entrée dans le ciel se continuera pendant toute l'éternité toujours plus ardent, plus intense et les remplissent toujours de nouvelles délices, de nouveaux ravissements, parce que cette éternité avec son interminable durée ne suffira pas à leur révéler tout ce qu'il y a de grandeurs, de beautés et de perfections en Dieu.

(Méditations pour l'Octave de la Toussaint et pour tout le mois de Novembre)


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