mardi 22 septembre 2020

SAINT MAURICE, CHEF DE LA LÉGION THÉBAINE

 


IIIe Siècle. — 286


Patron de l'Armée, des Militaires, Guerriers chrétiens, Teinturiers, Blanchisseurs, Fripiers, Apprêteurs et Tisseurs de draps et Chapeliers. — Invoqué dans les Combats, contre les Ennemis de la Religion, les Possessions diaboliques, la Goutte ; pour les Enfants malades et la Vigne.

L'empire romain était menacé dans les Gaules par les hordes de barbares. L'empereur Dioclétien songea à leur opposer une barrière et il donna l'ordre à divers corps de troupes disséminées dans tout l'empire de passer dans les Gaules. La légion des Thébains, qui se trouvait alors en Palestine, était commandée par Maurice.
Avant de quitter la Terre sainte, leur chef, aussi fervent chrétien que brave officier, se présenta à l'évêque de Jérusalem à la tête de ses compagnons et ne repartit qu'après avoir reçu sa bénédiction. La légion Thébaine, en passant à Rome, reçut également la bénédiction du pape Marcel. Les Thébains venaient à peine de rejoindre le corps d'armée, que Maximien, associé à l'empire par Dioclétien, ordonna à ses troupes de brûler de l'encens devant les idoles. À cette nouvelle, la légion qui a juré de mourir plutôt que de renoncer à la foi chrétienne, quitte Octodurum (aujourd'hui Martigny), quartier général des troupes et se retire à Agaunum (Agaune), sur les bords du Rhône.
D'après saint Eucher, évêque de Lyon, saint Maurice adressa à l'empereur ces nobles et mémorables paroles : « Nous sommes tes soldats, ô Empereur ; mais nous sommes aussi les serviteurs de Jésus-Christ. À toi, nous devons le service militaire ; à Lui, notre innocence. Si tu cherches des chrétiens, nous le sommes tous, disposés à verser notre sang pour notre foi. Nous rendons à César ce qui est à César ; nous sommes décidés à rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu. »
Maximien, furieux, fit d'abord décimer la légion. Puis, voyant que rien ne pouvait ébranler la constance des soldats chrétiens, il les fit entourer par son armée et ordonna qu'ils fussent tous massacrés au nombre de six mille six cent soixante-six, ce qui fut exécuté en l'année 236.
Saint Martin dédia lui-même sa cathédrale sous le vocable de saint Maurice, ainsi que celle d'Angers et l'église de Candes où il rendit le dernier soupir. Jusqu'en 1789, les chanoines de l'église métropolitaine, dans la formule du serment canonial qu'ils prêtaient à leur installation, juraient de ne jamais permettre qu'on donnât la moindre partie du sang de saint Maurice : en effet, saint Martin avait rapporté d'Agonne trois fioles pleines du sang des martyrs. Deux données, l'une à la cathédrale de Tours, l'autre à celle d'Angers, ont été brisées et profanées au XVIe siècle. La troisième était restée à Candes, lieu de la mort de saint Martin ; elle fut retrouvée en 1875, dans le massif de maçonnerie du maître-autel de l'église. (Univers du 18 août 1875)
La profession exercée par saint Maurice avec une si grande distinction, le grade élevé qu'il occupait dans les armées romaines, le courage surhumain qu'il avait toujours montré à la guerre, la foi intrépide qu'il avait imprimée si profondément dans le cœur de tous ses soldats et qu'il fit briller avec tant d'énergie vis-à-vis de ses persécuteurs, étaient des titres incontestables pour qu'il fût choisi comme patron de l'Armée, des Militaires, des Guerriers chrétiens et pour que sa protection fut réclamée dans les combats et contre les ennemis de la religion. Le patronage de l'Armée est toujours en vigueur et le dimanche, 28 septembre 1873, le général comte de Potier, commandant la subdivision d'Orléans, faisait encore célébrer une messe à Saint-Pierre-du-Martroy, à l'occasion de la fête de saint Maurice. « Saint Maurice, disait-il dans sa lettre de convocation, étant le patron de l'armée, le général invite MM. les officiers, fonctionnaires militaires, sous-officiers et soldats, à assister à cette cérémonie. » (Univers, 30 septembre 1873).
La royale maison de Savoie s'est depuis plusieurs siècles placée sous sa protection ; en 1334, Amédée VIII a institué en son honneur l'Ordre militaire de saint Maurice. Cet ordre qui tombait insensiblement fut, à cet effet, relevé par le duc de Savoie, Emmanuel Philibert, qui obtint une bulle du page Grégoire XIII, en 1572. Peu de temps après, il fut réuni à celui de saint Lazare.
L'origine du patronage des Teinturiers est diversement interprétée. Selon les uns, les Teinturiers l'ont pris pour patron, parce qu'il a teint la terre de son sang et aussi ils mettent pour enseignes des draperies rouges. Selon d'autres et parmi eux l'abbé Berthoumieu, la raison du patronage est attribuée au manteau d'écarlate que les peintres ont coutume de lui donner ; couleur, par son éclat, très propre à servir d'enseigne.
L'abbé Corblet (IV, 519-520) pose ainsi la question :
« Pourquoi les Teinturiers l'ont-ils choisi pour leur patron ? Est-ce, comme on l'a dit, parce que lui et ses compagnons furent teints de leur propre sang ? Mais alors, pourquoi ce martyr plutôt qu'un autre ? Un meilleur motif est proposé par l'abbé Defer (Vie des saints de Troyes, p. 501) : la ressemblance des noms de Maure, vierge de Troyes, patronne des Lessiveuses (laquelle s'occupait à blanchir les linges d'église) et de Maurice, la proximité de la fête de ces deux saints (21 et 22 septembre), auraient déterminé les Teinturiers à se ranger sous la bannière de saint Maurice qui, d'ailleurs, dans quelques localités, est aussi le patron des Blanchisseurs et des Apprêteurs, professions qui ont de l'analogie avec celle des Lessiveuses. »
Dans les Bollandistes (VIe vol., septembre, p. 256), on voit qu'à Agonne existe une grande pierre suspendue par des chaînes de fer, sur laquelle saint Maurice, à genoux, ayant appuyé sa tête, fut décapité. On y voit encore quelques tâches de sang. Les Enfants malades sont placés sur cette pierre par leurs parents tout le jour et toute la nuit jusqu'à ce qu'ils entrent en convalescence par le secours du Saint. Quand on amène là des énergumènes, les esprits malins ont une horreur profonde de cette pierre ; c'est certainement l'origine de l'invocation qui est adressée à saint Maurice contre les possessions diaboliques.
Les Bollandistes signalent également une confrérie de saint Maurice qui existait à Fribourg où se trouvent des reliques du Saint, entre les Chapeliers, les Tisseurs de draps et les Teinturiers.
L'allemand Alt, qui mentionne l'invocation contre la Goutte, la motive par l'attouchement des reliques de saint Maurice qui aurait guéri plusieurs Goutteux. Les Bollandistes parlent seulement de quelques maux de jambes guéris par l'intercession du Saint.
Il serait trop long de mentionner ici toutes les contrées du monde où s'étendit le culte de Saint Maurice. Dans le grand mouvement qui s'est produit en l'honneur de ce vaillant champion de l'église, la France n'est pas restée en arrière et beaucoup de paroisses portent son nom. Nous en noterons seulement une, celle de Valserres, dans les Hautes-Alpes. À la date du 26 juin 1878, le curé, M. l'abbé Carraud, m'écrivait que « de temps immémorial,  les paroisses de Valserres et de Remollon se rendent en procession le lundi de la Pentecôte à une chapelle dédiée à saint Maurice sur la montagne qui porte ce nom. Les deux processions, arrivées au sommet, se fondent ensemble pour n'en faire plus qu'une. On y chante la messe du jour. Le curé de Valserres présente, à la vénération des fidèles, les reliques du saint, propriété de son église et transportées ce jour-là sur la montagne.
“Dans la soirée, les vêpres du jour sont chantées avec solennité, et en se séparant, les processions font retentir les bois des strophes du Te Deum. Un grand nombre d'étrangers, accourus des environs, surtout de Gap, est heureux de prendre part à cette fête. "La foi populaire est que saint Maurice est invoqué dans cette circonstance pour bénir et protéger les vignes qui sont la principale culture du pays." »

Dans la collection des saints de la famille de Maximilien, saint Maurice est représenté une couronne sur la tête, nimbé, en costume de chevalier, tenant de la main droite un étendard immense et la main gauche appuyée sur la garde de son épée, à laquelle est suspendue une couronne d'épines.

(Abbé Bourassé)

Tiré de Les Saints Patrons des Corporations et protecteurs spéciaux de Louis du Broc de Segange.


Reportez-vous à GRAND CATÉCHISME HISTORIQUE (pour adulte), contenant en abrégé l'Histoire Sainte et la Doctrine Chrétienne, Leçon LI : Des Confesseurs et des Martyrs.