samedi 1 août 2015

Les saints et le combat spirituel : Sainte-Thérèse d'Avila



Extrait de "Le Château intérieur"





« La batterie que fomentent sous mille formes les démons est terrible, et bien plus pénible à l'âme que dans la demeure antérieure ; là-bas, elle était muette et sourde, du moins elle n'entendait guère et résistait moins, comme ceux qui ont perdu en partie l'espérance de vaincre. Ici l'entendement est plus vif, les puissances plus habiles ; les coups et la canonnade sont tels que l'âme ne peut manquer de les entendre. Les démons proposent ces couleuvres que sont les choses du monde, ils présentent, comme éternelles, en quelque sorte, ses joies, l'estime dans laquelle il nous tient, les amis et parents, la santé par rapport aux choses de la pénitence (car toujours, l'âme qui entre dans cette demeure, se met à souhaiter de se mortifier un peu), et mille autres sortes d'obstacles. »

« L'âme souffre ici de grandes peines, en particulier si le démon comprend que son caractère et ses habitudes la prédisposent à aller très loin ; alors, tout l'enfer se conjuguera pour l'obliger à s'en retourner et à sortir du château. »

« Montrez votre résolution, vous allez vous battre contre tous les démons, et il n'est meilleures armes que celles de la croix. »

« Considérez bien, mes filles, certaines des choses qui sont marquées ici, quoique confusément, car je ne sais m'expliquer mieux. Le Seigneur vous aidera à les comprendre pour que dans les sécheresses vous puisiez de l'humilité, et non de l'inquiétude, comme le voudrait le démon ; croyez qu'à celles qui sont vraiment humbles, même s'il ne leur accorde point ses délices, Dieu donnera une paix et une acceptation qui les rendront plus heureuses que certains de ceux qu'Il régale. Car souvent, comme vous l'avez lu, Sa Divine Majesté réserve ces douceurs aux plus faibles ; je crois toutefois qu'ils ne les échangeraient pas pour la force de ceux qui vivent dans la sécheresse. Nous sommes enclins à préférer les joies à la croix. Éprouve-nous, Seigneur, Toi qui sais la vérité, afin que nous nous connaissions. »

« Je m'amuse souvent de voir des âmes, en oraison, désirer qu'on les abaisse, qu'on les insulte publiquement et pour Dieu, mais prêtes à cacher ensuite, une petite faute, si elles le pouvaient. Oh ! Que dire si on les accuse d'une faute qu'elles n'ont pas commise ! Dieu nous en garde ! Celle qui ne supporte pas cela doit bien s'examiner pour ne pas tenir compte de la décision qu'elle pense avoir prise ; à vrai dire, ce ne fut pas une décision de la volonté, quand la volonté est sincère, c'est autre chose, mais le fait de l'imagination : c'est elle que le démon utilise pour nous leurrer et nous précipiter ; il peut beaucoup sur les femmes et les illettrés, nous ne savons pas distinguer les puissances de l'imagination, et mille autres choses intérieures. Ô mes sœurs ! comme on distingue clairement en certaines d'entre vous l'amour vrai du prochain, alors que chez d'autres, il n'atteint pas à la même perfection ! Si vous compreniez l'importance pour nous de cette vertu, vous ne vous appliqueriez à rien d'autre. »

« Peut-être m'interrogeriez-vous sur deux points, dont vous pouvez douter : d'abord, comment une âme aussi soumise à la volonté de Dieu qu'on vous l'a montré peut-elle être trompée, puisqu'elle ne veut suivre en rien sa propre volonté, Ensuite : par quelles voies le démon peut-il pénétrer dans votre âme si dangereusement qu'elle se perde, alors qu'éloignées du monde vous approchez si fréquemment les sacrements, et que vous vivez, nous pouvons le dire, en compagnie des anges ? Toutes, ici, en effet, par la bonté du Seigneur, n'ont d'autre désir que de le servir et lui plaire en toutes choses, mais il n'est pas surprenant qu'il en soit ainsi pour ceux qui vivent au milieu des tentations du monde. Je dis que vous avez raison en cela, Dieu témoigne à notre égard d'une grande miséricorde ; mais quand je vois, comme je l'ai dit, que Judas vivait au milieu des Apôtres, qu'il était en rapports continuels avec Dieu lui-même, écoutant ses paroles, je comprends que ça n'est pas une assurance.

À la première question, je réponds que si cette âme était toujours cramponnée à la volonté de Dieu, il est clair qu'elle ne se perdrait pas ; mais arrive le démon, avec sa grande subtilité, et sous couleur de bien, il l'en éloigne par de toutes petites choses, il l'engage dans d'autres dont il lui insinue qu'elles ne sont pas mauvaises, et peu à peu, en obscurcissant son entendement, en tiédissant sa volonté, en accroissant en elle l'amour-propre, il l'écarte, chaque chose aidant, de la volonté de Dieu, et il l'incline a faire la sienne. De là découle la réponse à la seconde question il n'est clôture si bien close qu'il ne puisse y entrer, ni désert si écarté où il manque d'aller. Et j'ajoute autre chose : le Seigneur permet peut-être qu'il en soit ainsi pour voir comment se comporte cette âme qu'il destine à en éclairer d'autres ; car si elle se montre vile, mieux vaut que ce soit au début plutôt que lorsqu'elle pourrait nuire à beaucoup d'autres.

Commençons par le tourment de tomber sur un confesseur si raisonnable et si peu expérimenté qu'il n'est chose qui ne lui semble dangereuse : il a peur de tout, il doute de tout, lorsque ce qu'il voit sort de l'ordinaire. En particulier, s'il remarque quelque imperfection dans l'âme à qui ces choses arrivent, alors qu'il lui semble que Dieu ne doit accorder ces faveurs qu'à des anges, ce qui est impossible tant qu'elle habite ce corps : immédiatement, il condamne tout, c'est le démon, ou la mélancolie. Cette maladie pullule en ce monde à tel point que cela ne m'étonne point, elle est si fréquente, le démon, par ce moyen, fait tant de dégâts, que les confesseurs ont de fortes raisons de la craindre et d'y regarder de très prés.

D'autres épreuves que nous infligent les démons sont extérieures, et doivent être moins fréquentes ; il n'y a donc pas lieu d'en parler, elles sont d'ailleurs beaucoup moins pénibles, les démons, pour beaucoup qu'ils fassent, n'arrivent pas ainsi à inhiber les puissances, ce me semble, ni à troubler l'âme de cette manière ; enfin, il reste assez de raison pour penser qu'ils ne peuvent outrepasser ce que le Seigneur leur permet, et quand on n'a pas perdu la raison, tout ce qu'on endure n'est pas grand-chose...

Pour en revenir à ce que je disais au début, soit que les paroles viennent de l'intérieur ou de la partie supérieure de l'âme, soit qu'elles viennent de l'extérieur, cela ne signifie pas qu'elles ne viennent pas de Dieu. Les marques les plus certaines qu'on puisse en avoir sont les suivantes. La première, et la plus sure, c'est la puissance et l'empire qu'elles exercent : ces paroles sont des actes. Je m'explique : l'âme se trouve au milieu des tribulations et de l'agitation intérieures déjà décrites, dans l'obscurité de l'entendement et la sécheresse : il lui suffit d'entendre un mot, rien que " n'aie pas de peine ", pour s'apaiser, libre de tout chagrin, dans une grande lumière ; cette peine s'évanouit, alors qu'il lui semblait que si le monde entier et les hommes doctes tous ensemble lui avaient donné des raisons de s'en délivrer, leurs efforts ne seraient pas parvenus à soulager son affliction. Elle est affligée, pleine de craintes parce que son confesseur, et d'autres personnes avec lui, lui ont dit que son esprit provient du démon ; mais il suffit qu'on lui dise la parole : "C'est moi, n'aie pas peur", pour que tout se dissipe ; elle est parfaitement consolée, persuadée que personne ne pourrait lui faire croire qu'il en est autrement. De même lorsqu'elle est fort en peine d'affaires graves, dont elle ignore ce qu'il en adviendra, elle entend qu'elle doit se calmer, que tout réussira. Elle se retrouve dans la certitude, sans nulle peine. Et il en est ainsi de beaucoup d'autres choses (voir Autobiographie, chap. 25).

Second signe : l'âme se retrouve dans une grande quiétude, dans un recueillement fervent et apaisé, prête à louer Dieu.

Troisième signe : ces paroles ne s'effacent pas de la mémoire avant fort longtemps, et certaines ne s'effacent jamais, alors que nous oublions celles que nous entendons ici-bas ; je précise : celles que les hommes nous ont dites ; pour graves et doctes qu'ils soient, leurs paroles ne se gravent pas aussi profondément dans la mémoire, et s'il s'agit de choses futures, nous n'y ajoutons pas la même foi ; mais la parole de Dieu nous insuffle une immense certitude, et même lorsqu'il s'agit de choses qui semblent si impossibles que l'âme ne peut s'empêcher d'en douter, de se demander si elles se réaliseront oui ou non, l'entendement hésite un peu, mais l'âme elle-même est pleine d'une certitude invincible, même si tout semble contredire ce qu'elle a entendu ; les années passent, rien ne peut l'empêcher de penser que Dieu usera de moyens incompréhensibles aux hommes, mais que cela s'accomplira enfin ; et cela s'accomplit. Pourtant, comme je l'ai dit, elle n'en souffre pas moins lorsqu'elle voit de nombreux obstacles ; ce qu'elle a entendu est loin dans le temps, l'action de Dieu, la certitude qu'elle eue sur le moment que cela venait de Lui, se sont émoussées, les doutes apparaissent, elle se demande si ce ne fut pas le démon, ou son imagination. Mais sur le moment elle n'a aucun doute, mais elle mourrait pour cette vérité. Toutefois, comme je le dis, que ne fera le démon à l'aide de ces imaginations qu'il suggère pour affliger et effrayer l'âme ! En particulier s'il s'agit d'une affaire dont on présume qu'elle sera pour le grand bien des âmes, une œuvre pour l'honneur de Dieu, pour son service et qui présente de sérieuses difficultés. Le moins qu'il fasse c'est d'affaiblir la foi, et il est fort nuisible de ne pas croire Dieu assez puissant pour accomplir des œuvres que notre entendement n'entend pas.

Au milieu de tous ces combats, malgré tant de gens qui disent à cette personne elle-même que c'est de l'absurdité (c'est-à-dire les confesseurs avec qui elle traite de ces choses), malgré tous les revers qui devraient lui faire admettre que ces prédictions sont irréalisables, il lui reste je ne sais où une étincelle d'espérance si vive que même si tous les autres espoirs étaient morts, il lui serait impossible, le voudrait-elle, d'admettre que cette certitude n'est pas vivante. Et enfin, comme je l'ai dit, la parole du Seigneur s'accomplit, la satisfaction et l'allégresse de l'âme sont telles qu'elle ne cesse de louer Sa Majesté d'avoir vu s'accomplir ce qu'Elle lui avait promis, plus encore que de l'œuvre elle-même, bien qu'elle soit d'une grande importance pour elle.

Si les paroles entendues naissent de l'imagination, on ne remarque aucun de ces signes : ni certitude, ni paix, ni joie intérieure ; il pourrait advenir, et je connais quelques personnes dans ce cas, qu'étant fort absorbées dans l'oraison de quiétude et le sommeil spirituel (celles qui sont faibles de complexion, ou d'imagination, ou pour je ne sais quelle cause, sont vraiment si hors d'elles, dans ce grand recueillement, qu'elles perdent tout contrôle extérieur, tous les sens sont endormis, comme chez une personne qui dort, et peut-être même sont-elles ainsi, somnolentes), elles croient entendre parler comme en songe, elles croient même voir des choses, et elles pensent que cela vient de Dieu, et elles en négligent les effets, enfin, comme s'il s'agissait d'un songe. Il peut se faire aussi qu'alors qu'elles demandent quelque chose à Notre-Seigneur affectueusement, elles croient qu'on leur répond ce qu'elles voulaient ; cela se produit quelquefois. Quiconque aurait la grande expérience des paroles de Dieu ne pourrait, ce me semble, s'y tromper ; cela provient de l'imagination.

Le Seigneur parle encore à l'âme d'une autre façon que j'estime pour ma part fort vraie, dans certaines visions intellectuelles que je décrirai plus loin. C'est au si intime de l'âme, on croit si clairement entendre ces paroles du Seigneur lui-même avec l'ouïe de l'âme, et si secrètement, que les effets mêmes de la vision rassurent, et assurent que le démon ne peut intervenir ici. Les grands effets qui s'ensuivent permettent de le croire ; du moins est-il certain que cela ne procède pas de l'imagination, et puis, tout bien considère, l'âme peut toujours avoir cette certitude, pour plusieurs raisons. La première, la clarté des paroles est bien différente ; elles sont si claires que s'il manquait une syllabe dans ce que l'âme a entendu, elle s'en souviendrait, et avec quel ton ce fut dit, même si la phrase était longue ; l'élocution ne serait pas aussi claire, ni les paroles aussi distinctes si cela venait de l'imagination, mais comme entendues dans une sorte de rêve.

La seconde : souvent, on était bien éloigné de penser à ce qu'on a entendu, c'est survenu à l'improviste, et même au milieu une conversation ; toutefois, c'est souvent la réponse à une idée qui traverse soudain notre pensée, ou à laquelle on a pensé naguère ; mais souvent aussi il s'agit de choses dont on ne se rappelle point qu'elles devaient être ni qu'elles seraient, l'imagination ne peut donc pas les avoir fabriquées pour que l'âme commette l'erreur de s'engouer de ce qu'elle n'a pas désiré, ni voulu, ni connu.

La troisième : lorsqu'il s'agit de Dieu, on est comme quelqu'un qui entend, et lorsqu'il s'agit de l'imagination, comme quelqu'un qui compose peu à peu ce qu'il veut lui-même qu'on lui dise.

La quatrième : les paroles sont fort différentes dans les deux cas ; une seule suffit à faire comprendre beaucoup de choses que notre entendement ne pourrait composer si rapidement.

La cinquième : ces paroles, souvent, par des moyens que je ne saurais expliquer, font comprendre beaucoup plus de choses que ne l'implique leur sens exact. Je m'étendrai ailleurs sur cette manière de comprendre, c'est chose très délicate, et qui incite à louer Notre-Seigneur. Cette manière-là, ces différences, ont troublé certaines personnes (en particulier l'une d'elles qui en a l'expérience, et il doit y en avoir d'autres), elles ne parviennent pas a se ressaisir ; je sais que celle dont je parle a considéré attentivement cette situation, car le Seigneur lui fait très souvent cette faveur ; au début, elle se demandait si elle n'imaginait pas tout cela, et elle doutait. Car on a plus vite fait de déceler l'action du démon, malgré ses ruses qui savent bien contrefaire l'esprit de lumière ; il dit très clairement les paroles, ce me semble, on ne peut douter de les avoir entendues, tout comme lorsque c'est l'esprit de vérité qui intervient ; mais il ne peut contrefaire les effets que j'ai cités, ni laisser l'âme dans une telle paix, dans une telle lumière : il sème l'inquiétude et l'agitation. Il ne peut guère nuire et ne fait même aucun mal si l'âme est humble et si, comme je l'ai dit, elle ne fait pas un geste pour rien exécuter, quoi qu'elle ait entendu.

Si elle reçoit des faveurs et des régals du Seigneur, qu'elle observe attentivement si, de ce fait, elle se sent meilleure ; si elle n'est pas d'autant plus confuse que la parole est plus flatteuse, il lui faut croire qu'il ne s'agit pas de l'esprit de Dieu. Lorsque c'est Lui, il est très certain que plus la faveur est grande, plus l'âme se méprise, plus elle se rappelle ses péchés, plus elle oublie ses progrès, plus elle applique sa volonté et sa mémoire à ne vouloir que l'honneur de Dieu, sans songer à son profit personnel, plus elle redoute de se détourner moindrement de Sa volonté, et plus elle est sûre de n'avoir jamais mérité ces faveurs, mais l'enfer. Si toutes les choses et les grâces qu'elle reçoit dans l'oraison produisent ces effets, que l'âme ne s'effraie point, qu'elle ait confiance en la miséricorde du Seigneur, il est fidèle, et il ne permettra pas au démon de la tromper, bien qu'il soit toujours séant de garder des craintes. »


« Je vous ai d'ailleurs dit que le démon, parfois, nous inspire de grands désirs qui nous empêchent de mettre en œuvre ce qui est à portée de notre main pour servir Notre-Seigneur dans les choses possibles, et que nous nous contentions d'avoir désiré faire l'impossible. Sans parler de l'aide que vous apportez avec l'oraison, ne cherchez pas à être utiles au monde entier, mais a celles qui vivent en votre compagnie ; votre action, ainsi, sera plus efficace, et c'est à leur égard que vous avez le plus d'obligations. Pensez-vous n'avoir guère à gagner si, du fait de votre grande humilité ainsi que de votre mortification, serviables envers toutes vos sœurs, débordantes d'une charité jointe à un amour du Seigneur tel que ce feu les embrase toutes, vous les tenez constamment en éveil par tout cela et vos autres vertus ? Ainsi, vous servirez le Seigneur non seulement abondamment, mais d'une manière qui lui sera très agréable, c'est dans vos moyens, et ce que vous accomplirez ainsi montrera à Sa Majesté que vous pourriez faire beaucoup plus ; il vous récompensera donc autant que si vous lui gagniez beaucoup d'âmes. »



Extrait du Manuscrit autobiographique de Sainte Thérèse d'Avila



« Je tombai alors dans le plus terrible piège que le démon pouvait me tendre : me voyant si infidèle, je commençai, sous prétexte d'humilité, à craindre de faire oraison. Il me semble qu'étant une des plus imparfaites, il valait mieux suivre le plus grand nombre et me contenter des prières vocales auxquelles j'étais obligée ; digne de partager la société des démons, je ne devais plus prétendre à cet entretien céleste et à un commerce si intime avec Dieu. Enfin il me venait en pensée que je trompais tout le monde. (...) il me persuada qu'étant aussi imparfaite que je l'étais, je ne pouvais, sans manquer d'humilité, me présenter à l'oraison. Je l'abandonnai alors pendant un an et demi, au moins pendant un an, car pour les six mois de plus, je ne m'en souviens pas bien. Par là, de moi-même, je m'étais mise en enfer, sans qu'il fût besoin du démon pour m'y entraîner. Ô Ciel ! quel effrayant aveuglement ! Et que l'ennemi du salut va droit à ses fins en portant ses efforts de ce côté ! Son intérêt y est engagé, car il sait bien, le traître, qu'une âme qui persévère dans l'oraison est perdue pour lui, et que toutes les chutes où il l'entraîne, loin de lui nuire, servent par la bonté de Dieu à lui faire prendre ensuite un plus vigoureux élan à son service. »

« Un premier mouvement d'amour-propre venait-il à s'élever dans mon cœur, j'en éprouvais une peine indicible ; et le démon, vaincu chaque fois, me laissait avec le mérite d'une nouvelle victoire. Aussi n'a-t-il jamais osé me tenter que très faiblement de ce côté. Peut-être, si Dieu lui eût permis de me livrer d'aussi rudes assauts sur ce point que sur d'autres, serais-je également tombée ; mais, jusqu'à ce jour, ce Dieu de bonté m'a préservée d'une semblable chute. Qu'il en soit éternellement béni ! Je dois même le dire : me voir tenir en telle estime était pour moi, qui connaissais le secret de mon âme, un bien pesant fardeau. »

« Je ne comprends pas les craintes de ceux qui redoutent de commencer à faire l'oraison mentale. Je ne sais vraiment de quoi ils ont peur. Mais le démon sait bien ce qu'il fait : il nous cause un mal réel quand, par ces vaines terreurs, il nous empêche de penser à Dieu, à nos devoirs, à nos péchés, à l'enfer, au paradis, aux travaux et aux douleurs que Notre-Seigneur endura pour nous. Telle fut, au milieu des dangers toute mon oraison ; telles étaient les vérités que je m’appliquais à approfondir, lorsque je le pouvais. »

« Mais il faut avoir une idée juste de cette humilité. Car le démon, je n'en doute pas, nuit beaucoup aux personnes d'oraison et les empêche d'avancer très loin, en leur donnant une notion fausse de cette vertu. Il leur fait croire qu'il y a de l'orgueil à former de grands désirs, à vouloir imiter les saints, à souhaiter d'être martyrs. Bientôt, il leur dit ou leur fait entendre que les actions des saints doivent être admirées, mais non imitées par des pécheurs comme nous. Je ne conteste pas cela, je dis seulement qu'il est besoin de discerner ce que nous pouvons imiter et ce que nous ne pouvons qu'admirer. Ainsi, il ne conviendrait pas à une personne faible et malade de s'imposer des jeûnes fréquents, des pénitences austères, de se retirer dans un désert où elle ne pourrait dormir ni trouver des aliments, sans parler d'autres privations de ce genre. Mais nous devons penser que, par de généreux efforts et avec le secours de Dieu, nous pouvons arriver à un grand mépris du monde, au mépris de l'honneur, et au détachement des biens temporels. »

« Infirme comme je le suis, je me vis toujours enchaînée, incapable du moindre bien, jusqu'au moment où je pris la détermination de ne tenir aucun compte ni du corps ni de la santé. À la vérité, ce que je fais aujourd'hui se réduit encore à bien peu de chose. Mais Dieu m'éclaira sur cet artifice du démon. M'objectait-il la perte de ma santé, je disais. Il importe peu que je meure. Me parlait-il de la perte de mon repos, je lui répondais : Je n'ai plus besoin de repos, mais de croix ; et ainsi du reste. Je vis clairement que, malgré des infirmités réelles, je cédais, en bien des circonstances, à la tentation de cet esprit de ténèbres ou à ma propre lâcheté. Par le fait, depuis que je me traite avec moins de soins et de délicatesse, je me porte beaucoup mieux. »

« Je me trouvais un jour dans un oratoire, lorsqu'il m’apparut, à mon côté gauche, sous une forme affreuse. Pendant qu'il me parlait, je remarquai particulièrement sa bouche, elle était horrible. De son corps sortait une grande flamme, claire, et sans mélange d'ombre. Il me dit, d'une voix effrayante, que je m'étais échappée de ses mains, mais qu'il saurait bien me ressaisir. Ma crainte fut grande : je fis comme je pus le signe de la croix, et il disparut ; mais il revint aussitôt. La même chose eut lieu par deux fois. Je ne savais que devenir : enfin je pris de l'eau bénite qui se trouvait là, j'en jetai où il était, et il ne revint plus. »

« Je l'ai éprouvé bien des fois, rien n'égale le pouvoir de l'eau bénite pour chasser les démons et les empêcher de revenir ; ils fuient aussi à l'aspect de la croix, mais ils reviennent. La vertu de cette eau doit donc être bien grande ! Pour moi, je goûte une consolation toute particulière et fort sensible lorsque j'en prends ; d'ordinaire, elle me fait sentir comme un renouvellement de mon être que je ne saurais décrire, et un plaisir intérieur qui fortifie toute mon âme. Ceci n'est pas une illusion, je l'ai éprouvé non point une fois, mais un très grand nombre de fois, et j'y ai fait une attention fort sérieuse. Je compare volontiers une impression si agréable à ce rafraîchissement que ressent dans toute sa personne celui qui, excédé de chaleur et de soif, boit un verre d'eau froide. Je considère à ce sujet quel caractère de grandeur l'Église imprime à tout ce qu'elle établit ; j'éprouve une joie bien vive en voyant la force que ses paroles communiquent à l'eau, et l'étonnante différence qui existe entre celle qui est bénite et celle ni ne l'est pas. »

« Comme mon tourment ne cessait point, je dis à mes sœurs que si elles ne devaient pas en rire, je demanderais de l'eau bénite. Elles m'en apportèrent et en jetèrent sur moi, mais cela ne fit aucun effet ; j’en jetai moi-même du côté où était l'esprit de ténèbres, et à l'instant il s'en alla. Tout mon mal me quitta, de même que si on me l'eût enlevé avec la main ; je restai néanmoins toute brisée, comme si j'avais été rouée de coups de bâton. Une leçon bien utile venait de m'être donnée: je pouvais me former une idée de l'empire exercé par le démon sur ceux qui sont à lui, puisqu'il peut, quand Dieu le lui permet, torturer à ce point une âme et un corps qui ne lui appartiennent pas ; cela me donna un nouveau désir de me délivrer d'une si détestable compagnie. Il y a peu de temps, la même chose m'arriva ; mais le tourment ne fut pas si long. J'étais seule, je pris de l'eau bénite. À l'instant, deux religieuses qui venaient de me quitter rentrèrent, et sentirent une odeur très mauvaise, comme de soufre. Elles étaient toutes deux très dignes de foi et n'auraient voulu pour rien au monde dire un mensonge. Pour moi, je ne sentis point cette odeur ; mais elle dura assez longtemps pour qu'on eût tout le loisir de s'en apercevoir. »

« Une fois, en allant communier, je vis des yeux de l'âme, plus clairement que je n'aurais fait des yeux du corps, deux démons d'une figure horrible qui serraient avec leurs cornes la gorge du pauvre prêtre, et je vis en même temps, dans l'hostie qu'il était prêt à me donner, Notre Seigneur Jésus-Christ avec cette majesté dont je viens de parler : ce qui me fit connaître que mon Dieu était dans des mains criminelles, et que cette âme était en état de péché mortel. Quel spectacle, ô mon Sauveur, de voir votre divine beauté au milieu de ces abominables figures, et ces démons saisis d'un tel effroi et d'une telle stupeur devant vous, qu'ils auraient soudain pris la fuite si vous le leur eussiez permis ! Dans le trouble extrême qui s'empara de moi, je ne sais comment j'eus la force de communier. J'étais également agitée d'une crainte très vive : il me semblait que si cette vision venait de Dieu, il n'aurait pas permis que je visse le mauvais état de cette âme. Mais Notre Seigneur me dit de prier pour elle ; il ajouta qu'il avait permis cette vision pour me faire comprendre la force des paroles de la consécration, et comment, quelque mauvais que soit le prêtre qui les profère, il ne laisse pas d'être présent sur l'autel. C'était aussi afin que je visse l'excès de sa bonté, qui le porte à se mettre entre les mains même d'un ennemi, et cela pour mon bien et pour le bien de tous. » (Avant le concile Vatican II)



Ne prie pas pour avoir un fardeau plus léger, mais prie pour avoir un dos plus robuste. 
(Sainte Thérèse d'Avila)






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du Père Louis Du Pont,
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