mardi 21 juin 2016

De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale


Le Roi David (Le Guerchin)



Abrégé de la pratique de la perfection chrétienne du R.P. Alphonse Rodriguez, Extrait :




De quelques moyens de bien faire l'oraison mentale.



Il y a encore d'autres moyens de vaquer avec fruit à l'oraison mentale, qui sont également aisés dans la pratique ; et par là on peut voir qu'il est toujours en notre pouvoir de la bien faire, que tout le monde y est propre, et qu'il n'y a personne qui n'y puisse réussir.
Et d'abord c'est un très-bon conseil que celui que nous donnent les maîtres de la vie spirituelle : Ils disent qu'il ne faut point s'amuser à trop de raffinement dans l'oraison, mais qu'il faut faire comme de bons marchands qui ne songent qu'à l'état de leurs affaires, et aux moyens de les rendre tous les jours meilleurs. Chacun peut de même s'attacher nûment et simplement à considérer s'il s'acquitte comme il faut des devoirs de sa profession, et ce qu'il doit faire pour y vivre selon Dieu, pour régler ses affaires en homme de bien, pour gouverner sa maison, de telle sorte que tout le monde y serve Dieu avec fidélité, et pour supporter chrétiennement toutes les peines qui sont inséparables de sa condition et de son emploi. Pour peu que l'on s'applique à réfléchir sur ces objets, on y trouvera assez de sujets de méditer et de pleurer, et assez de choses à réformer ; et ce sera une méthode d'oraison et une manière de prier très-utile et très excellente.
Gerson fait mention d'un serviteur de Dieu, qui avait coutume de dire que, depuis quarante ans qu'il s'adonnait à la pratique de l'oraison avec tout le soin qui lui était possible, il n'avait point trouvé de méthode plus courte et plus facile pour la bien faire, que de se présenter devant Dieu comme un enfant, ou comme un homme accablé de misères, aveugle, nu, dépourvu de tout secours, sans soulagement, sans ressource. Le Prophète royal se servait si souvent de cette sorte d'oraison, que les psaumes ne sont remplis que d'expressions qui découvrent ces mêmes sentiments ; il s'y dépeint tantôt comme un malade, tantôt comme un orphelin abandonné et sans secours, tantôt comme un aveugle, et tantôt comme un pauvre. Plusieurs, en pratiquant la même méthode, sont parvenus à un degré d'oraison très sublime.
Saint Augustin et saint François passaient les jours et les nuits à répéter ces paroles : « Qui êtes-vous, Seigneur ? et qui suis-je ? que je vous connaisse et que je me connaisse : vous êtes mon Dieu, et vous m'êtes toutes choses. » Cette manière d'oraison est très-conforme à celle qu'Isaïe dit que les bienheureux font dans le Ciel, où, ravis dans la contemplation de la majesté divine, ils chantent sans cesse : Saint, Saint, Saint ! J'ai connu un religieux très-ancien dans la compagnie et très-grand prédicateur, de qui toute l'oraison fut long-temps de dire : « Seigneur, je ne suis qu'une bête, et je ne sais comment il faut faire l'oraison, enseignez-le-moi vous-même. » Par ce moyen il fit de très-grands progrès, et se rendit très-parfait dans ce saint exercice, accomplissant ainsi en lui ce que dit le Prophète (Ps 72, 23)) : Je suis devenu devant vous comme une bête de charge, et j'ai toujours été avec vous. Humiliez-vous donc de la même manière, faites-vous comme une bête devant Dieu ; vous serez toujours avec lui, et il sera toujours avec vous.
C'est une chose qui dépend absolument de vous, à laquelle vous n'avez aucune excuse à opposer, et qui suffit pour rendre votre oraison parfaite.
C'est aussi un très-bon moyen que celui que propose le père Avila, et dont il nous avertit de nous servir, lorsqu'on a des distractions et des dégoûts dans la prière. « Jetez-vous, dit-il, aux pieds de Jésus-Christ, et lui dites ; Seigneur, en tant que ces aridités viennent de ma faute, j'en ai une très-sensible douleur, et j'ai un extrême regret d'y avoir donné occasion ; mais en tant que c'est votre volonté, et que c'est un juste châtiment de mes péchés passés et de mes négligences présentes, je l'accepte de tout mon cœur : et c'est avec joie que je reçois de votre main cette croix et cette sécheresse, cette distraction, cette mortification et cette disette spirituelle. » Les actes de patience et d'humilité que vous formerez alors, seront une espèce d'oraison très-parfaite, et qui plaira beaucoup plus à Dieu, que celle où vous auriez éprouvé les consolations et les douceurs les plus sensibles.
On rapporte de saint François de Borgia que quand il croyait ne s'être pas bien acquitté de son oraison, il tâchait de se mortifier ce jour-là encore plus qu'à l'ordinaire, et d'avoir une attention plus particulière à tout ce qu'il faisait, pour suppléer ainsi aux manquements qu'il se reprochait d'avoir commis dans l'oraison.
Au reste, chacun doit bien se convaincre que le principal soin d'un véritable serviteur de Dieu, doit être de mortifier ses sens, de purifier son cœur, de se préserver de tout péché, et d'être toujours dans une détermination généreuse de ne lui donner jamais entrée dans son cœur.
C'est là ce qui doit être le fondement de l'oraison, et c'est là-dessus qu'il faut particulièrement insister, en s'y affermissant par plusieurs actes de la volonté, car il n'y a rien dont nous ayons plus de besoin que de nous précautionner et de nous fortifier continuellement contre la faiblesse de notre cœur et l'instabilité de notre nature.
Nous terminerons ce chapitre par un moyen qui doit être pour nous d'une très-grande consolation. Lorsque vous ne sentez pas dans l'oraison la ferveur que vous désirez, et que vous tâchez en vain de parvenir à cette union intime de l'âme avec Dieu, exercez votre volonté à en concevoir un désir ardent, et par là vous suppléerez à ce qui vous manque. Car Dieu ne se contente pas moins, dit dom saint Barthélemi des Martyrs, de la bonne volonté et d'un saint désir, que si l'âme toute languissante d'amour et de tendresse s'unissait intimement à lui. Ce moyen, au rapport de Blosius, fut enseigné de Dieu même à sainte Gertrude, lorsque se plaignant un jour de ce qu'elle ne pouvait pas tenir toujours son, cœur aussi uni à Dieu qu'elle désirait, et qu'elle croyait y être obligée, elle reçut cet avertissement du Ciel : qu'à l'égard de Dieu, quand on ne sentirait en soi-même aucun désir des choses célestes, ou du moins qu'on n'en aurait qu'un faible désir, il suffisait que l'on souhaitât véritable ment d'en avoir un plus grand ; parce que devant Dieu le désir est toujours aussi grand, que l'on souhaiterait qu'il le fût.
C'est surtout un exercice également saint et utile d'unir nos actions avec celles de Jésus-Christ, pour suppléer par ses mérites à nos fautes et à nos imperfections. Ainsi nous pouvons offrir au Père éternel nos oraisons, pour être jointes, aux oraisons de Jésus-Christ sur terre ; nos jeûnes, pour être joints à ses jeûnes, et nos souffrances, pour être jointes à ses souffrances : en le priant de suppléer à notre impatience par la patience de Jésus-Christ ; à notre orgueil, par son humilité ; et à notre malice, par son innocence.
Blosius dit que cet exercice a été révélé de Dieu même à quelques-uns dé ses plus grands serviteurs, afin que de cette sorte nous rendions nos œuvres plus méritoires, et que nous réparions le malheur de notre indigence par le trésor infini des mérites de Jésus-Christ.
Enfin, aimons Dieu ; car si nous l'aimions, nous passerions volontiers les jours et les nuits à penser à lui, et nous ne manquerions jamais de matière. Une mère qui chérit tendrement sou fils, n'a pas besoin qu'on la fasse ressouvenir de lui, ni qu'on l'excite à y penser. Si Dieu était tout notre bien et tout notre trésor, notre cœur se porterait incessamment vers lui : Car où est votre trésor là est aussi votre cœur. Chacun pense volontiers à ce qu'il aime, et à ce qui est le plus selon son goût ; et c'est pour cela que la sainte Écriture dit : Goûtez et voyez combien le Seigneur est doux.



Si vous voulez souffrir avec patience les adversités et les misères de cette vie, soyez homme d'oraison. Si vous voulez acquérir la vertu et la force pour vaincre les tentations de l'ennemi, soyez homme d'oraison. Si vous voulez faire mourir votre volonté propre avec toutes ses affections et ses désirs, soyez homme d'oraison ; si vous voulez connaître les ruses de Satan et vous défendre de ses pièges, soyez homme d'oraison ; si vous voulez vivre, l'allégresse dans le cœur, et marcher avec suavité dans le chemin de la pénitence et du sacrifice, soyez homme d'oraison. Si vous voulez chasser de votre âme les mouches importunes des vaines pensées et des vains soucis, soyez homme d'oraison ; si vous voulez nourrir votre âme de la sève de la dévotion, et l'avoir toujours remplie de saintes pensées et de bons désirs, soyez homme d'oraison. Si vous voulez corroborer et affermir votre cœur dans la voie de Dieu, soyez homme d'oraison. Enfin, si vous voulez déraciner de votre âme tous les vices et planter à leur place les vertus, soyez homme d'oraison, parce que c'est dans ce saint exercice que l'on reçoit l'onction et la grâce de l'Esprit-Saint, laquelle enseigne, toutes choses. (Paroles de Saint Bonaventure, extraites du "Traité de l'oraison et méditation" par Saint Pierre d'Alcantara)





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