Extrait de "Les hauts phénomènes de la magie" par le Chevalier Gougenot des Mousseaux :
CULTE
DE LA PIERRE, DE L'ARBRE, ET DE LA SOURCE ; PIERRES-DIEUX,
ARBRES-DIEUX, SOURCES DIVINES ; TRADITIONS ET ORIGINES MAGIQUES DE CES
DIEUX
Mais le moment arrive de nous éloigner de l'arbre-dieu pour nous retourner encore vers la pierre divine ou spirite, qu'il est temps pour nous d'envisager dans ses affinités et ses rapports avec le culte du serpent. Car serpent, culte du vieil homme, et magie, voilà trois termes qui s'allient, qui s'entre mêlent, qui se glissent, qui se faufilent sans cesse l'un dans l'autre, et qu'il est rarement inutile de reconnaître et démêler.
Le premier acte de magie, ou de spiritisme, et par conséquent de fourberie démoniaque, s'accomplit dans le paradis terrestre, et le serpent y sert au démon de médium ou d'instrument spirite.
Aussi « la cosmogonie phénicienne considère-t-elle le serpent comme le plus pneumatique des animaux (Matter, Histoire critique du gnosticisme, etc., deuxième édition, vol. II, p. 167. Paris, 1843) », ce que nous pouvons traduire, en langage moderne, par le plus spirite ; car le mot pneuma veut dire esprit. Et le souverain des dieux, Jupiter, est serpent ; il l'est en tous lieux, en même temps qu'il est pierre beth-el, pierre phallus et arbre !
Il est serpent en Égypte à Carn-ac de Thèbes, de même qu'à Carn-ac de Bretagne, nom qui signifie dans la vieille langue persane le monceau du serpent (Bathurst, etc., Dieu et les dieux, p. 483, etc. Cairn-ac, et maen-ac à côté de Carnac : les pierres du serpent, etc. ib., p. 493). Dans les Indes, sous le nom de Siva, que représente la pierre impudique yoni-lingam, le grand dieu est roi des serpents, race qu'il a vaincue ; et parmi les dieux-démons, figure aux mêmes titres l'horrible Cali, femme et serpent, ainsi que l'Ève des Scythes ; tandis que le Japon nous peint dans la scène de la création un énorme serpent s'enroulant autour de l'arbre — Au Mexique, la divinité Cihua-cohuatl, femme-serpent, est devenue mère, ainsi que la vierge prophétique des druides de Chartres, sans le secours de l'homme ; et c'était sous les traits d'un immense serpent à visage de femme qu'apparaissait aux Mexicains de Xaltocan la déesse Acpaxapo.
Lorsque la nation fut à son déclin, on cessa de la voir ; mais on entendit de temps en temps sa voix répéter au vent du lac ces sinistres paroles : Qu'allez-vous devenir, ô Xaltocamèques ! Je m'abstiens de multiplier indéfiniment les exemples ; mais, en tous lieux, cet animal essentiellement magique et spirite, selon l'expression phénicienne, reçoit un culte, et les dieux dont il porte le nom sont des dieux pierres, bétyles ou arbres. Observons enfin que, dans les religions de l'idolâtrie, les traditions s'adultèrent et se faussent, que l'idée du bien et du mal s'entrecroise et se mélange d'une façon souvent bizarre ; et que le serpent, par exemple, est tantôt, non point image de Dieu comme le serpent d'airain du désert en Israël, mais Dieu véritable, puissant et bon, combattant le mal, tandis que d'autres fois il est démon, il est redoutable et implacable génie.
Ainsi par exemple le mont Mérou est pour les Indiens le nombril, l'axe du monde. À son sommet repose le dieu-pierre, ou bétyle yoni-lingam. Un jour, la montagne immense s'enfonce dans l'abîme des mers ; la terre entière est ébranlée, mais le dieu Vichnou soulève et soutient cette masse, tandis que l'énorme serpent Sécha, ou Vasouki, enlace le globe de ses replis. Accablé de fatigue, le serpent vomit un venin terrible ; mais le dieu bétyle et yoni-lingam Siva, le bon serpent, avale cette bave délétère, et le monde est sauvé.
Depuis le Christ, la secte impie des ophites ou des adorateurs du serpent voyait, dans le serpent d'airain de Moïse guérissant les morsures des serpents venimeux, l'agatho-démon, ou le bon esprit, le Dieu bon de l'Égypte. « La vénération dont le serpent était l'objet dans les temples de ce pays et de la Grèce, et le rôle qu'il jouait dans les mystères, attestaient la puissance tutélaire du génie dont le serpent était l'emblème... Ainsi motivaient-ils le culte, ou plutôt les honneurs qu'ils lui accordaient dans la plus sainte des cérémonies de leur secte, en faisant consacrer leur cène par des serpents qu'ils tenaient dressés à cet effet. C'étaient là les véritables ophites, mais ils étaient en petit nombre ; et l'antique idée qui mettait le serpent en rapport avec le principe du mal semble avoir prédominé dans l'esprit de la majorité, malgré les efforts de ceux qui montraient l'image du serpent dans un sens contraire. »
Or, quiconque voudra suivre dans leur route tortueuse ces dieux, ces déesses, ces génies-serpents, trouvera s'il pousse ses recherches un peu au-delà de la première rencontre, que ces mêmes dieux sont arbres divins, pierres-dieux, beth-el ou bétyles, et le plus souvent à forme obscène. Notre livre de Dieu et les dieux aide et pilote l'investigateur dans sa marche au milieu de ces régions de ténèbres ; car nous avons suivi ce culte jusqu'à sa dégénérescence, jusqu'au sifflement reconnu pour le langage du bétyle pneumatique ou spirite qui porta le nom d'ophite, c'est-à-dire de pierre-serpent.
Les annales de l'antique Amérique nous tracent en caractères assez curieux non seulement, les origines de ce culte hideux, mais ses rapports avec l'initiation Chaldéenne, avec la magie des Chananéens, avec la pierre divine, ou beth-el, revêtue de la forme obscène qui déifiait la débauche et servait d'enseigne aux lupanars, aux mystères du paganisme, aux sabbazies, aux sabbats.
(...)
Mais ce Votan, vers lequel nous amène l'étude des pierres divines et du serpent divin qui nous prépare aux grands phénomènes de la magie, est-il un seul homme ; ou bien plusieurs chefs de migrations successives nous apparaissent-ils sous ce nom ? Sur ce point, nous attendons encore la lumière ; mais ce qui nous semble être constant, c'est que, le titre de Quetzo-Cohuatl, devenu générique, est décerné presque en tous lieux à un personnage que nous rencontrons sous plusieurs noms synonymes chez un grand nombre de peuples américains. Il exprime à la fois et le rang suprême du chef et sa race, qui est celle des magiciens, géants ou serpents dont nous allons voir nos druides, instruits eux-mêmes par les Chananéens, s'arroger également le titre (Voir dans mon livre Dieu et les dieux, publié en 1854, le serpent et les dracontia, ch. l, p. 488 ; Carnac, ou la montagne du serpent, Stone-Henge, etc., et le bal des géants). Les attributs de l'empire, du sacerdoce, de la divinité, semblent donc s'unir dans la personne du chef de la migration, qui, soit à tort, soit à raison, nous est représenté comme un puissant navigateur et magicien issu de Cham par la ligne Hévéophénicienne.
Ses pères ont fui devant Josué, et il nous décrit le voyage des chânes ou chivim (Kivim ou Hivim, avec l'H fortement aspirée), c'est-à-dire de ceux qui se nomment serpents. Ses ancêtres avaient probablement traversé l'Afrique avant d'atteindre l'Océan ; et l'historien Procope, De bello vandalo, confirmé par saint Augustin, nous a décrit les deux piliers où se lisaient, vers les colonnes d'Hercule, cette inscription phénicienne, ou des Chananéens, devenue si célèbre : Nous sommes les fils de ceux qui fuirent devant le brigand Jésus, fils de Navé (lire Cartas, p. 55 ; et, ailleurs, ces hommes serpents auraient peuplé les Canaries et Cuba, — sans rien dire de l'Atlantide, si elle exista ; lire à ce sujet Carli, Lettres améric., Paris, 1792, et autres écrits. — M. Berthelot, savant voyageur, observe une frappante ressemblance entre les noms de lieux et de personnes dans la langue des Canaries et chez les Caraïbes, p. 50, ib.). Les chefs d'immigrations successives, que le nom de Votan couvre peut-être, se donnaient comme des descendants de Cham, afin d'établir par le fait de cette origine l'illustration de leur provenance. Je suis Cham, disaient-ils, ou chivim. Je suis de la race de Cham le serpent, puisque je suis chivim. Je suis couleuvre, puisque je suis chivim. Or, d'après les commentateurs les plus savants de nos livres saints, les chivims, c'est-à-dire les hivims, ou Hévéens, descendaient de Heth, fils de Chanaan. Et ces noms signifiaient qu'ils étaient les hommes-couleuvres ou serpents adorateurs du serpent, adorateurs de la pierre divine parlante et sifflante, que nous voyons se confondre si souvent avec le serpent dont elle porte quelquefois le nom, et dont l'histoire va nous conduire à la source des faits merveilleux que nous craindrions d'introduire dans nos pages avant d'y avoir préparé l'esprit du lecteur par cette échappée vers les plus lointains horizons (lire Cartas, p. 51, 78, etc. — Ophis signifie serpent ; on verra dans mon livre Dieu et les dieux, 1 854, que la pierre divine ou magique se nomme quelquefois ophite).
L'un de ces Votans, le premier du nom, aurait visité la grande ville et vu sortir de terre la grande maison de Dieu que construisait le grand roi, Salomon ! C'était l'époque de l'essor des flottes de ce puissant monarque et de son voisin Hiram. Votan fournit à ce prince les plus précieux renseignements sur les hommes, les animaux et les plantes, l'or et les bois précieux de l'Occident, ce dont Salomon discourut dans son ouvrage qui renfermait l'histoire des merveilles de l'univers ; mais le chef, c'est-à-dire le serpent navigateur, ne découvrit point à Salomon le secret de sa route, mystère scrupuleusement conservé par les hommes de la race Chananéenne. De Jérusalem, Votan se rendait à la cité antique, où il visitait les ruines d'un grand édifice que les hommes avaient érigé par le commandement de son aïeul, pour atteindre de la terre aux cieux ; et c'était là que chaque peuple avait reçu la langue qu'il devait parler !
Venant de pénétrer dans les lieux mystiques de la tour de Babel, ainsi désignée, on me fit passer, dit-il, par un souterrain qui traversait la terre, et se terminait à la racine des cieux. Ce chemin était un trou de couleuvre, un ahugero de colubra, et j'y fus admis parce que j'étais fils de couleuvre.
Clément d'Alexandrie traduit le mot géants par serpents ; et, ces monstres de taille et de cynisme que la Bible nous décrit au pays de Chanaan , nous les retrouvons de toutes pièces à la tête des colonies antiques et policées de l'Amérique. Votan — que ce personnage soit historique ou fabuleux — était l'un de ces chefs redoutés, rois, magiciens et pontifes, écrivant son histoire. Or, dans cette Amérique où nous abandonnons, dès qu'on le voudra, le personnage douteux de Votan, mais où nos yeux viennent d'être frappés d'exemples si nombreux et si saillants du culte de la pierre lsraélito-Chananéenne, le culte du serpent, si fréquemment uni à celui de la pierre-dieu, se rattache à des chefs de colonies, dont le nom renfermait celui du serpent, ou plutôt de la couleuvre.
Aussi ne devons-nous point nous étonner si nous le voyons se reproduire avec une telle fréquence dans les noms de localités, de villes et de personnes. Rois, pontifes, et portant à ce titre les attributs et le nom de leurs dieux, les souverains de cette race étaient, à la fois, ainsi que les chefs de l'Égypte et du Pérou, soleils, fils du soleil et serpents (Papyrus, et voir l'uréus sur la tète de ces personnages égyptiens. — Nunez de la Vega dit que le Nin, ou Imos, des Tzendales était le même que le Ninus des Babyloniens. On sait que ce prince, et selon d'autres Bel, ou Baal, son père, recevait, comme le Nin des Tzendales, les hommages des peuples sous la figure d'un serpent. Cette image était chez les Phéniciens et les Chaldéens celle sous laquelle on représentait le soleil, dont la plupart des rois du monde antique prétendaient tirer leur origine, ainsi que le firent en Amérique les Votanides, qui en prirent le nom comme un titre royal. Cartas, p. 52). Leur système social était une combinaison monstrueuse admettant la barbarie des sacrifices, le despotisme effréné des chefs, l'impureté dans la vie domestique et le dévergondage sacré dans les rites religieux. S'adonner à toutes les turpitudes de Sodome et de Gomorrhe, c'était honorer le dieu-soleil-et serpent que figure souvent la pierre, et que certaines villes, telles que Panuco, honoraient publiquement à l'exemple des adorateurs de la pierre naturalisée de l'ancien monde idolâtre, sous la forme Priapique la plus éhontée. Aussi le reproche le plus général que les populations adressaient à ces serpents, fils de serpents ou géants que leur avait envoyés la terre Chananéo-africaine, était-il le terme tzocuilli. Or ce mot signifie à la fois piquer, ainsi que pique le serpent, saigner, et commettre le vice sodomique.
Remarquons, d'ailleurs, chemin faisant, que non seulement en Amérique partout où s'arrêtent ces prêtres magiciens, chefs de colonies, mais en Europe même et jusque dans le pays que nous habitons, le prêtre est serpent comme son dieu lui-même, avec lequel il se confond, qu'il représente et qu'il mime, tantôt s'aidant du masque et tantôt des prestiges de l'art magique pour en revêtir la forme. Oui, les prêtres-dieux de ces dieux pierres et arbres sont géants et serpents ; et, de plus, jusque dans les traditions populaires qui se tiennent encore debout, ce double souvenir s'attache aux monuments de leur culte, que ces monuments soient temples ou pierre isolée (monolithe).
Je suis serpent, car je suis druide, s'écrient en étalant leurs titres d'honneur les prêtres de nos régions Celto-Britanniques ; et, parmi les légendes des saints qui évangélisèrent l'extrême Occident, à peine en saurions-nous dire une seule où ces héros chrétiens n'aient à combattre le grand dragon, c'est-à-dire le démon suscitant des monstres et des illusions magiques, ou surexcitant son sacerdoce. Lorsque le christianisme commence le cours de ses conquêtes, on voit donc ces prêtres serpents lutter avec fureur, ou céder, fuir en vaincus, se dérober dans les lieux écartés, dans leurs trous de couleuvre, dans leurs antres prophétiques, et chercher la sécurité de l'apostolat occulte dans les ténèbres. Sinon, c'est que la main des apôtres du Christ leur arrache, en les convertissant, les crocs et le venin de l'erreur ; c'est que l'eau du baptême noie ces monstres, traînés vers le fleuve ou la rivière baptismale par l'étole sacrée que le missionnaire ou l'évêque leur passe au cou pour les attacher et les dompter.
Ces prêtres dragons, ces druides ont pris soin, d'ailleurs, de rappeler dans leurs œuvres, avec leur nom de serpent, la force de néants, la puissance et les dons surhumains qui les caractérisent. « Je suis un druide, je suis un prophète, je suis un serpent, je suis un architecte, répètent à l'envi ces pontifes, constructeurs de monuments dont les simples masses parcellaires épouvantent les mathématiques de nos ingénieurs modernes ! »
Et nous ne quitterons point ce terrain sans y consigner une double observation : la première, c'est que la pierre pneumatique, c'est-à-dire spirite ou divine, revêtit souvent lorsqu'elle était isolée, et dès une antiquité très-haute, la forme naturelle, ou symbolique, du dieu : ce que nous avons vu dans les figures réelles du phallus, ou dans ses formes adoucies, telles que le cône, le cippe, l'obélisque.
— La seconde, c'est que les pierres réunies pour former des temples ou des monuments imitèrent, dès les origines les plus insondables du culte, la configuration de la divinité.
Le temple devint la figure hiératique du dieu, son hiéragramme, selon l'expression de Bathurst, c'est-à-dire le dessin sacré qui traçait et répétait son nom dans sa forme.
Nous serons sobre d'exemples et de preuves, notre livre de Dieu et les dieux les ayant multipliés autant que la nouveauté du sujet l'exige ; et nous renvoyons le lecteur à cet ouvrage, qui foisonne de vérités oubliées, ou d'aperçus que nous oserons presque appeler des surprises, éclatant à la gloire des traditions catholiques. Mais nous rappellerons que des champs de Karnac d'Égypte à ceux de Carn-ac de Bretagne, ces deux temples du serpent, dont le dernier se déroule sous nos yeux, les dracontia ont couvert le sol !
Ainsi se nomment les temples du dragon que la terre adorait, et dont les traces jalonnent les régions de la Grèce et de l'Asie Mineure.
Or, les érudits établissent que les adorateurs de ces temples-serpents étaient les adorateurs de la pierre (Serpent-temples and worshippers of stones. Bathurst, ib., 292). Et de même que, dans l'îlot mallais de Gozzo, sur le passage des navires Chananéens de la Phénicie et de l'Afrique, le temple des Géants, encore aujourd'hui nommé la Giganteja, reproduisit sous la main des serpents-architectes, magiciens et adorateurs de l'arbre et de la pierre beth-el, la figure du chêne ou de l'arbre-dieu ; de même Carn-ac de Bretagne, dont le nom signifie la montagne du serpent, reproduit dans les sinuosités de sa marche, dans ses plis, dans les inégales ondulations de ses monolithes, géants de pierre jadis habités par les esprits ou les dieux des Gaules., la forme et les mouvements de l'éternel reptile.
Que si, de Carn-ac, le touriste archéologue veut bien me suivre au Bal des Géants de Stone-Henge, où j'eus la curiosité de me rendre jadis à la suite d'une promenade en Irlande, le même phénomène hiératique, ou sacré, nous y attend.
En effet, le dieu, le double dieu ne formant qu'une seule et unique divinité, c'est encore ici le même dieu nature ou serpent, et soleil ou Lucifer, nommé Baal. Et l'on ne saurait omettre de remarquer qu'une figure du serpent traversant un orbe solaire, et tracée comme cet orbe par des lignes de pierres divines, écrivait en caractères difficiles à méconnaître, dans le temple qu'elles composaient, l'histoire de la rencontre et de l'union des deux cultes qui se sont disputé le monde ancien, puis qui le possédèrent en commun : l'héliolâtrie, c'est-à-dire le culte sabéiste du soleil, et l'ophiolâtrie, ou le culte traditionnel du plus pneumatique, c'est-à-dire du plus spirite des animaux, le serpent! Voilà donc les dieux de Stone-Henge reconnus pour être à la fois les deux divinités de Babylone et de Delphes : Bel et le dragon, Apollon et Python. Et ces dieux sont comme inséparables, ils sont enchaînés, enlacés l'un à l'autre ; mais la religion du serpent semble avoir le pas sur celle de la lumière astrale ; car, son prêtre, tout prêtre qu'il est du soleil, porte invariablement le nom du dieu-reptile.
Or ce qui nous frappe et que nous devons observer de prime abord dans ce temple du soleil-serpent, c'est encore et toujours le culte de la pierre. Voyez, voyez donc en tête de ses majestueux et admirables débris, figurer la pierre-dieu, le beth-el beth-aven de Chanaan, encore décoré du nom de both-al en Irlande, et que ses caractères ont trahi dès que les archéologues l'ont interrogé.
...Que si, d'ailleurs, nous en croyons Kircher, l'invention de la forme de ces monuments remonterait jusqu'à l'Hermès Trismégiste de l'Égypte, c'est-à-dire jusqu'au prince de la magie postdiluvienne, celui qui enseigna l'art de faire des dieux en spiritisant la pierre, en y faisant descendre des esprits par les paroles évocatoires de la consécration.
Quoi qu'il en soit, devant les masses antiques de Stone-Henge, chaque savant nouveau passe et, comme pour soulager les douleurs de son impuissance, jette, en marquant le pas, ses conjectures sur le monceau de celles qui les ont précédées... Mais une tradition populaire et antique veut que la merveilleuse érection de Stone-Henge remonte au-delà du déluge. Or l'Hermès égyptien est l'un des plus proches descendants de Cham, qui passe pour avoir reçu des fils de Caïn, avant le déluge, quelques-unes des traditions de l'antique magie, et pour les avoir transmises à ses maudits descendants.
Au point de vue de la conception architecturale, et des moyens magiques s'il en fut employé pour l'érection de cette œuvre par ces prêtres qui s'intitulent avec orgueil architectes et serpents, Stone-Henge peut donc, en effet, se relier aux époques antédiluviennes, et la tradition conserver de la sorte une partie de sa valeur. Un fait, d'ailleurs, et des plus importants, dont nous devons la découverte à l'archéologie anglaise, c'est que, quelle que soit la date relativement moderne ou reculée de ce monument antique, la science des mathématiques semble le relier à la race de Sem ou de Cham. En effet « cet ouvrage, nous dit le docteur Stukeley, ne fut construit sur aucune mesure romaine, et c'est là ce que démontre le grand nombre de fractions que donne le mesurage de chaque partie, d'après les mesures européennes. Au contraire, et tout aussitôt, les nombres deviennent ronds dès qu'on le mesure d'après l'ancienne coudée, qui fut commune aux Hébreux fils de Sem, ainsi qu'aux Phéniciens et aux Égyptiens fils de Cham et imitateurs des monuments de pierres brutes et animées. » Le hasard n'est point assez bon mathématicien pour amener de si précises rencontres : tant serait trop !
Ici donc, sur la pierre dieu-maison-de-dieu, devenue chez les Chananéens le beth-aven ou maison de celui qui est le mensonge ; sur la pierre ointe, c'est-à-dire sacrée christ ou messie, mais messie démoniaque, et parallèle à celui qui est le fils de Dieu, le sang coula, le sang ruissela en l'honneur du dieu soleil-et-serpent, ou lumière et nature.
Le sang inonda le Dracontium , répandu de la main de ceux qui s'appelaient serpents, et qui, par ce nom divin et pontifical, se rattachaient à la race pieusement sacrilège et dévergondée des géants, dont le nom n'a point péri ; loin de là, car le langage populaire le joint encore à celui de Baal, le dieu-soleil adoré dans ce temple. Mais ce nom contracté, modifié, réduit au monosyllabe Bel ou Bal, signifia plus tard le bal ou ballet mystique par lequel les fêtes sacrées ou orgiaques honoraient le dieu... Stone-Henge reste donc aujourd'hui debout sous l'une de ces dénominations antiques, celle de Bal-des-Géants, à laquelle prête encore son aspect, mais dont le sens étymologique et religieux est à peu près effacé.
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Le premier acte de magie, ou de spiritisme, et par conséquent de fourberie démoniaque, s'accomplit dans le paradis terrestre, et le serpent y sert au démon de médium ou d'instrument spirite.
Aussi « la cosmogonie phénicienne considère-t-elle le serpent comme le plus pneumatique des animaux (Matter, Histoire critique du gnosticisme, etc., deuxième édition, vol. II, p. 167. Paris, 1843) », ce que nous pouvons traduire, en langage moderne, par le plus spirite ; car le mot pneuma veut dire esprit. Et le souverain des dieux, Jupiter, est serpent ; il l'est en tous lieux, en même temps qu'il est pierre beth-el, pierre phallus et arbre !
Il est serpent en Égypte à Carn-ac de Thèbes, de même qu'à Carn-ac de Bretagne, nom qui signifie dans la vieille langue persane le monceau du serpent (Bathurst, etc., Dieu et les dieux, p. 483, etc. Cairn-ac, et maen-ac à côté de Carnac : les pierres du serpent, etc. ib., p. 493). Dans les Indes, sous le nom de Siva, que représente la pierre impudique yoni-lingam, le grand dieu est roi des serpents, race qu'il a vaincue ; et parmi les dieux-démons, figure aux mêmes titres l'horrible Cali, femme et serpent, ainsi que l'Ève des Scythes ; tandis que le Japon nous peint dans la scène de la création un énorme serpent s'enroulant autour de l'arbre — Au Mexique, la divinité Cihua-cohuatl, femme-serpent, est devenue mère, ainsi que la vierge prophétique des druides de Chartres, sans le secours de l'homme ; et c'était sous les traits d'un immense serpent à visage de femme qu'apparaissait aux Mexicains de Xaltocan la déesse Acpaxapo.
Lorsque la nation fut à son déclin, on cessa de la voir ; mais on entendit de temps en temps sa voix répéter au vent du lac ces sinistres paroles : Qu'allez-vous devenir, ô Xaltocamèques ! Je m'abstiens de multiplier indéfiniment les exemples ; mais, en tous lieux, cet animal essentiellement magique et spirite, selon l'expression phénicienne, reçoit un culte, et les dieux dont il porte le nom sont des dieux pierres, bétyles ou arbres. Observons enfin que, dans les religions de l'idolâtrie, les traditions s'adultèrent et se faussent, que l'idée du bien et du mal s'entrecroise et se mélange d'une façon souvent bizarre ; et que le serpent, par exemple, est tantôt, non point image de Dieu comme le serpent d'airain du désert en Israël, mais Dieu véritable, puissant et bon, combattant le mal, tandis que d'autres fois il est démon, il est redoutable et implacable génie.
Ainsi par exemple le mont Mérou est pour les Indiens le nombril, l'axe du monde. À son sommet repose le dieu-pierre, ou bétyle yoni-lingam. Un jour, la montagne immense s'enfonce dans l'abîme des mers ; la terre entière est ébranlée, mais le dieu Vichnou soulève et soutient cette masse, tandis que l'énorme serpent Sécha, ou Vasouki, enlace le globe de ses replis. Accablé de fatigue, le serpent vomit un venin terrible ; mais le dieu bétyle et yoni-lingam Siva, le bon serpent, avale cette bave délétère, et le monde est sauvé.
Depuis le Christ, la secte impie des ophites ou des adorateurs du serpent voyait, dans le serpent d'airain de Moïse guérissant les morsures des serpents venimeux, l'agatho-démon, ou le bon esprit, le Dieu bon de l'Égypte. « La vénération dont le serpent était l'objet dans les temples de ce pays et de la Grèce, et le rôle qu'il jouait dans les mystères, attestaient la puissance tutélaire du génie dont le serpent était l'emblème... Ainsi motivaient-ils le culte, ou plutôt les honneurs qu'ils lui accordaient dans la plus sainte des cérémonies de leur secte, en faisant consacrer leur cène par des serpents qu'ils tenaient dressés à cet effet. C'étaient là les véritables ophites, mais ils étaient en petit nombre ; et l'antique idée qui mettait le serpent en rapport avec le principe du mal semble avoir prédominé dans l'esprit de la majorité, malgré les efforts de ceux qui montraient l'image du serpent dans un sens contraire. »
Or, quiconque voudra suivre dans leur route tortueuse ces dieux, ces déesses, ces génies-serpents, trouvera s'il pousse ses recherches un peu au-delà de la première rencontre, que ces mêmes dieux sont arbres divins, pierres-dieux, beth-el ou bétyles, et le plus souvent à forme obscène. Notre livre de Dieu et les dieux aide et pilote l'investigateur dans sa marche au milieu de ces régions de ténèbres ; car nous avons suivi ce culte jusqu'à sa dégénérescence, jusqu'au sifflement reconnu pour le langage du bétyle pneumatique ou spirite qui porta le nom d'ophite, c'est-à-dire de pierre-serpent.
Les annales de l'antique Amérique nous tracent en caractères assez curieux non seulement, les origines de ce culte hideux, mais ses rapports avec l'initiation Chaldéenne, avec la magie des Chananéens, avec la pierre divine, ou beth-el, revêtue de la forme obscène qui déifiait la débauche et servait d'enseigne aux lupanars, aux mystères du paganisme, aux sabbazies, aux sabbats.
(...)
Mais ce Votan, vers lequel nous amène l'étude des pierres divines et du serpent divin qui nous prépare aux grands phénomènes de la magie, est-il un seul homme ; ou bien plusieurs chefs de migrations successives nous apparaissent-ils sous ce nom ? Sur ce point, nous attendons encore la lumière ; mais ce qui nous semble être constant, c'est que, le titre de Quetzo-Cohuatl, devenu générique, est décerné presque en tous lieux à un personnage que nous rencontrons sous plusieurs noms synonymes chez un grand nombre de peuples américains. Il exprime à la fois et le rang suprême du chef et sa race, qui est celle des magiciens, géants ou serpents dont nous allons voir nos druides, instruits eux-mêmes par les Chananéens, s'arroger également le titre (Voir dans mon livre Dieu et les dieux, publié en 1854, le serpent et les dracontia, ch. l, p. 488 ; Carnac, ou la montagne du serpent, Stone-Henge, etc., et le bal des géants). Les attributs de l'empire, du sacerdoce, de la divinité, semblent donc s'unir dans la personne du chef de la migration, qui, soit à tort, soit à raison, nous est représenté comme un puissant navigateur et magicien issu de Cham par la ligne Hévéophénicienne.
Ses pères ont fui devant Josué, et il nous décrit le voyage des chânes ou chivim (Kivim ou Hivim, avec l'H fortement aspirée), c'est-à-dire de ceux qui se nomment serpents. Ses ancêtres avaient probablement traversé l'Afrique avant d'atteindre l'Océan ; et l'historien Procope, De bello vandalo, confirmé par saint Augustin, nous a décrit les deux piliers où se lisaient, vers les colonnes d'Hercule, cette inscription phénicienne, ou des Chananéens, devenue si célèbre : Nous sommes les fils de ceux qui fuirent devant le brigand Jésus, fils de Navé (lire Cartas, p. 55 ; et, ailleurs, ces hommes serpents auraient peuplé les Canaries et Cuba, — sans rien dire de l'Atlantide, si elle exista ; lire à ce sujet Carli, Lettres améric., Paris, 1792, et autres écrits. — M. Berthelot, savant voyageur, observe une frappante ressemblance entre les noms de lieux et de personnes dans la langue des Canaries et chez les Caraïbes, p. 50, ib.). Les chefs d'immigrations successives, que le nom de Votan couvre peut-être, se donnaient comme des descendants de Cham, afin d'établir par le fait de cette origine l'illustration de leur provenance. Je suis Cham, disaient-ils, ou chivim. Je suis de la race de Cham le serpent, puisque je suis chivim. Je suis couleuvre, puisque je suis chivim. Or, d'après les commentateurs les plus savants de nos livres saints, les chivims, c'est-à-dire les hivims, ou Hévéens, descendaient de Heth, fils de Chanaan. Et ces noms signifiaient qu'ils étaient les hommes-couleuvres ou serpents adorateurs du serpent, adorateurs de la pierre divine parlante et sifflante, que nous voyons se confondre si souvent avec le serpent dont elle porte quelquefois le nom, et dont l'histoire va nous conduire à la source des faits merveilleux que nous craindrions d'introduire dans nos pages avant d'y avoir préparé l'esprit du lecteur par cette échappée vers les plus lointains horizons (lire Cartas, p. 51, 78, etc. — Ophis signifie serpent ; on verra dans mon livre Dieu et les dieux, 1 854, que la pierre divine ou magique se nomme quelquefois ophite).
L'un de ces Votans, le premier du nom, aurait visité la grande ville et vu sortir de terre la grande maison de Dieu que construisait le grand roi, Salomon ! C'était l'époque de l'essor des flottes de ce puissant monarque et de son voisin Hiram. Votan fournit à ce prince les plus précieux renseignements sur les hommes, les animaux et les plantes, l'or et les bois précieux de l'Occident, ce dont Salomon discourut dans son ouvrage qui renfermait l'histoire des merveilles de l'univers ; mais le chef, c'est-à-dire le serpent navigateur, ne découvrit point à Salomon le secret de sa route, mystère scrupuleusement conservé par les hommes de la race Chananéenne. De Jérusalem, Votan se rendait à la cité antique, où il visitait les ruines d'un grand édifice que les hommes avaient érigé par le commandement de son aïeul, pour atteindre de la terre aux cieux ; et c'était là que chaque peuple avait reçu la langue qu'il devait parler !
Venant de pénétrer dans les lieux mystiques de la tour de Babel, ainsi désignée, on me fit passer, dit-il, par un souterrain qui traversait la terre, et se terminait à la racine des cieux. Ce chemin était un trou de couleuvre, un ahugero de colubra, et j'y fus admis parce que j'étais fils de couleuvre.
Clément d'Alexandrie traduit le mot géants par serpents ; et, ces monstres de taille et de cynisme que la Bible nous décrit au pays de Chanaan , nous les retrouvons de toutes pièces à la tête des colonies antiques et policées de l'Amérique. Votan — que ce personnage soit historique ou fabuleux — était l'un de ces chefs redoutés, rois, magiciens et pontifes, écrivant son histoire. Or, dans cette Amérique où nous abandonnons, dès qu'on le voudra, le personnage douteux de Votan, mais où nos yeux viennent d'être frappés d'exemples si nombreux et si saillants du culte de la pierre lsraélito-Chananéenne, le culte du serpent, si fréquemment uni à celui de la pierre-dieu, se rattache à des chefs de colonies, dont le nom renfermait celui du serpent, ou plutôt de la couleuvre.
Aussi ne devons-nous point nous étonner si nous le voyons se reproduire avec une telle fréquence dans les noms de localités, de villes et de personnes. Rois, pontifes, et portant à ce titre les attributs et le nom de leurs dieux, les souverains de cette race étaient, à la fois, ainsi que les chefs de l'Égypte et du Pérou, soleils, fils du soleil et serpents (Papyrus, et voir l'uréus sur la tète de ces personnages égyptiens. — Nunez de la Vega dit que le Nin, ou Imos, des Tzendales était le même que le Ninus des Babyloniens. On sait que ce prince, et selon d'autres Bel, ou Baal, son père, recevait, comme le Nin des Tzendales, les hommages des peuples sous la figure d'un serpent. Cette image était chez les Phéniciens et les Chaldéens celle sous laquelle on représentait le soleil, dont la plupart des rois du monde antique prétendaient tirer leur origine, ainsi que le firent en Amérique les Votanides, qui en prirent le nom comme un titre royal. Cartas, p. 52). Leur système social était une combinaison monstrueuse admettant la barbarie des sacrifices, le despotisme effréné des chefs, l'impureté dans la vie domestique et le dévergondage sacré dans les rites religieux. S'adonner à toutes les turpitudes de Sodome et de Gomorrhe, c'était honorer le dieu-soleil-et serpent que figure souvent la pierre, et que certaines villes, telles que Panuco, honoraient publiquement à l'exemple des adorateurs de la pierre naturalisée de l'ancien monde idolâtre, sous la forme Priapique la plus éhontée. Aussi le reproche le plus général que les populations adressaient à ces serpents, fils de serpents ou géants que leur avait envoyés la terre Chananéo-africaine, était-il le terme tzocuilli. Or ce mot signifie à la fois piquer, ainsi que pique le serpent, saigner, et commettre le vice sodomique.
Remarquons, d'ailleurs, chemin faisant, que non seulement en Amérique partout où s'arrêtent ces prêtres magiciens, chefs de colonies, mais en Europe même et jusque dans le pays que nous habitons, le prêtre est serpent comme son dieu lui-même, avec lequel il se confond, qu'il représente et qu'il mime, tantôt s'aidant du masque et tantôt des prestiges de l'art magique pour en revêtir la forme. Oui, les prêtres-dieux de ces dieux pierres et arbres sont géants et serpents ; et, de plus, jusque dans les traditions populaires qui se tiennent encore debout, ce double souvenir s'attache aux monuments de leur culte, que ces monuments soient temples ou pierre isolée (monolithe).
Je suis serpent, car je suis druide, s'écrient en étalant leurs titres d'honneur les prêtres de nos régions Celto-Britanniques ; et, parmi les légendes des saints qui évangélisèrent l'extrême Occident, à peine en saurions-nous dire une seule où ces héros chrétiens n'aient à combattre le grand dragon, c'est-à-dire le démon suscitant des monstres et des illusions magiques, ou surexcitant son sacerdoce. Lorsque le christianisme commence le cours de ses conquêtes, on voit donc ces prêtres serpents lutter avec fureur, ou céder, fuir en vaincus, se dérober dans les lieux écartés, dans leurs trous de couleuvre, dans leurs antres prophétiques, et chercher la sécurité de l'apostolat occulte dans les ténèbres. Sinon, c'est que la main des apôtres du Christ leur arrache, en les convertissant, les crocs et le venin de l'erreur ; c'est que l'eau du baptême noie ces monstres, traînés vers le fleuve ou la rivière baptismale par l'étole sacrée que le missionnaire ou l'évêque leur passe au cou pour les attacher et les dompter.
Ces prêtres dragons, ces druides ont pris soin, d'ailleurs, de rappeler dans leurs œuvres, avec leur nom de serpent, la force de néants, la puissance et les dons surhumains qui les caractérisent. « Je suis un druide, je suis un prophète, je suis un serpent, je suis un architecte, répètent à l'envi ces pontifes, constructeurs de monuments dont les simples masses parcellaires épouvantent les mathématiques de nos ingénieurs modernes ! »
Et nous ne quitterons point ce terrain sans y consigner une double observation : la première, c'est que la pierre pneumatique, c'est-à-dire spirite ou divine, revêtit souvent lorsqu'elle était isolée, et dès une antiquité très-haute, la forme naturelle, ou symbolique, du dieu : ce que nous avons vu dans les figures réelles du phallus, ou dans ses formes adoucies, telles que le cône, le cippe, l'obélisque.
— La seconde, c'est que les pierres réunies pour former des temples ou des monuments imitèrent, dès les origines les plus insondables du culte, la configuration de la divinité.
Le temple devint la figure hiératique du dieu, son hiéragramme, selon l'expression de Bathurst, c'est-à-dire le dessin sacré qui traçait et répétait son nom dans sa forme.
Nous serons sobre d'exemples et de preuves, notre livre de Dieu et les dieux les ayant multipliés autant que la nouveauté du sujet l'exige ; et nous renvoyons le lecteur à cet ouvrage, qui foisonne de vérités oubliées, ou d'aperçus que nous oserons presque appeler des surprises, éclatant à la gloire des traditions catholiques. Mais nous rappellerons que des champs de Karnac d'Égypte à ceux de Carn-ac de Bretagne, ces deux temples du serpent, dont le dernier se déroule sous nos yeux, les dracontia ont couvert le sol !
Ainsi se nomment les temples du dragon que la terre adorait, et dont les traces jalonnent les régions de la Grèce et de l'Asie Mineure.
Or, les érudits établissent que les adorateurs de ces temples-serpents étaient les adorateurs de la pierre (Serpent-temples and worshippers of stones. Bathurst, ib., 292). Et de même que, dans l'îlot mallais de Gozzo, sur le passage des navires Chananéens de la Phénicie et de l'Afrique, le temple des Géants, encore aujourd'hui nommé la Giganteja, reproduisit sous la main des serpents-architectes, magiciens et adorateurs de l'arbre et de la pierre beth-el, la figure du chêne ou de l'arbre-dieu ; de même Carn-ac de Bretagne, dont le nom signifie la montagne du serpent, reproduit dans les sinuosités de sa marche, dans ses plis, dans les inégales ondulations de ses monolithes, géants de pierre jadis habités par les esprits ou les dieux des Gaules., la forme et les mouvements de l'éternel reptile.
Que si, de Carn-ac, le touriste archéologue veut bien me suivre au Bal des Géants de Stone-Henge, où j'eus la curiosité de me rendre jadis à la suite d'une promenade en Irlande, le même phénomène hiératique, ou sacré, nous y attend.
En effet, le dieu, le double dieu ne formant qu'une seule et unique divinité, c'est encore ici le même dieu nature ou serpent, et soleil ou Lucifer, nommé Baal. Et l'on ne saurait omettre de remarquer qu'une figure du serpent traversant un orbe solaire, et tracée comme cet orbe par des lignes de pierres divines, écrivait en caractères difficiles à méconnaître, dans le temple qu'elles composaient, l'histoire de la rencontre et de l'union des deux cultes qui se sont disputé le monde ancien, puis qui le possédèrent en commun : l'héliolâtrie, c'est-à-dire le culte sabéiste du soleil, et l'ophiolâtrie, ou le culte traditionnel du plus pneumatique, c'est-à-dire du plus spirite des animaux, le serpent! Voilà donc les dieux de Stone-Henge reconnus pour être à la fois les deux divinités de Babylone et de Delphes : Bel et le dragon, Apollon et Python. Et ces dieux sont comme inséparables, ils sont enchaînés, enlacés l'un à l'autre ; mais la religion du serpent semble avoir le pas sur celle de la lumière astrale ; car, son prêtre, tout prêtre qu'il est du soleil, porte invariablement le nom du dieu-reptile.
Or ce qui nous frappe et que nous devons observer de prime abord dans ce temple du soleil-serpent, c'est encore et toujours le culte de la pierre. Voyez, voyez donc en tête de ses majestueux et admirables débris, figurer la pierre-dieu, le beth-el beth-aven de Chanaan, encore décoré du nom de both-al en Irlande, et que ses caractères ont trahi dès que les archéologues l'ont interrogé.
...Que si, d'ailleurs, nous en croyons Kircher, l'invention de la forme de ces monuments remonterait jusqu'à l'Hermès Trismégiste de l'Égypte, c'est-à-dire jusqu'au prince de la magie postdiluvienne, celui qui enseigna l'art de faire des dieux en spiritisant la pierre, en y faisant descendre des esprits par les paroles évocatoires de la consécration.
Quoi qu'il en soit, devant les masses antiques de Stone-Henge, chaque savant nouveau passe et, comme pour soulager les douleurs de son impuissance, jette, en marquant le pas, ses conjectures sur le monceau de celles qui les ont précédées... Mais une tradition populaire et antique veut que la merveilleuse érection de Stone-Henge remonte au-delà du déluge. Or l'Hermès égyptien est l'un des plus proches descendants de Cham, qui passe pour avoir reçu des fils de Caïn, avant le déluge, quelques-unes des traditions de l'antique magie, et pour les avoir transmises à ses maudits descendants.
Au point de vue de la conception architecturale, et des moyens magiques s'il en fut employé pour l'érection de cette œuvre par ces prêtres qui s'intitulent avec orgueil architectes et serpents, Stone-Henge peut donc, en effet, se relier aux époques antédiluviennes, et la tradition conserver de la sorte une partie de sa valeur. Un fait, d'ailleurs, et des plus importants, dont nous devons la découverte à l'archéologie anglaise, c'est que, quelle que soit la date relativement moderne ou reculée de ce monument antique, la science des mathématiques semble le relier à la race de Sem ou de Cham. En effet « cet ouvrage, nous dit le docteur Stukeley, ne fut construit sur aucune mesure romaine, et c'est là ce que démontre le grand nombre de fractions que donne le mesurage de chaque partie, d'après les mesures européennes. Au contraire, et tout aussitôt, les nombres deviennent ronds dès qu'on le mesure d'après l'ancienne coudée, qui fut commune aux Hébreux fils de Sem, ainsi qu'aux Phéniciens et aux Égyptiens fils de Cham et imitateurs des monuments de pierres brutes et animées. » Le hasard n'est point assez bon mathématicien pour amener de si précises rencontres : tant serait trop !
Ici donc, sur la pierre dieu-maison-de-dieu, devenue chez les Chananéens le beth-aven ou maison de celui qui est le mensonge ; sur la pierre ointe, c'est-à-dire sacrée christ ou messie, mais messie démoniaque, et parallèle à celui qui est le fils de Dieu, le sang coula, le sang ruissela en l'honneur du dieu soleil-et-serpent, ou lumière et nature.
Le sang inonda le Dracontium , répandu de la main de ceux qui s'appelaient serpents, et qui, par ce nom divin et pontifical, se rattachaient à la race pieusement sacrilège et dévergondée des géants, dont le nom n'a point péri ; loin de là, car le langage populaire le joint encore à celui de Baal, le dieu-soleil adoré dans ce temple. Mais ce nom contracté, modifié, réduit au monosyllabe Bel ou Bal, signifia plus tard le bal ou ballet mystique par lequel les fêtes sacrées ou orgiaques honoraient le dieu... Stone-Henge reste donc aujourd'hui debout sous l'une de ces dénominations antiques, celle de Bal-des-Géants, à laquelle prête encore son aspect, mais dont le sens étymologique et religieux est à peu près effacé.
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