jeudi 26 septembre 2019

Vie de Saint Cyprien et Sainte Justine, Martyrs à Nicomédie, et Exorcisme de Saint Cyprien contre les maléfices



Extrait de "Vie des Pères, des Martyrs, et des autres principaux Saints, tirées des actes originaux et des monuments les plus authentiques, avec des notes historiques et critiques", par M. l'abbé Godescard :



Saint Cyprien, Sainte Justine, et le Démon (Légende Dorée)



L'impératrice Eudocie, que Théodose le Jeune épousa à cause de son savoir et de son habileté dans la philosophie, composa en beaux vers l'histoire de saint Cyprien et de Sainte Justine. Ce poème, divisé en trois livres, dont Photius fait l'éloge, et dont il donne l'extrait, est présentement perdu, ainsi que les autres poésies d'Eudocie. Les actes originaux des deux martyrs ont éprouvé le même sort ; mais nous avons encore la confession de Saint Cyprien, écrite par lui-même, et dont Saint Grégoire de Nazianze et l'impératrice avaient fait usage. Nous avons aussi deux autres pièces authentiques, la conversion et la relation du martyre de Saint Cyprien et de Sainte Justine. Voyez Prudence, hymn. 13, p. 215 ; Saint Grégoire de Nazianze (qui toutefois confond par méprise saint Cyprien de Nicomédie avec celui de Carthage) or. 18 ; Photius, cod. 184 ; Tillemont, t. V ; Ceillier, t. IV, p. 89 ; Orsi, t. IV, p. 80, et le P. Clé, t. VII, Sept. p. 195 ; Jos. Assémani, in Cal. univ. t. V, p. 269, ad 2 Octob.



L'AN 304



Saint Cyprien, surnommé le Magicien, est un exemple bien frappant de la puissance de la grâce et de la grandeur de la miséricorde divine. Il était d'Antioche, qu'il ne faut pas confondre avec la capitale de la Syrie. La ville dont il s'agit était située entre la Syrie et l'Arabie, et dépendait du gouvernement de la Phénicie. Les parents de Cyprien, qui étaient excessivement superstitieux, dévouèrent leur fils au démon dès son enfance ; ils le firent élever dans tous les mystères impies du paganisme, ainsi que dans la prétendue science de l'astrologie judiciaire et de la magie. Le jeune Cyprien, flatté de l'espoir d'acquérir de nouvelles connaissances, alla successivement à Athènes, au Mont-Olympe dans la Macédoine, à Argos dans la Phrygie, à Memphis en Égypte, dans la Chaldée et aux Indes, lieux que la superstition et les pratiques infernales de la magie avaient rendus fameux. Lorsqu'il eut fini ses courses, il s'abandonna à toutes sortes de crimes, et se mit à blasphémer contre la religion chrétienne. Il égorgea plusieurs enfants pour offrir leur sang au démon, et chercher dans leurs entrailles palpitantes la connaissance de l'avenir. Il employait la science funeste qu'il avait acquise, à séduire les vierges ; mais il ne put venir à bout de ravir l'honneur des femmes chrétiennes.
Il y avait à Antioche une jeune vierge nommée Justine, que sa naissance et sa beauté rendaient recommandable. Ses parents étaient idolâtres ; mais elle avait eu le bonheur de connaître Jésus-Christ. Sa conversion fut suivie de celle de sa famille. Un jeune homme, païen de religion, conçut pour elle une violente passion. Les efforts qu'il lit pour toucher son cœur ayant été inutiles, il pria Cyprien de le servir par son art. Celui-ci partagea bientôt la passion du jeune homme, et mit tout en œuvre dans le dessein de réussir pour lui-même. Justine, qui se voyait fortement attaquée, joignit la prière à la vigilance et à la mortification. « Avec le signe de la croix, dit Photius d'après Eudocie (Cod. 184), elle mit les démons en fuite. » « Elle s'arma, dit saint Cyprien lui-même dans sa confession (P. 310), du signe de Jésus-Christ, et rendit inutile l'invocation des esprits de ténèbres. S'étant adressée, selon saint Grégoire de Nazianze, à la vierge Marie pour la conjurer de venir au secours d'une vierge en danger, elle se fortifia par l'antidote du jeûne, des larmes et de la prière. »
Cyprien se voyant vaincu par un pouvoir supérieur, commença à réfléchir sur la faiblesse des esprits infernaux; bientôt il résolut de quitter leur service. Le démon, furieux de la perte d'un homme par le moyen duquel il avait assujetti un si grand nombre d'âmes à son empire, attaqua Cyprien de toutes ses forces. Le nouveau converti résista courageusement ; mais il tomba dans une profonde mélancolie, et le souvenir de ses crimes passés le jeta dans le désespoir. Tandis qu'il était agité par les pensées les plus affligeantes, Dieu lui inspira de s'adresser au saint prêtre Eusèbe qu'il connaissait depuis longtemps. Il ne lui eut pas plutôt communiqué ses peines, qu'il se sentit extrêmement consolé. Il y avait trois jours qu'il était dans cet état violent, sans qu'il lui eût été possible de manger. Eusèbe lui fit prendre un peu de nourriture, et le matin du dimanche suivant, il le conduisit à l'assemblée des fidèles. On y admettait les personnes qui demandaient à se faire instruire ; mais on les obligeait de sortir pendant la célébration des saints mystères. Ces assemblées se tenaient de grand matin, tant pour vaquer plus librement à la prière, que pour ne point donner ombrage aux païens. La vue du respect et de la piété dont étaient pénétrés les fidèles en adorant le vrai Dieu frappa singulièrement Cyprien. « Je vis, dit-il lui-même (Cod. p. 329), le chœur des hommes célestes ou des anges qui chantaient les louanges de Dieu, et terminaient chaque verset des psaumes par le mot hébreu alléluia ; en sorte qu'ils ne me paraissaient plus être des hommes (On lit ce qui suit dans l'Essai sur les écrits et le génie de Pope (p. 325) par Wharton, qui avait voyagé en France : “Il y a, je crois, peu de personnes qui, en assistant à la messe dans un choeur bien ordonné, n'aient pas éprouvé de vifs sentiments, sinon de dévotion, au moins de respect... Le lord Bolinbroke étant à la messe dans la chapelle de Versailles, dit au marquis de... qui était avec lui, lorsqu'on en fut à l'élévation de l'hostie : Si j'étais roi de France, je voudrais faire moi-même cette cérémonie.” Voilà le langage des ennemis de l'Église romaine ! On peut voir aussi Taylor, etc.). »
Ceux qui étaient à l'assemblée furent fort étonnés de voir un prêtre introduire Cyprien parmi eux : l'évêque qui présidait pouvait à peine en croire ses yeux, ou du moins il ne s'imaginait pas que la conversion de celui qui causait sa surprise fût sincère ; mais Cyprien dissipa ses doutes le lendemain, en brûlant devant lui tous ses livres de magie, en donnant tous ses biens aux pauvres, et en se mettant au nombre des catéchumènes. Lorsqu'il eut été instruit, et suffisamment disposé, l'évêque lui-même le baptisa. Agladius, l'amant de Justine, se convertit de la même manière, et reçut aussi le baptême. Quant à Justine, elle fut si touchée de ces deux exemples de la miséricorde divine, qu'elle se coupa les cheveux en signe du sacrifice qu'elle faisait à Dieu de sa virginité, et distribua aux pauvres tout ce qu'elle possédait.
Saint Grégoire de Nazianze décrit, avec son élégance ordinaire, le merveilleux changement qui s'opéra en Cyprien, sa conduite édifiante, son humilité, sa modestie, sa gravité, son amour pour Dieu, son mépris pour les richesses, son application continuelle aux choses divines ; il ajoute qu'il demanda par humilité un des plus bas emplois de l'église. Eudocie, citée par Photius, dit qu'il fut fait portier ; mais que quelque temps après on l'ordonna prêtre, et qu'il remplit ensuite le siège épiscopal d'Antioche, devenu vacant par la mort d'Anthime.
La persécution de Dioclétien s'étant allumée, Cyprien fut arrêté et conduit devant le gouverneur de Phénicie, qui faisait sa résidence à Tyr. Justine éprouva un pareil sort à Damas où elle s'était retirée, et qui se trouvait dans le ressort du même présidial ; on la fit donc également paraître devant le gouverneur de Phénicie. Sa constance lui attira une flagellation cruelle. Cyprien fut déchiré avec des ongles de fer. On les conduisit ensuite l'un et l'autre, chargés de chaînes, à Nïcomédie où était Dioclétien. Ce prince n'eut pas plutôt lu la lettre du gouverneur de Phénicie, qu'il les condamna tous deux à être décapités. La sentence fut exécutée sur les bords du fleuve Gallus qui passe auprès de Nicomédie, vers l'an 304. Un chrétien nommé Théoctiste fut aussi décapité pour avoir parlé à Cyprien lorsqu'il allait au lieu du supplice. Quelques fidèles de Rome portèrent dans cette ville les reliques des saints martyrs. Sous le règne de Constantin le Grand, une femme pieuse de la famille de Claude qui se nommait Rufine, fît bâtir une église, sous leur invocation, près de la place qui porte le nom de ce prince. Leurs sacrés ossements ont été transférés depuis dans la basilique de Latran.

En même temps que les erreurs et les égarements de saint Cyprien montrent la dégradation, de la nature humaine, devenue esclave du vice par le péché, sa conversion fait éclater le pouvoir qu'a la grâce de la rétablir dans l'état dont elle est déchue. Pour comprendre jusqu'à quel point l'image de Dieu est défigurée dans l'homme par le péché, il suffit de considérer le désordre qui règne dans ses facultés spirituelles, son entendement et sa volonté, qui, dans la création, portaient l'empreinte de la ressemblance divine. Il n'a pas seulement à se plaindre de la révolte des animaux et des autres créatures, ainsi que de celle de son corps qui est livré en proie aux maladies et à la mort, sa volonté est aussi rebelle, et ses passions s'efforcent d'usurper l'empire sur la raison et la vertu. L'entendement, qui devait être l'œil de la volonté, est aveugle lui-même ; en sorte que la lumière qui est en nous est devenue ténèbres. Dans l'état d'innocence, l'entendement n'était point obscurci par les vapeurs des passions : il dirigeait l'imagination et les sens ; il mettait l'âme a portée de voir clairement et sans effort les vérités spéculatives de l'ordre naturel qui convenaient à la condition humaine : mais son plus beau privilège était de donner à l'homme des idées fixes et vraies des vertus morales ; par-là chacun avait la loi en lui-même, et il lui suffisait de descendre dans sa propre conscience pour être guidé sûrement dans la pratique du bien que le secours de la grâce rendait toujours facile. Son entendement était d'ailleurs éclairé par la révélation divine, et sa volonté ne trouvait point d'obstacle dans l'exercice des vertus théologales, et des autres vertus surnaturelles. De quels maux sa désobéissance n'a-t-elle pas été suivie ? Nous les déplorons dans les extravagances, les erreurs et les crimes où tombent les hommes lorsqu'une fois ils sont esclaves de leurs passions. Il n’y a que la religion et la foi qui puissent nous préserver de ces dangers, éclairer notre entendement, et guérir notre volonté de sa perversité.



EXORCISME DE SAINT CYPRIEN CONTRE LES MALÉFICES



Maître et Seigneur Jésus-Christ, notre Dieu, qui dominez et régnez sur toutes choses, vous êtes le Saint, le glorifié et Celui qui est. Roi des rois et Seigneur des seigneurs, louange à vous ! Ô vous qui résidez dans la lumière immense comme dans les obscurités mortelles, moi, votre humble et indigne serviteur, je vous prie et vous supplie : exilez les démons et dissipez leur malignité, afin que les nuages répandent la pluie sur toute la terre et qu'elle-même donne ses fruits en leur temps, que les arbres fructifient, que les vignes soient rendues fertiles et couvertes de grappe ; que les femmes puissent, sans difficulté, mettre les enfants au monde ; que soit libéré tout le monde dominateur et dominé, enfin que tout le créé soit délivré des chaînes du démon.
Que votre serviteur N., avec sa famille entière, sa maison et ses biens, soient délivrés de tout lien satanique et de tout sortilège, de toute magie et toute influence (liée à des objets ou reposant sur une intention mauvaise). Nous vous en prions, Seigneur, Dieu de nos pères, aidez-nous à briser toutes chaînes qui proviennent de la magie, des sorts, du mauvais œil et de toute action satanique. Faites que, par l'invocation du Saint-Esprit, disparaissent toutes les œuvres maléfiques, Seigneur Sabaoth.
Vous qui êtes le Dieu des Armées célestes, prêtez l'oreille à ma prière : libérez votre serviteur N. de tout ce qui le lie ; qu'un maléfice ait été fait dans l'air ou dans la terre, dans l'architrave (ou dans les fondations) ; sur un parchemin (1), ou encore sur du fer, une pierre ou du bois. Qu'il ait été écrit avec du sang d'homme ou d'animal, d'oiseau ou de poisson, ou encore avec de l'encre ; ou par tout autre moyen destiné à lui nuire, personnellement ou à sa famille ; que ce maléfice ait été enterré ou mis dans des jardins, dans la mer, dans des puits, dans des tombeaux ou n'importe où. Qu'il ait été fait avec des ongles, des griffes d'animaux, d'oiseaux ou de reptiles (vivants ou morts), ou encore avec de la poussière de morts ; qu'il ait été transpercé avec un clou, une épine de chardon, ou une aiguille. Cassez-le sur le champ, ô Seigneur, pour toujours, par votre puissance.
Vous, Seigneur notre Dieu, qui connaissez les lieux, les façons d'agir et les hommes, dissipez, détruisez et faites disparaître  les œuvres de magie qui se trouvent ici, et protégez votre serviteur N. ainsi que toute sa maison.
Que soient écrasées sous le signe de la Croix — la Croix honorée et qui donne la Vie — toutes les forces de l'ennemi ! (3 fois). Que s'en aillent de N., serviteur de Dieu et soient dissouts pour toujours tout maléfice, envoûtement, sortilège et mauvais œil.
Seigneur, je vous en prie, écoutez-moi : préservez votre serviteur ainsi que sa famille de tout accident et du démon de midi (2) ; libérez-le de toute maladie, anathème, colère, malédiction, empêchement, médisance, envie, mauvais œil, négligence, paresse, gourmandise, faiblesse, stupidité, irraison, superbe, manque de piété, injustice, présomption, et de toute erreur et tromperie : par votre Saint Nom, qui est glorifié pour les siècles des siècles. Ainsi soit-il.


(1) Littéralement : dans la peau de cheval.
(2) Le démon qui fait dormir, Satan.



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