mercredi 1 février 2017

Transport aérien des corps, voyages des âmes, pérégrinations animiques et bilocations (2/2)




Extrait de "Les hauts phénomènes de la magie" par le Chevalier Gougenot des Mousseaux :




TRANSPORT AÉRIEN DES CORPS, VOYAGES DES ÂMES, PÉRÉGRINATIONS ANIMIQUES ; DOUBLE PRÉSENCE DE L'HOMME, BICORPORÉITÉ, BILOCATIONS, ETC.



Saint Joseph de Copertino
Le fait que nous venons de rapporter est un exemple de la double présence apparente de l'homme. Ce phénomène nous transporte donc de plain-pied au cœur du sujet de la bilocation, et nous avouons qu'il en est peu de plus féconds en scandales pour les gens dont la raison maladive ne s'est nourrie que de préjugés. Il nous est donc d'une capitale importance de réunir à la parfaite clarté des exemples une notoriété presque universelle, et nous commencerons par tourner nos regards du côté du catholicisme, où se rencontrent les plus complets et les plus sûrs.
Mais d'abord que sera le phénomène de la bilocation, et que signifie ce mot ? — La bilocation est le fait qui semble vouloir que le même individu se trouve être à la fois ici et ailleurs, c'est-à-dire en deux endroits différents. Ce doit donc être une absurdité que la bilocation ? Oui, sans doute, si ce mot est pris dans son acception rigoureuse et pratique. Mais, en relâchant quelque peu de ce sens, elle devient admissible, et, sortant des régions de l'absurde, elle se borne à prendre rang dans la sphère élevée du Merveilleux. Aussi, les prodiges de cet ordre sont-ils non moins bouleversants pour ceux qui ne les ont point étudiés que le seraient pour un rustre ignare les merveilles de la trigonométrie, l'action des forces électriques, la coloration soudaine que donnent, par le mélange d'un réactif, certaines liqueurs incolores, la théorie plutonienne du soulèvement des montagnes et de l'incandescence du globe. Mais que nous importent ces étonnements, si le phénomène qui les provoque n'est point une chimère. Écoutons (le récit suivant ; quoique écrit par nous, se conforme avec exactitude au chef-d'œuvre du P. Bouhours : la Vie de saint François Xavier, qui était une des lectures favorites du grand Condé, 2 vol. in-12, Avignon, 1817. « Jamais miracles, dit le P. Bouhours, n'ont été examinés avec plus de soin ni plus juridiquement que ceux-là, etc. » Pag. x, Avert. liv. V, p. 109, etc., v. II) :
Au mois de novembre 1571, François Xavier faisant voile du Japon vers la Chine, le bâtiment qui le portait fut assailli par une de ces tempêtes qui transforment quelquefois en fervents chrétiens, pendant tout le temps que dure un orage, les matelots les mieux rompus au grand style des jurons et du blasphème. Au milieu du désespoir universel, le navire coulait à fond, lorsque la prière du saint le relevant d'une manière sensible, il gagna le dessus de l'eau et continua de tenir la mer. Quinze hommes de l'équipage se sacrifiant alors aux nécessités de la manœuvre, se jetèrent dans la chaloupe et tentèrent de l'amarrer au navire. Mais à peine eurent-ils fait un mouvement, qu'un coup de mer emporta leur frêle esquif. Les nuées étouffaient le jour ; en un instant ils disparurent, et la tempête redoubla de fureur. Xavier cependant « invoquait Jésus, son amour par les cinq plaies que le Sauveur avait reçues pour nous sur la croix ». Il priait, et voyant le douloureux souvenir des compagnons perdus revenir sans cesse au cœur des gens du navire, il articula ces paroles : Prenez courage, mes amis, avant trois jours la fille rejoindra sa mère.
On attendit, puis on attendit encore au milieu de cette formidable agitation des flots et de l'air ; et, du haut des mâts, l'œil des vigies sondait à tout instant les profondeurs tourmentées de l'espace. Nul, cependant, ne signalait la chaloupe ; et, sur les vagues un peu moins furieuses, rien, rien absolument n'apparaissait que la folle écume ! Le saint reprit donc contre ces lenteurs du ciel l'arme offensive de la prière ; puis, se relevant, et du front d'un homme éclairé d'en haut : « Courage, vous allez les revoir tous les quinze, ils sont sauvés ! » Rien de plus fermement dit ; et pourtant le lendemain rien ne se montrait encore. Inquiets pour leur propre sûreté, sur cette mer dont ils venaient d'éprouver les fureurs, les matelots, frémissant d'impatience, se refusaient à perdre un temps précieux dans l'attente si longtemps déçue de leurs frères. Mais le saint, imperturbable dans sa foi, les conjura par la mort du Christ d'ajouter un peu de patience à celle qui s'épuisait en eux à vue d'œil ; et, s'enfermant dans une cabine, comme pour soigner un mal dont il souffrait, il passa de nouvelles heures à supplier la miséricorde divine. Bien fallut d'abord que la chaloupe reparût ! Un cri de joie tout à coup la signala donc à portée de mousquet. Et même on remarqua que, malgré la vive émotion des flots, elle arrivait droit sur le navire, sans être agitée, et sans céder ou participer au mouvement qui se manifestait autour d'elle ; ce phénomène dura jusqu'à ce que, s'étant arrêtée d'elle-même, les quinze absents fussent remontés à bord.
Aussitôt leur réintégration sur le navire effectuée, le pilote, s'imaginant que la chaloupe était vide, se mit en devoir de la manœuvrer. — Mais le saint ? Qu’est devenu le saint ? Il n'a point remis pied abord. — Voyez dans la chaloupe, il y est resté, s'écriaient à l'envi ceux qui venaient d'en sortir.
Les gens du vaisseau, cependant, de s'entre-dire : Il faut en vérité que nos compagnons rêvent ! Mais vainement cherchaient-ils soit à désabuser ceux-ci, soit à les comprendre, sachant tous à bord que Xavier ne s'était point éloigné du navire un seul instant. Que répondre donc à ces entêtés de la chaloupe, jurant à qui mieux mieux par tous leurs sens que, du matin au soir et du soir au matin de ces trois jours de séparation mortelle, Xavier n'avait cessé d'être présent au milieu d'eux. Non, non, reprenaient-ils de concert, nous n'avons craint ni de périr ni de nous égarer, malgré l'horreur de la tempête, car le père était notre pilote !
On ne finit par se comprendre qu'en mettant dans l'accord qui leur est si naturel la raison avec la foi. C'est-à-dire qu'il devint manifeste pour tout le monde que, de l'un des deux côtés, chaloupe ou navire, un ange de Dieu avait trois jours durant revêtu la forme de François... Tel est, dans ses bienfaisants effets, le phénomène angélique de la bilocation que Dieu permet également aux démons de réaliser dans leurs tristes et redoutables rapports avec les hommes.
Non, François, que la seule toute-puissance de la prière faisait participer au miracle opéré, ne se trouvait point, à la fois, sur le navire et dans la chaloupe ; et, peut-être un peu plus tard, cette réflexion ne paraîtra-t-elle point inutile.
En effet, le saint eût-il eu besoin de redoubler de ferveur pour obtenir la rencontre du navire et de la chaloupe, s'il eût eu la conscience de diriger simultanément l'un et l'autre. La certitude de cette rencontre eût-elle laissé le plus léger nuage de doute sur son front, si, présent à la fois en deux endroits différents, il eût eu de ces deux côtés la connaissance parfaite et la vue constante de l'œuvre surnaturelle qu'il accomplissait ?
Être en ce lieu, puis, en même temps, avoir ailleurs une représentation exacte de soi-même ; être non point double, mais être vu très sensiblement en duplicata, voilà, ce nous semble, le fait de la bilocation dans son acception générale.
Or, les plus indubitables exemples de bilocation fourmillent dans les actes inconcevablement rigoureux de la canonisation des saints. On les voit foisonner, d'ailleurs, avec une égale abondance sous la plume des maîtres de la science occulte.
Récuser l'invincible concours de ces témoignages, ce serait nier la valeur du moyen de certitude le plus universel que la philosophie puisse offrir à l'homme dans le dédale des faits humains ; ce serait mépriser à la fois la patiente, la lumineuse autorité de l'Église, et la raison de ses ennemis ; ce serait encore insulter au jugement des corps les plus sages et les plus indépendants du monde laïque, je veux dire les corps de la magistrature européenne, éclairée par des siècles d'expérience sur la réalité de ces prodiges. Et pourtant, adopter ces faits prodigieux, c'est adopter, c'est embrasser, c'est épouser le principe même de l'un des plus étranges phénomènes des sabbats !
Mais, de grâce, et que l'on médite ce simple mot, que prouvent, devant la saine raison, contre l'existence et la valeur d'une vérité, les conséquences quelconques de cette vérité même ? Si fortes et si violentes qu'elles puissent être, donnent-elles jamais à ceux qui ne sont point insensés le droit de la méconnaître ou de la traiter d'erreur ?
Convaincus, pour notre part, qu'il est impossible de verser une trop vive abondance de lumières sur les féconds rameaux du surnaturel, nous placerons sous les yeux du lecteur quelques-uns des récits de la mystique de Görres, et notre motif est la nature des explications quintessenciées dont il les accompagne et contre lesquelles nous ne cessons de protester. On adoptera d'ailleurs, de sa main plutôt que d'une autre, les prodiges que choisit ce fervent catholique, infatué malgré lui-même du rationalisme protestant dans lequel avait croupi son âge mûr. L'expérience humaine et la science sacrée règleront ensuite la question en quelques mots, et d'une manière qui, nous le supposons, aura paru trop simple au docte et loyal, mais subtil Allemand pour qu'il y arrêtât son esprit.
« Les faits qui se rapportent à ce genre de phénomènes — c'est-à-dire aux voyages de l'âme, et aux traits de bilocation auxquels se trouvent mêlés des transports de personnes vivantes que nous voudrions ne point étudier encore, — ces faits peuvent se partager en trois classes, nous dit l'illustre Görres : 1° quelquefois, « l'homme est emporté avec impétuosité dans un lieu éloigné, et c'est alors le système moteur qui concourt d'une manière spéciale à la production des faits de cet ordre. » Nous rapporterons donc, comme exemple de cette première classe, le transport de Rita de Cassia, qui « jouissait du privilège de passer à travers les portes fermées », ainsi que Notre-Seigneur au cénacle, où il voulut que l'apôtre incrédule touchât les plaies de son corps (Vol. II, édit. 1854, p. 335. — Comprenne qui le pourra ce système moteur de l'homme, où les jambes et les bras ne figurent que pour néant. Eh quoi ! le système moteur de mon corps me faisant fendre l'air avec la rapidité de la pensée et passer au travers des portes closes ! Oh, Görres, pourquoi donc si souvent, à l'exemple des incrédules que vous combattez, ne nous expliquer le surnaturel que par l'absurde ?).
Voulant, après la mort de son mari, se retirer dans le couvent des augustines, Rita ne peut amener par ses larmes les religieuses à la recevoir. Elle eut alors recours à Dieu ; puis, comme elle priait avec ferveur, une voix l'appela dans le couvent. Or, il se fit que, presque aussitôt, elle s'y trouva transportée, mais sans savoir de quelle sorte !
Grande et bien singulière fut l'émotion des religieuses lorsque, le jour venant à poindre, elles aperçurent Rita tout établie dans leur monastère dont les portes closes s'étaient si mal défendues contre la puissance que Görres appelle le système moteur de la sainte. Mais la nouvelle venue racontant avec simplicité son aventure, fut accueillie d'une voir unanime.
Le même système moteur fit plusieurs fois voir saint Pierre Regala élevé pendant deux ou trois heures au-dessus de terre, et environné d'un tel éclat dans sa prière, que les habitants de la contrée accouraient jusqu'à Gumiel de Mercado, se figurant qu'un incendie consumait l'église. Et dans le même temps qu'il adorait le saint sacrement à Aquilera , on le Voyait prier devant l'image miraculeuse de Tribulo (Görres, vol. II, p. 336-7. — Que si le principe de ce mouvement aérien est l'esprit, il emporterait donc le corps ? Mais comment le prouver ? Et l'Ange de l'école, un tout autre docteur que Görres ! ne vient-il pas de nous déclarer du haut de sa science que l'âme ne peut emporter le corps qu'elle anime ?) !
2° Dans les faits de seconde classe, reprend Görres, « l'homme, restant à sa place, est conduit en esprit au loin, y fait ce que Dieu veut qu'il fasse, et rapporte avec soi certains signes extérieurs qui attestent sa présence « aux lieux que son Esprit a visités ». Ici, ce qui est principale ment en jeu, c'est le système vital (Görres, p. 335, 339, v. II. — Le système vital ! Avons-nous assez ruiné ce principe dans notre étude du Fantôme humain, formant la troisième partie de notre livre les Médiateurs et les moyens de la magie, 1863 ; et voit-on dans quelle série d'erreurs l'admission de ce néant entraîne les rêveurs du pays de la science ? — Le chapitre de la Répercussion, ci-après, rend compte de ce phénomène, mais d'après une loi d'exception, et non pas d'après une loi de nature), le même qui produit les phénomènes de la stigmatisation. Un assez bel et concluant exemple de ces phénomènes de seconde classe se déroule dans les pérégrinations mystiques de la bienheureuse Liduine, à qui souvent il arrivait de visiter les lieux saints dans la compagnie de son ange. Or, un jour que, cédant à ses ravissements, elle voyageait de sanctuaire en sanctuaire dans la ville de Rome, sa marche fut entravée par des ronces.
Et, quoique son corps restant en place ne l'eût point suivie dans ses courses, elle sentit une épine entrer dans un de ses doigts. Le lendemain, se retrouvant dans son état naturel, cette blessure lui fit éprouver une vive douleur !
3° Dans les faits de troisième classe, « l'homme restant à sa place, et y étant vu par les autres, est vu ailleurs en même temps, et y agit d'une manière effective et réelle ; or cette bilocation participe à la nature de la vision ». Ainsi, par exemple, un saint que des rieurs modernes ont traité du ton leste et dégagé qui caractérise les esprits superficiels et frivoles, saint Joseph de Copertino, résidait dans la ville d'Assise. Sa mère mourante à Copertino s'écria douloureusement : « Ô mon fils, je ne te verrai donc plus ! » Une grande lumière remplit aussitôt la chambre de cette femme, et, le saint y apparaissant, elle s'écria : « Joseph ! ô mon fils !... »
Au même instant ceux d'Assise voyaient Joseph sortir précipitamment de sa cellule pour aller prier à l'église. « Eh ! qu'y a-t-il donc ? lui demande un frère. — Ma pauvre mère vient de mourir. » — Le fait fut constaté par les lettres qui arrivèrent de Copertino , non moins que par les témoins qui avaient vu le saint assistant sa mère.
Or, ce prodige que Görres a rangé parmi ceux de la troisième catégorie, est semblable au fait tout récent de la bilocation de saint Alphonse de Liguori, canonisé de nos jours, et que nous relatons à titre d'exemple accueilli de la catholicité tout entière. Étudions donc ce dernier fait ; étudions-le surtout comme un de ces actes que sa date toute fraîche, et son authenticité reconnue dans l'Église, et jusque dans le monde spirite ou magique, ne peut nous permettre d'affubler du terme dédaigneux de légende. Mais, avant de le rapporter, demandons-nous ce que signifient ces mots de notre grand et intrépide explicateur : « Cette bilocation participe à la nature de la vision. » Un phénomène de cette importance sera-t-il expliqué, sera-t-il rendu facile à comprendre par des paroles d'un vague si désespérant et d'une si par faite insuffisance ?
« Alphonse venait de dire la messe ; accablé de tristesse, morne, silencieux, il se jette dans un fauteuil. Ses lèvres semblent étrangères à la prière ; aucune de ces douces paroles que recueillent religieusement les personnes de sa maison ne se fait entendre : les diverses fonctions de la vie ont cessé. Il reste dans cet état d'immobilité toute la journée et toute la nuit suivante, sans que les domestiques qui veillent à la porte de son appartement osent troubler ce repos. On ne sait plus à quelle conjecture se livrer, lorsque enfin il fait retentir sa sonnette, annonçant son intention de célébrer la messe. Sa chambre se remplit aussitôt des gens de sa maison et des personnes du dehors, qui, depuis longtemps, attendaient avec une vive anxiété la fin de cette catalepsie imprévue. Le prélat s'étonnant de se voir environné de tant de monde, on lui répond que, depuis deux jours, il ne donne aucun signe de vie : « Ah ! c'est vrai, réplique-t-il ; mais vous ne savez pas que j'ai été assister le pape qui vient de mourir ! »
Ce mot est sur-le-champ répandu dans Arienzo et dans Sainte-Agathe. On croit d'abord que c'est une rêverie de malade. Mais peu d'heures après circule la nouvelle de la mort de Clément XIV ; on apprend que ce pontife venait de sortir de cette triste vie le 22 septembre 1774, à sept heures du matin, au moment précis où Alphonse revenait à lui.
Novaès, historien des papes, raconte ainsi ce miracle : « Clément XIV, dit-il, a cessé de vivre le 22 septembre, à la treizième heure du jour (sept heures du matin), assisté des généraux des augustins et des dominicains, des observantes et des conventuels ; et, ce qui intéresse encore davantage, assisté miraculeusement par le bienheureux Alphonse de Liguori, quoique éloigné de corps, suivant que le relatent les procès juridiques du susdit bienheureux, approuvés par la sacrée congrégation des rites (Elementi... in Roma, 1852, t. XV, p. 210. — Saint Liguori, Verdier, 1833, p. 318. Il est fait mention dans le Bréviaire de ce don de bilocation. — ld., Vie de sainte Thérèse, par elle-même, Bilocation de J. Pierre d'Alcantara, chap. xxvii, Bouix). »
À l'autorité de l'Église, nous certifiant ce miraculeux phénomène, il nous est loisible d'ajouter celle de l'un de ses déserteurs et de ses plus dangereux ennemis. « Rien au monde, nous dit le professeur de magie Éliphas Lévi, notre contemporain, rien n'est mieux accepté et plus incontestablement prouvé, que la présence réelle et visible du Père Alphonse de Liguori près du pape agonisant, tandis que le même personnage était observé chez lui, à une grande distance de Rome, en prière et en extase. »
Mais, entre tous ces phénomènes, où le surnaturel occupe dans la splendeur de son évidence, une place que les incomplètes, que les interminables et pseudo-scientifiques explications de Görres ne sauraient restreindre, choisissons, pour les placer sous le regard des lecteurs qui ne rompent point avec les enseignements de l'Église, et qui conservent le goût du bon sens, l'un des exemples les plus soutenus et les plus frappants qu'il soit possible de rencontrer. On eut tout le loisir de le jeter au creuset de la critique, et la plume qui nous le rapporte est celle du savant abbé de Solême, le bénédictin dom Guéranger, dont l'immense travail révèle tout ce qui fut jadis ourdi contre la gloire posthume du personnage soumis à notre jugement.
« Admise dans d'intimes relations avec Dieu, parla sublimité de ses oraisons, Marie de Jésus, — c'est-à-dire Marie d'Agréda, — n'en était pas moins attentive aux misères des hommes ; mais, ce qui excitait plus que tout le reste son compatissant intérêt, c'était le sort des âmes après cette vie. Elle souffrait cruellement de voir tant de malheureuses victimes de l'hérésie et de l'infidélité, et ses vives instances auprès de Dieu tendaient à en diminuer le nombre. Elle était surtout préoccupée de la conversion des peuples de l'Amérique méridionale que les religieux de saint François évangélisaient avec un grand zèle sur les terres de la domination espagnole. Dieu lui fit connaître, dans l'oraison, que sa miséricorde avait préparé des secours-particuliers pour accélérer la conversion des peuplades nombreuses du Nouveau-Mexique ; mais il voulut qu'elle eût autre chose que le mérite de l'intercession ; car alors commença en elle une série de phénomènes de grâce qui lui donnèrent droit d'être comptée parmi les apôtres de ces pays idolâtres. Durant une assez longue période de sa vie, il lui arriva, dans ses extases, de se sentir tout à coup transportée dans des régions lointaines et inconnues. Le climat n'était plus celui de la Castille. Des hommes d'une race qu'elle n'avait jamais rencontrée étaient devant elle, et Dieu lui inspirait de leur annoncer la foi.
L'extatique obéissant à ce commandement leur prêchait dans la langue espagnole, et ces infidèles l'écoutaient avec docilité. La première extase ainsi occupée fut suivie de plus de cinq cents, et sans cesse elle se trouvait dans cette même contrée. Il lui semblait que, le nombre de ses convertis s'étant accru, une nation entière, le roi en tête, s'était résolue à embrasser la foi de Jésus-Christ. Elle voyait en même temps, mais à une grande distance, les franciscains que Dieu avait destinés à recueillir cette riche moisson ; mais ils ignoraient jusqu'à l'existence de ce peuple, et Marie conseillait alors aux Indiens d'envoyer quelques-uns d'entre eux vers ces missionnaires pour leur demander des ministres du salut. »
« Ces impressions de l'extatique étaient trop extraordinaires pour qu'il lui fût possible de les laisser ignorer à son directeur. Elle les découvrit donc au franciscain sous la conduite duquel elle vivait. Marie de Jésus était-elle corporellement transportée au-delà des mers, ou son âme agissait-elle seule en ces rencontres ?... Quant à la source de ces impressions, il était évident que l'on ne pouvait la chercher dans quelque influence de l'esprit de malice. Tout y était fondé sur le zèle du salut des âmes ; les intentions de Marie étaient droites, ses extases étaient une gêne pour elle, une occasion d'être remarquée, et elle demandait sans cesse à Dieu qu'il lui plût de l'en délivrer. Il était plus difficile de déterminer si l'extatique était en réalité transportée au milieu de ses chers Indiens, ou si son action devait être purement rapportée aux opérations de l'âme, aidée d'un secours surnaturel », celui d'un ange agissant pour elle et se conformant aux dictées de son cœur. « Marie de Jésus répétait les noms de diverses localités du Nouveau-Mexique. Elle était en mesure de décrire les mœurs de ces peuples, leurs habitations, leurs armes ; elle rapportait leurs longs entretiens avec elle. La différence du climat la frappait également. Dans son vol rapide, il lui semblait passer d'une région ensevelie dans la nuit à une autre qu'éclairait le soleil. Elle traversait une vaste étendue de mer, et des contrées de terre ferme, avant d'arriver au lieu où l'esprit la dirigeait. Une fois, elle eut l'intention de distribuer à ses Indiens quelques chapelets qu'elle gardait dans sa cellule ; sortie de l'extase, elle chercha ces objets et ne les trouva plus, quelque diligence qu'elle y mît. »
« Malgré de tels indices, qui semblaient indiquer un changement corporel de lieu, Marie persista toujours à croire que tout se passait en esprit ; encore était-elle fortement tentée de penser que ces phénomènes pouvaient bien n'être qu'une hallucination, innocente sans doute, mais plus facile à admettre par elle que l'idée d'une utilité si grande que Dieu eût tirée, par un tel moyen, d'une créature si faible et si ignorée. On ne saurait s'étonner de l'incertitude qu'éprouvait Marie, lorsqu'on se rappelle que saint Paul lui-même déclare qu'il ignore s'il fut enlevé avec ou sans son corps. »
« C'était vers l'année 1622 que Marie de Jésus avait commencé à éprouver ses laborieuses extases. Jusqu'à ce moment, les franciscains qui s'occupaient à la conversion des peuplades du Nouveau-Mexique avaient assez peu de fruit.
Un jour, ils se virent abordés par une troupe d'Indiens d'une race qu'ils n'avaient pas encore rencontrée ; ces Indiens s'annonçaient comme les envoyés de leur nation, et ils demandaient le baptême avec une grande ferveur. Les missionnaires, surpris à la vue de ces indigènes, que personne, croyaient-ils, n'avait encore évangélisés, s'empressèrent de leur demander d'où leur venait un tel désir. Ils répondirent que, depuis un temps déjà long, une femme avait paru dans leur pays annonçant la loi de Jésus-Christ ; qu'elle disparaissait par moments, sans qu'ils pussent découvrir le lieu de sa retraite, et c'était elle qui leur avait enjoint de se rendre auprès des missionnaires. L'étonnement des religieux s'accrut encore lorsque, ayant voulu interroger ces Indiens, ils les trouvèrent parfaitement instruits. Ils leur demandèrent alors des renseignements sur cette femme merveilleuse ; mais tout ce que les Indiens purent dire, c'est qu'ils n'avaient jamais vu une personne semblable Le P. Alonzo de Benavidès, homme rempli de zèle, ne tarda pas à se rendre aux vœux de l'ambassade indienne. Les plus vives démonstrations de reconnaissance accueillirent les ministres de l'Évangile, et l'étonne
ment de ceux-ci allait toujours croissant, car ils étaient à même de constater à chaque pas que, chez tous les individus de ce peuple, l'instruction chrétienne était complète ! »
Cependant « le P. Alonzo de Benavidès aspirait à rentrer en Espagne, dans l'espoir d'y découvrir la retraite de sa miraculeuse coopératrice. Enfin, dans le cours de l'année 1630, il put profiter du départ d'un navire, et, à peine débarqué, il se rendit directement à Madrid. Le général de son ordre, le P. Bernardin de Sienne, se trouvait en ce moment dans cette ville. Benavidès se hâta de lui manifester les merveilles pour la recherche desquelles il avait cru devoir entreprendre le voyage de l'Europe. Le général connaissait Marie de Jésus. Il lui vint en pensée que cette âme privilégiée pourrait bien être celle-là même que Dieu avait choisie pour opérer de si grands prodiges ; mais comme il se doutait bien que l'humilité de la sœur la rendrait impénétrable, il résolut d'employer le moyen de l'obéissance religieuse pour la contraindre à s'expliquer. Il donna donc à Benavidès des lettres par lesquelles il le constituait son commissaire en cette affaire, enjoignant à Marie de Jésus d'avoir à répondre en toute simplicité aux demandes de ce religieux, qui partit pour Agréda. »
« Arrivé dans cette ville, Benavidès communiqua ces lettres au provincial Sébastien Marzilla et au P. François della Torre, confesseur de la servante de Dieu. Ayant fait venir Marie de Jésus à la grille, il lui déclara les ordres du général, et l'humble vierge se vit contrainte de déclarer tout ce qu'elle savait sur l'objet de la mission de Benavidès. Avec une vive confusion, mais avec la plus parfaite obéissance, elle manifesta les commencements et la suite des extases qu'elle avait éprouvées et tout ce qui s'y était passé, ajoutant avec franchise qu'elle était demeurée dans une complète incertitude sur le mode selon lequel son action avait pu ainsi s'exercer à une si grande distance. Après avoir reçu ces confidences, Benavidès interrogea la sœur sur les particularités des lieux qu'elle avait du tant de fois visiter. Il la trouva aussi instruite qu'il pouvait l'être lui-même sur tout ce qui concernait le Nouveau-Mexique et ses habitants. Elle lui exposa dans le plus grand détail toute la topographie de ces contrées, décrivant tout et usant des noms propres, comme aurait pu le faire un voyageur qui eût passé plusieurs années dans ces régions. Elle avoua même qu'elle avait vu maintes fois Benavidès et ses religieux, marquant les lieux, les jours, les heures, les circonstances, et fournissant des détails spéciaux sur chacun des missionnaires ! »
« Benavidès voulut cependant rédiger une déclaration de tout ce qu'il avait constaté, tant en Amérique que dans ses entretiens avec la servante de Dieu, et il exprima sur cette pièce sa conviction personnelle, quant au mode selon lequel l'action de Marie de Jésus s'était fait sentir aux Indiens. Il insistait à croire que cette action avait été corporelle. Sur cette question, la sœur garda toujours la même réserve, et plus tard, dans une déclaration qu'elle écrivit elle-même, elle motiva son doute sur les paroles de saint Paul que nous citions tout à l'heure. Elle concluait ainsi : »
 « Ce que je crois le plus certain à l'égard de la manière, c'est qu'un ange y apparaissait sous ma figure, prêchait et catéchisait les Indiens, et que le Seigneur me montrait ici dans l'oraison ce qui se passait. »
Mais peut-être quelques-uns de mes lecteurs, peu familiarisés avec les merveilles de l'ordre divin, soupirent-ils après un second exemple propre à corroborer celui de l'extatique espagnole, et à les raffermir. Plaçons donc à côté du nom de dom Guéranger le nom du R.P. Ventura, naguère examinateur des évêques et du clergé romain, etc., etc. Ces deux illustrations catholiques et contemporaines ont étudié chacune leur modèle, nous les entendrons nous tenir un langage identique. Le voyageur aérien du P. Ventura, cet éminent religieux de la bouche duquel je recueillis un fait parallèle et récent dans l'ordre démoniaque, a nom Martin Porrès.
« Telle est, dit le P. Ventura, la bonté du Bleu magnifique, quand il récompense la vertu de ses serviteurs, que, souvent, pendant qu'ils sont encore voyageurs sur la terre, il leur accorde un avant-goût de la félicité qu'il leur réserve dans les cieux, répandant quelquefois sur leur corps, tout mortel qu'il est, les dons de la glorieuse immortalité.
Ce dernier privilège n'était accordé de Dieu aux autres saints que pour un temps et dans des circonstances particulières, tandis qu'il fut accordé à Martin d'une manière je dirai presque habituelle et permanente. Il suffit donc que les supérieurs, du fond de leur cœur, ou les malades dans le secret de leur demeure, conçoivent le désir d'avoir Martin présent pour qu'à l'instant même, quelle que soit la distance à laquelle il se trouve, ils le voient se présenter devant eux, souvent même lorsque les portes sont fermées, pour recevoir les ordres de l'obéissance, ou pour porter les secours de la charité.
« Et non seulement il possède pour lui-même ces dons glorieux d'agilité et de subtilité, mais il tient aussi de Dieu le pouvoir de les communiquer à autrui. Non seulement il passe comme l'éclair de la ville à la campagne ou de la campagne à la ville, mais encore il transporte avec la même rapidité une troupe nombreuse de ses religieux ; non seulement, toutes les fois qu'il le veut, il devient invisible pour cacher ses merveilleuses extases à une curiosité importune, mais il rend les autres également invisibles pour les soustraire à une justice trop sévère qui est déjà sur leurs traces. »
« Ce n'est pas tout. Des preuves plus magnifiques et plus solennelles viennent confirmer ces dons extraordinaires, en sorte qu'on peut lui appliquer la noble image dont s'est servi saint Chrysostome en parlant de saint Paul : « Son zèle, a-t-il dit, lui prêta des ailes pour courir d'un bout du monde à l'autre : quasi pennatus totum peragravit orbem. »
« Les chrétiens étaient alors cruellement persécutés par les musulmans en Afrique, et par les idolâtres dans les Moluques et au Japon. Martin, brûlant du saint désir de partager les tourments et les couronnes de tant de martyrs, prie et supplie instamment qu'il lui soit accordé de passer dans ces pays sauvages. Mais Dieu, laissant à Martin comme à saint Philippe de Néri, qui, dans le même temps, se consumait à Rome des mêmes désirs, tout le mérite d'une oblation si généreuse, lui fait entendre par la voie des supérieurs que sa mission est de faire connaître et de propager la vraie foi dans son pays natal, et non de la confirmer parle témoignage de son sang chez les nations étrangères. Eh bien donc, Martin, ne pouvant s'y rendre à la manière des hommes, s'y transporte à la façon de l'ange ; et, se multipliant lui-même, on le retrouve, dans le même moment, aux extrémités opposées du monde. Sans quitter le Pérou, il se fait voir sur les côtes de Barbarie et aux confins de l'Asie, nourrissant les pauvres, soignant les malades, catéchisant les néophytes, consolant les esclaves, affermissant les irrésolus, encourageant les martyrs, les soutenant et les assistant au milieu des horreurs de leurs supplices. »
« En vain cherche-t-il, dans l'intérêt de son humilité, à tenir cachés ces prodiges de sa charité et de son zèle. Dieu, dans l'intérêt de la gloire de sa foi, manifeste ces merveilles de sa puissance et de sa bonté, en ordonnant que ceux qui les ont vues et les attestent publiquement se trouvent réunis à Lima. Celui-ci affirme avoir été guéri, en France, de corps et d'esprit par Martin ; celui-là assure avoir reçu de lui des consolations, et déclare lui devoir sa délivrance de l'esclavage à Alger ; d'autres jurent de l'avoir vu et entendu instruire les chrétiens, assister les martyrs au Japon, dans les Moluques et en Chine ! Tous le reconnaissent, le montrent, le proclament un ange mystérieux qui a parcouru l'Afrique, l'Asie, l'Europe, sans avoir jamais quitté l'Amérique. »
« Mais quel besoin ont les Péruviens de recourir aux témoignages des étrangers, quand ils ont sous les yeux ceux de leurs compatriotes ? Et pourquoi donc l'appellent-ils eux-mêmes habituellement “l'esprit, ou le frère qui vole”, si ce n'est parce que des tribus et des peuples entiers l'ont vu souvent assis sur un char de feu, comme Élie, ayant au front une croix mystérieuse entourée de splendeurs célestes, se promener dans les airs, traverser des royaumes, et parcourir le monde ? Quasi pennatus totum peragravit orbem (Panégyrique de Martin Porrès, par le P. Ventura, traduit par A. d'Avrinville, Paris, 1863, p. 65 à 70. — La Vie des Saints, des Bollandistes ; Acta sanctorum, ouvrage de la plus philosophique critique, chef-d'œuvre qui ne pèche que par son excessive et souvent injuste rigueur contre les miracles qu'il discute, est rempli de faits semblables, admis par l'Église dans les actes de canonisation) . »
Les prodiges de la bilocation étaient connus des idolâtres de l'antiquité ; plusieurs sont devenus classiques, et Tacite lui-même, ce rigide et véridique historien, nous raconte celui qui va suivre: Vespasien, venant d'opérer deux guérisons merveilleuses au nom de Sérapis, sent redoubler en lui « le désir de visiter le séjour sacré du dieu, pour le consulter au sujet de l'empire. Il ordonne que le temple soit fermé à tout le monde. Entré lui-même, et tout entier à ce que va prononcer l'oracle, il aperçoit derrière lui un des principaux Égyptiens, nommé Basilide, qu'il sait être retenu malade à plusieurs journées d'Alexandrie. Il s'informe des prêtres si Basilide est venu ce jour-là dans le temple ; mieux encore, il envoie des hommes à cheval et s'assure que, dans ce moment-là même, ce personnage était à quatre-vingts milles de distance.... Alors il ne doute plus ; la vision doit être surnaturelle : » Basileus signifie roi, souverain ; l'apparition de celui qui se nomme Basilide signifie qu'il va s'élever à l'Empire !
Mais l'époque actuelle ne le cède en fécondité sur ce point à aucune de celles qui l'ont précédée ; et ce sont les adversaires mêmes du catholicisme qui nous offrent nos premiers exemples. Acceptons des mains de sir Robert Dale Owen ceux qu'il nous plaît de choisir. Sir Robert était ambassadeur à Naples de la république des États-Unis. — En 1845, nous dit ce diplomate, existait en Livonie le pensionnat de Neuwelcke, à douze lieues de Riga et une demi-lieue de Wolmar. — Là se trouvaient quarante-deux pensionnaires, la plupart de familles nobles ; et, parmi les sous-maîtresses, figurait Émilie Sagée, Française d'origine, âgée de trente-deux ans, de bonne santé, mais nerveuse, et de conduite méritant tous éloges.
Peu de semaines après son arrivée, on remarqua que quand une pensionnaire disait l'avoir vue dans un endroit, souvent une autre affirmait qu'elle était à une place différente. — Un jour, les jeunes filles virent tout à coup deux Émilie Sagée exactement semblables, et faisant les mêmes gestes ; l'une, cependant, tenait à la main un crayon de craie, et l'autre non.
Peu de temps après, Antonie de Wrangel faisant sa toilette, Émilie lui agrafa sa robe par-derrière ; la jeune fille vit dans un miroir, en se retournant, deux Émilie agrafant ses vêtements, et s'évanouit de peur (Effet nullement optique, voir la suite).
Quelquefois, aux repas, la double figure paraissait debout, derrière la chaise de la sous-maîtresse, et imitait les mouvements qu'elle faisait pour manger ; mais ses mains ne tenaient ni couteau ni fourchette. Cependant la substance dédoublée ne semblait imiter qu'accidentellement la personne réelle ; et quelquefois, lorsque Émilie se levait de sa chaise, l'être dédoublé paraissait y être assis !
Une fois, Émilie étant souffrante et alitée, mademoiselle de Wrangel lui faisait la lecture. Tout à coup la sous-maîtresse devint roide, pâle, et parut près de s'évanouir. La jeune élève lui demandant si elle se trouvait plus mal, elle répondit négativement, mais d'une voix faible. Quelques secondes après, mademoiselle de Wrangel vit très-distinctement le double d'Émilie se promener çà et là dans l'appartement.
Mais voici le plus remarquable exemple de bicorporéité que l'on ait observé chez la merveilleuse sous-maîtresse : « Un jour, les quarante-deux pensionnaires brodaient dans une même salle, au rez-de-chaussée, et quatre portes vitrées de cette salle donnaient sur le jardin. Elles voyaient dans ce jardin Émilie cueillant des fleurs, lorsque tout à coup sa figure parut installée dans un fauteuil devenu vacant. Les pensionnaires regardèrent immédiatement dans le jardin, et continuèrent d'y voir Émilie ; mais elles observèrent la lenteur de sa locomotion et son air de souffrance ; elle était comme assoupie et épuisée. Deux des plus hardies s'approchèrent du double, et essayèrent de le toucher ; elles sentirent une légère résistance, qu'elles comparèrent à celle de quelque objet en mousseline ou en crêpe. L'une d'elles passa au travers d'une partie de la figure ; et, après que la pensionnaire eut passé, l'apparence resta la même quelques instants encore, puis disparut enfin, mais graduellement... Ce phénomène se reproduisit de différentes manières aussi longtemps qu'Émilie occupa son emploi, c'est-à-dire en 1845 et 1846, pendant le laps d'une année et demie ; mais il y eut des intermittences d'une à plusieurs semaines. On remarqua d'ailleurs que plus le double était distinct et d'une apparence matérielle, plus la personne réellement matérielle était gênée, souffrante et languissante ; lorsque, au contraire, l'apparence du double s'affaiblissait, on voyait la patiente reprendre ses forces. Émilie, du reste, n'avait aucune conscience de ce dédoublement et ne l'apprenait que par ouï-dire. Jamais elle n'a vu ce double ; jamais elle n'a soupçonné l'état dans lequel il la jetait... Ce phénomène ayant inquiété les parents, ceux-ci rappelèrent leurs enfants, et l'institution s'écroula. »
Séduits par leurs vains et trompeurs systèmes, les adeptes de l'école spiriste désignent ces phénomènes tantôt par le mot bicorporéité, qui suppose en nous un double corps, et tantôt par les termes de dédoublement animique, indiquant qu'une de nos âmes est dépouillée d'une autre âme dont le tissu lui servait de doublure ! L'un de ces systèmes paraît repousser l'autre ; ou bien les deux ensemble ne concordent qu'à la condition de former du total humain le composé le plus bizarre d'âmes et de corps concentriques, disposés comme les tuniques d'un oignon. L'étude du principe vital, si honorablement accueillie en février 1864 par la Revue médicale française et étrangère, a fait bonne justice de cette fantasmagorie dans notre livre des Médiateurs, et nous y établissons cette vérité que, dans la personne humaine, il n'existe qu'une seule âme et un seul corps, ainsi que le professe la doctrine de l'Église. Combien d'explications absurdes, offertes par quelques-uns de nos savants, tombent et s'évanouissent devant cette simple étude qui ne laisse debout, pour rendre compte de ces phénomènes, que des Esprits bons ou mauvais, transportant ou représentant la personne humaine. Je soupçonne même assez fortement ces derniers de puiser vampiriquement dans notre sang et notre substance une partie au moins des vapeurs dont il leur arrive de fabriquer notre fantôme ; tandis que la science, bercée dans ses illusions, s'explique la faiblesse ou la souffrance de nos corps par l'arrachement d'un corps ou d'une âme fluidique, sans lesquels notre âme serait incomplète ! Le vampirisme magnétique de la Voyante de Prévorst nous a dit de quelle sorte les forces organiques de l'homme peuvent être sucées, ou pompées, par son éternel ennemi (Magie au dix-neuvième siècle, chap. xv).
Mais déjà nous avons énoncé qu'un nombre considérable de ces faits de double présence s'accomplissent de toute autre sorte que par la représentation de la personne absente, et ne constituent qu'une apparence de bilocation ; il est donc juste, de temps en temps, de ne s'expliquer ces phénomènes que par la prestidigitation diabolique, que par l'adresse et la rapidité des Esprits à déplacer, à replacer les corps, à les transporter à travers les champs de l'espace. Nous devons, en conséquence, rappeler au lecteur comment un objet peut soudain tomber sous nos regards, disparaître, et s'y replacer mille fois avec une vélocité qui se joue de nos forces visuelles tendues à suivre son vol. Nous rapporterons quelques exemples du transport de la personne humaine, dans notre travail encore inédit des sabbats objectifs, où leur présence est indispensable. Mais, observons-le bien et d'abord, soit que la force motrice qui se révèle dans ces actes opère sur un rat ou sur un éléphant, sur un enfant né d'hier ou sur une statue massive et colossale, le phénomène n'en reste pas moins égal à lui-même dans chacun de ces cas, au point de vue de la violation apparente des lois de la physique.
Cependant le fait de la translation aérienne des corps étant, et je ne saurais en dire le pourquoi, l'un des plus difficiles à établir dans la foi même de ceux que le surnaturel n'effarouche que légèrement, osons, afin de vaincre une fois pour toutes, et chez les catholiques au moins, cette disposition réfractaire des croyances, osons donner, sous forme d'épisode, l'un des exemples les plus énormes, mais aussi les plus irréfutables de ces merveilleux transports.... Nos âmes y trouveront, je l'espère, un instant de rafraîchissement et de douceur.
En l'an de grâce 1291, les chrétiens voyaient leur puissance s'écrouler en Palestine ; et, de ces nobles contrées qu'ils avaient rachetées de leur sang, il ne leur restait plus que Saint-Jean-d'Acre. L'Angleterre et la Flandre se liguant contre la France, la chrétienté oubliait ses lointaines et admirables conquêtes, ou plutôt ses justes et tardives reprises sur la barbarie musulmane.... Or, un beau jour, le 10 mai, sur le mont Terzato, en Dalmatie, et à dix milles de Fiume, des bûcherons contemplèrent avec stupeur un vieil et petit édifice posé dans un pré dont, la veille encore, ils avaient parcouru la surface complètement déserte et nue. « La surprise s'accrut lorsqu'on entendit quelques personnes du voisinage assurer qu'elles avaient vu cette maison suspendue en l'air avant de s'arrêter sur la hauteur (semblable à d'immenses aérolithes que l'on vit descendre, rester en suspension et remonter ! Voir chapitre ci-dessus. — Tiré surtout des Instructions historiques, dogmatiques et morales sur les principales fêtes de l'Église, t. III, Paris, 1850, in-12, p. 395, etc.). » Ni les matériaux ni la forme de cet édicule n'appartenaient au pays. Il était long de quarante pieds, haut de vingt-cinq, et n'en mesurait que vingt de largeur. Au milieu s'élevait un autel, et dans le fond figurait une statue de cèdre de la Sainte Vierge et de l'Enfant Jésus, brunie par le temps et par la fumée des cierges. — Un pèlerinage s'y organisa promptement, et la foule y grossit chaque jour... De temps en temps, dans le silence, on y entendait des symphonies angéliques, s'exhalant du sein des airs Alexandre, évêque de Tërzato, gravement malade et presque sans espérance de guérison, a conçu le dessein de contempler de ses yeux le prodige ; et tandis qu'il se livre à cette pensée, la Sainte Vierge lui apparaît. Elle lui dit que l'édicule nouvellement arrivé dans le pays est la maison de Nazareth, où elle a pris naissance, où elle a conçu le Verbe par l'opération du Saint-Esprit. Et, pour témoigner de la réalité de son apparition, la Mère de Dieu rend à l'instant au prélat la santé la plus parfaite. On ne saurait se figurer la joie du peuple de voir à la fois son pasteur subitement guéri d'une maladie mortelle, et de lui entendre affirmer l'excellence du sanctuaire dont les anges viennent de doter la Dalmatie. Sur ces entrefaites, des prisonniers chrétiens abordent à un port de l'Adriatique, et, revenant de la Palestine, racontent que le matin du 10 mai 1291, c'est-à-dire le jour où le miraculeux édifice s'était abattu sur le mont Terzato , l'étonnement et l'effroi des gens de Nazareth avaient été sans bornes ; car la maison de la vierge Marie y avait subitement disparu, sans que rien absolument restât de la partie attenante à la grotte, si ce n'est les fondations rasées au niveau du sol. Ceux de ces prisonniers auxquels la vue de l'édifice était familière, guidés parle bruit de cette merveilleuse translation, se rendent en toute hâte au lieu sur lequel il s'était posé, et portent un témoignage public de la parfaite identité de cette relique précieuse.
Cependant, malgré la surabondance et l'excellence des preuves, auxquelles s’ajoutaient les faveurs insignes obtenues dans ce sanctuaire, l'esprit humain, dans sa faiblesse non moins insigne, se sentait tellement épouvanté de ces merveilles, que le doute et l'incrédulité régnaient encore presque de toutes parts. Dieu sembla dès lors vouloir, par trois répétitions nouvelles du même prodige, vaincre les résistances les plus tenaces.
Le 10 décembre 1294, l'édicule de Nazareth disparut donc tout à coup du mont Terzato, et fut instantanément transporté près de Recanati, au cœur d'une forêt de lauriers, dans le domaine d'une veuve du nom de Lorette.
Mêmes doutes, même incrédulité régnèrent, malgré ce nouveau transport aérien au-dessus des Ilots de l'Adriatique, malgré les témoins du transport et de la miraculeuse lumière qui enveloppa la sainte maison dans son trajet.... Aussi, le volage édicule, si l'on me passe accidentellement ce terme, obéissant à la pensée fixe et divine qui voulait que les chrétiens crussent d'une foi ferme à la réalité du trésor dont les messagers angéliques venaient de doter l'Italie, fut-il transporté derechef, après huit mois de repos, sur une Colline appartenant à deux frères : ce troisième trajet n'avait été que d'un mille ! Mais les deux frères s’étant disputé la possession de la précieuse et opime relique, elle se transporta, quatre mois après, à quelques pas du domaine où elle avait porté la guerre, et s'arrêta sur le milieu d'un chemin public. Elle y séjourne depuis cette époque.
Nous ne nous fatiguerons point à redire la quantité d'enquêtes de toute nature et de confirmations papales qui se rattachent à ce miracle insigne et multiple (diverses commissions d'enquêtes furent itérativement envoyées en Galilée. Les commissaires et contre-commissaires reconnurent l'existence des rapports les plus précis entre les dimensions et les matériaux de l'édicule, et les fondations de Nazareth. « On eût pu croire que la maison avait été enlevée de sa base comme si on l'en eût séparée avec un rasoir. » Ces commissions opérèrent avec une extrême vigueur. On avait cru remarquer un certain rapport entre les briques de la Marche d'Ancône et les matériaux de la sainte maison. Jean de Vienne, membre de l'une de ces commissions, rapporta de Nazareth des pierres de la nature de celles dont la plupart des maisons du pays sont construites. Tirées par couches des carrières, ces pierres de couleur rougeâtre, traversées par des veines jaunes, ont l'apparence de la brique. — Et, pour ma part, lorsqu'il y a quelques années je visitai ce sanctuaire, j'y fus trompé par mon premier coup d'œil. — De retour à Lorette avec ses collègues, Jean compara les pierres de Nazareth avec celles de la sainte chapelle, et les trouva d'une similitude parfaite. On explora les carrières de la Marche d'Ancône sans y découvrir de pareilles pierres, et l'on ne put en trouver davantage dans les édifices du pays, quoique plusieurs anciennes maisons y fussent construites en briques. Ce fait important fut confirmé depuis par plusieurs savants personnages, qui se sont assurés, par de nouvelles observations, que la sainte maison de Lorette n'était pas construite en briques. — Ib., Instruct., p. 398, 407-8-9, etc., 418, etc., 439, etc.). Contentons-nous de rappeler, non point le nom des souverains pontifes qui, dès la première vérification du prodige, honorèrent le sanctuaire de Lorette, mais l'empressement avec lequel la plupart d'entre eux se firent gloire d'enchérir sur leurs prédécesseurs. À peine, en effet, s'en trouve-t-il quelques-uns, depuis un laps de plus de cinq cents ans, qui n'aient donné quelque témoignage de leur dévotion particulière pour ce saint lieu ; et Sixte-Quint, pour sa part, après avoir ajouté de nouvelles décorations à celles dont les papes antérieurs avaient enrichi l'église élevée au-dessus du saint édicule, y fit graver en lettres d'or, sur un marbre noir, cet acte de foi et de raison PHILOSOPHIQUE : — Deiparoe domus, in qua Verbum caro factum est ; c'est-à-dire maison de la Mère de Dieu, où le Verbe s'est fait chair.
Mais peu de résumés jettent un jour d'évidence plus vif et plus chaud sur la foi publique et papale au miracle du transport aérien de la maison virginale, que celui du pape Léon X, ce souverain pontife dont un siècle si cher aux philosophes de nos jours adopta le nom comme lin titré de gloire.
« Parmi tous les sanctuaires élevés dans l'Église en l'honneur de l'auguste Mère de Dieu, dit le pape Léon X, la dévotion n'a qu'une voix et qu'un sentiment pour mettre au premier rang le sanctuaire de Lorette, que la renommée et la piété des peuples ont rendu si célèbre. En effet ; la bienheureuse Vierge, comme il est prouvé par les témoignages les plus dignes de foi, ayant daigné, par un effet de la volonté divine, transporter de Nazareth son image et sa maison, les déposer d'abord près de Fiume, ville de Dalmatie, puis au territoire de Recanati, dans un lieu couvert de bois, puis encore sur une colline appartenant à des personnes particulières, puis enfin au milieu de la voie publique, dans le lieu qu'elles occupent aujourd'hui, et où elles ont été placées par la main des anges, les merveilles continuelles et sans nombre que le Tout-Puissant y opère par l'intercession de l'auguste Vierge, ont déterminé plusieurs pontifes romains, nos prédécesseurs, à accorder à l'église de Lorette d'insignes faveurs spirituelles, etc.. »
« Un décret de la congrégation des Rites, du mois de novembre 1632, sous le pontificat d'Urbain VIII, ordonne de célébrer la fête de la translation non seulement dans l'église de Lorette, mais dans toute la province de la Marche.
Puis un nouveau décret de la même congrégation, du 31 août 1669, sous le pontificat de Clément IX, veut que l'on consigne dans le martyrologe romain l'indication du même prodige en ces termes : « A Lorette, dans le Picénum, translation de la maison de Marie, Mère de Dieu, dans laquelle le Verbe s'est fait chair. » Enfin, pour donner un plus grand éclat à cette fête, le pape Innocent XII , après un nouvel et sévère examen du fait de la translation, voulut assigner un office et une messe propres à cette auguste solennité. Voici le texte même de cette leçon : « La maison où Marie vit le jour, et qui a été consacrée par l'incarnation du Verbe, fut transportée du pays des infidèles d'abord en Dalmatie, puis à Lorette dans le Picénum, sous le pontificat de Célestin V. Les témoignages des souverains pontifes, la Vénération de l'univers chrétien, les miracles qui s'opèrent continuellement dans cette sainte maison ; les grâces singulières dont Dieu se plaît à combler les fidèles qui la visitent, ne permettent pas de douter que ce ne soit la même où le Verbe s'est fait chair, et a habité parmi nous... »
Mais « à l'autorité des souverains pontifes, nous pouvons joindre celle d'une foule de savants écrivains et de critiques judicieux qui, jusque dans ces derniers temps », — et dans ces dernières époques surtout, — « n'ont point fait difficulté d'admettre comme certain le fait miraculeux de la translation. Parmi les historiens de Lorette, Angélita, Riera, Tursellin, Murcorelli, et plusieurs autres indiqués dans le cours de cette dissertation, citent à l'appui de leur récit une foule de monuments que la critique même la plus sévère est obligée de respecter. Baronius, Raynaldi, Sponde, les Bollandistes, le P. Noël Alexandre, Théophile Raynaud, Honoré de Sainte-Marie, Muratori, Gretser, Benoît XIV, Dominique Mansi et tant d'autres scrutateurs forment une pléiade de critiques assez imposante pour autoriser un sentiment qu'ils n'ont admis qu'après le plus sérieux examen.
Entre ceux-ci figure d'ailleurs le célèbre Érasme, si connu par la hardiesse de ses opinions théologiques et l'étroitesse de ses liaisons avec les premiers réformateurs. Or, ce même Érasme, — cet ami des fondateurs du protestantisme, — est l'auteur de la première messe composée en l'honneur de Notre-Dame de Lorette. » Il ne sera point inutile de rappeler que « la plupart de ces témoignages ont été recueillis par le contemporain de Voltaire, par le pape Benoît XIV, dans une dissertation spéciale, excellent résumé de ce qui fut écrit sur ce point par une foule de savants auteurs (Inst., ibid., p. 455, etc. — Après avoir rapporté cet acte de l'un des hommes qui, par la profondeur de leur science et les splendeurs de leurs lumières, ont répandu le plus vif éclat sur le trône pontifical, il est juste et essentiel d'ajouter qu'un petit nombre de gens contestèrent cet incontestable miracle. Lire dans Instructions, p. 455, la pauvreté des motifs et la rétractation positive ou virtuelle des contradicteurs) ».
De ces nombreux témoignages et de toutes les raisons que nous venons d'exposer, il nous reste donc « à conclure que le fait de la translation de la sainte maison de Lorette est établi par des preuves solides et irrécusables pour un esprit droit et sans préjugés ; et que si ce miracle est un des plus extraordinaires dont il soit fait mention dans les annales de l'Église, il est aussi l'un des mieux attestés aux yeux de la saine critique. »
Nous voulons cependant « remarquer, avec Benoît XIV et plusieurs autres savants auteurs, que ce prodige, ainsi qu'un grand nombre d'autres dont l'Église conserve précieusement la mémoire, ne doit pas être mis au même rang que les miracles qui servent de fondements à notre foi.
Outre que ces derniers sont contenus dans des livres écrits sous l'inspiration de l'Esprit-Saint, et reconnus pour divins par l'autorité infaillible de l'Église, ils font essentiellement partie du dépôt de la foi, et ne peuvent être révoqués en doute sans une impiété manifeste. »
De quelque splendeur d'évidence que brillent les autres prodiges, l'Église ne nous en impose point la croyance.
Ceux qui les nient, malgré les preuves et les certitudes radieuses qui les couvrent de lumière, méconnaissent et nient toute philosophie, toute loi de bon sens. Cependant, s'ils ne sont point coupables de mauvaise foi, plaignons-les ; ce sont des pauvres d'esprit ; ce sont des infirmes dont l'Église a pitié, mais que, sans doute par cette raison même, elle ne rejette point de son sein. Puissent-ils s'apercevoir enfin et comprendre un jour qu'ils ne sauraient persévérer dans cette incroyance réfléchie « sans blesser les règles d'une sage critique, ni même sans blesser le respect dû à l'Église et au Saint-Siège, lorsque le Saint-Siège et l'Église autorisent une croyance par leur enseignement et leur conduite ».
En un mot, refuser de croire ce que croit et ce que professe l'Église, lorsqu'il ne s'agit point d'un dogme reconnu, d'une croyance fondamentale du christianisme, voilà ce que l'Église souffre et tolère chez quiconque, conservant sa bonne foi dans son intégrité, s'abstient de mentir à l'évidence.
Ainsi laisse-t-elle se reproduire avec le plus solennel éclat cette miséricordieuse vérité : que la faiblesse d'esprit et la sottise de l'homme ne lui sont point imputés à péché mortel !
— Honte cependant, dans la maison et dans la vigne du père de famille, à ces protestants de seconde cuvée qui osent préférer leurs faibles et vacillantes lumières aux lumières indéfectibles de l'Église, leur pauvre et anile raison ne se rendant à l'autorité religieuse que lorsque celle-ci, leur appuyant la pointe de la condamnation sur la gorge, leur crie : Croire, ou l'enfer ! se rendre, ou mourir !
Enfin, qu'il nous soit permis de terminer ce merveilleux épisode en transcrivant, tel qu'il nous est transmis, le paragraphe suivant de la correspondance de Rome : « Si nous pouvions ajouter foi à des prédictions émanant de personnes recommandables, Lorette ne serait pas la station définitive de la sainte maison de Nazareth. Après avoir été transportée de Palestine en Dalmatie et ensuite à Lorette , la sainte maison serait destinée à être transférée de nouveau jusqu'à Rome, auprès de Sainte-Marie-Majeure, où les chanoines de Lorette apporteraient ensuite le trésor, comme pour confirmer l'authenticité de l'événement. On comprend que nous ne pouvons mentionner de telles prédictions qu'en faisant les réserves requises, bien qu'elles émanent d'une source respectable sous tous les rapports (Le Monde, février 1864). »
Voici donc, et d'un bout à l'autre du monde chrétien, le fait d'une translation aérienne bien magnifiquement établi ; et ce n'est point de l'enlèvement d'un fétu qu'il s'agit, ni du transport d'un guéridon à quelques mètres de distance, ou de la suspension momentanée de la fluette personne du médium Home dans un milieu aérien. Sans que le poids de l'objet importe, il s'agit du transport en pleine lumière d'une masse énorme, c'est-à-dire de quatre pans de muraille, ou d'une maison de pierre ! Il s'agit d'un édifice arraché du sein des montagnes de la Galilée, et délicatement, artistement déposé à des centaines de lieues de distance, sur le sol des Dalmates, pour reprendre à trois reprises son vol jusqu'à la dernière étape qui le pose sur la butte pittoresque de Lorette, entre un splendide écartement des croupes de l'Apennin et le scintillant azur des flots de l'Adriatique.
Hélas ! ces lieux si pacifiques lorsque j'en visitai le sanctuaire ; ces lieux témoins naguère du dévouement de l'armée romaine, témoins de l'héroïsme de ces zouaves, de ces guides pontificaux, de ces nobles de naissance et de cœur que les châteaux et les chaumières de la France et de la Belgique avaient offerts en tribut à l'Église, et dont la Révolution, gueule béante, convoitait le sang ; ces lieux, ces champs ont appris du héros qui devait bombarder Ancône silencieuse ce que c'est que le carnage !
Mais il ne saurait être question dans ces pages de ces transports au cerveau dont le mal épidémique ravage accidentellement le monde social, et nous ne devons nous préoccuper pour le moment que du transport matériel des corps au travers des immensités de l'espace. Or, le fait de ces transports étant dégagé de tous les nuages du doute, qui n'en voudra rechercher la cause ? Et cette cause recherchée se trouvera-t-elle être naturelle ? — Oh non, puisque les lois de la nature reçoivent du détail et de l'ensemble de ces phénomènes la plus énergique et flagrante violation. Il y a donc, au-dessus de ces faits, des causes surhumaines, et le monde chrétien, le monde simplement logique et le monde spirite seront ici d'une seule et même lèvre pour déclarer que cette cause, que ces moteurs, ce sont des Esprits. C'est par eux, c'est par ces ministres de miséricorde ou de terrible justice, que le Seigneur opère les prodiges. Telle est la foi de l'Église ; telle fut celle de tous les peuples, basée sur les longues observations de l'expérience et de la critique. Et que sont, après tout, la masse d'une maison ou la masse d'une ville entière, devant la puissance des anges de gloire, ou seulement des anges déchus ?... Nous plairait-il de ne jeter les yeux que sur les facultés restreintes de ces deniers ? Eh bien, « si Dieu ne retenait leur puissance, nous les verrions agiter ce globe avec la même facilité que nous tournons une petite boule ! » Mais qui donc ose nous tenir ce langage ? Une bonne femme ? Une commère de village ? Non ; l'une des plus vigoureuses intelligences du monde philosophique et chrétien : Bossuet !... Et qu'est-ce en vérité que le poids d'un homme à côté du poids d'une maison ? Qu'est-ce qu'une maison à côté d'un monde ? Ne craignons point d'ailleurs de le rappeler, ce sont des Esprits qui roulent et gouvernent les mondes dans l'espace (Bossuet, 1er sermon sur les démons, premier point, p. 45, t. VIII, Paris, 1845, P. Mellier ; et le dernier chap. de mon livre des Médiateurs et moyens de la magie) !... Cependant, du fait capital et immense de Lorette, hâtons-nous de descendre vers un fait relativement minime, mais que nous ne jugeons point inutile à nous expliquer les difficultés de notre sujet. La nécessité d'être bref nous oblige, en l'esquissant, à sacrifier d'innombrables détails du plus haut intérêt, mais étrangers à la question qui s'agite.
Au mois d'octobre de l'an 1835, M. l'abbé Langlois, curé de Prunay-sous-Ablis, Seine-et-Oise et diocèse de Versailles, fut tout à coup harcelé, molesté, persécuté dans sa maison curiale, et ses persécuteurs restèrent invisibles. Fermant avec un soin tout particulier la porte de la chambre étroite et longue qu'il occupait, et s'armant de toutes les précautions imaginables contre la ruse, M. Langlois, tantôt seul et tantôt environné de témoins, voyait à chaque instant tomber à ses pieds des volées de cailloux, lancées de l'intérieur même de cette chambre, contre la fenêtre unique qui l'éclaire. On regardait à terre, et surtout à l'endroit d'où se succédaient ces éruptions de projectiles ; mais, apercevoir le moindre objet ou la moindre ouverture était impossible ! Les carreaux de la fenêtre retentissaient de ce choc ; et, chose vraiment étrange, nulle de ces pierres ne brisait une vitre.
Quelquefois même plusieurs personnes, appliquant à la fois leurs mains sur ces carreaux, y écartaient leurs doigts en forme de treillis. Eh bien, ces railleuses et déconcertantes volées de cailloux frappaient alors les intervalles découverts, sans qu'une parcelle, manquant son but, effleurât seulement les mains provocatrices.
M. l'abbé Hacquart, l'un des témoins assidus de ces molestations fréquentes et variées, était alors curé d'Ablis. Il s'attachait sans bruit à soutenir le courage harassé de son confrère et très proche voisin, M. le curé de Prunay. Mais, sans prendre le moindre souci de sa présence, et sans témoigner le plus faible respect aux autres visiteurs, les invisibles ne cessaient de poursuivre et de molester les deux amis, en quelque pièce du presbytère qu'ils eussent l'idée de se retrancher.
Un beau jour, perdant patience à la vue de cette grêle, de ce refrain monotone de pierres sans cesse battant les vitres, M. l'abbé Hacquart s'écria comme par surprise, et sans attacher aucun sens à ses paroles : « Au moins, si ce possédé nous envoyait de l'argent ! et, sur-le-champ, à l'instant même, quelques poignées de liards et de monnaie de cuivre, lancées avec force contre la croisée, venaient retomber à leurs pieds. » On en ramassa pour une somme de plus de cinq francs. Les fées jadis étaient moins promptes à réaliser nos souhaits (Ligne parallèle : I.-F. de Mendoze, dépouillé par des corsaires, s'adresse à saint François Xavier et lui demande quelque secours. Le saint n'a jamais un sou vaillant, mais la Providence est sa richesse. Il fouille dans sa poche et n'y trouve rien ; il sait sa misère et la fait voir. Cependant il adresse une prière à Dieu, fouille de nouveau et retire de cette même poche cinquante pièces de l'or le plus fin. Vie du saint, par le P. Bouhours, v. I, p. 155-6). »
L'invisible démon de céans suggérait-il au bon curé de demander la monnaie qu'il se tenait prêt à lancer ? Ou bien encore, la pensée du bon curé venant à se formuler, le lutin ramassait-il, en un clin d'œil, une poignée de cette vulgaire monnaie, et la faisait-il apparaître comme s'il l'eût tirée du néant ? La simple raison et la théologie tiennent ces deux explications pour être également admissibles. Mais, à quoi bon rapporter cet ordre de faits ? À quoi bon ? Il faut le redire : c'est afin de confirmer et d'expliquer certains phénomènes relatifs à cette sorte de bilocation trompeuse qui ne s'opère que par le transport impétueux et le retour des corps. C'est afin de nous rendre compte de ces tours d'adresse diaboliques, lorsqu'ils sont semblables à ceux que nous décrivait tout à l'heure un père du concile de Trente, l'archevêque Olaüs ; semblables à ceux que nous rencontrons dans les arrêts de notre magistrature antique, ou dans les pages les plus récentes du spiritualisme magnétique, que nous offrent des témoins encore pleins de sens et de vie.
Ainsi, par exemple, sans que l'âme des Lapons, ou des Finlandais endormis, eût besoin de voyager ; sans qu'elle eût besoin de franchir l'espace et de rapporter un anneau, un signe matériel de ses prétendues excursions, le démon qui transporte les corps au sabbat, pu ailleurs, avec la rapidité des poignées de pierres ou de monnaie de M. le curé d'Ablis, remplaçait avec une singulière aisance par ses propres voyages le voyage que ces naïfs adeptes attribuaient à leur âme ! Prenant pour premières dupes ces pauvres Lapons, plongés dans la torpeur du sommeil magique, il lui suffisait, pour créer en eux l'illusion dont ils se faisaient ensuite les propagateurs, de peindre en vives couleurs dans leur esprit ce que lui-même il avait vu s'accomplir au loin. Ce rêve inspiré, joint au gage que son adresse de faiseur de tours leur plaçait aux mains, ne les pénétrait que trop facilement de la pensée que leur propre esprit était l'unique et le direct agent de ce transport !
Et si le démon qui les étourdit et les frappe de l'insensibilité magnétique use de son adresse pour leur mettre en mains les objets qu'il apporte avec la foudroyante et silencieuse rapidité des pierres de Prunay, ne pourrait-il tout aussi bien les transporter en corps et en âme, et les ramener au point de départ ? Ne pourrait-il les mouvoir avec une volonté prestigieuse, analogue par ses effets optiques à ceux de la braise ardente que fait tournoyer une fronde rapide traçant à l'œil un cercle de feu ? La braise en ignition n'occupe à la fois qu'un point unique de ce cercle, voilà le fait ! Cependant, pour l'œil le plus vif, elle est partout, et le cercle entier c'est elle-même ! Le point du cercle qu'elle occupe ne semble ni plus ni moins la posséder que ceux où son absence est certaine. L'absence de cette braise est donc aussi insaisissable que positive sur mille points à la fois ! Et pourtant, l'œil affirme sa présence simultanée sur mille points où sa présence est impossible, puisqu'elle ne peut en occuper à la fois qu'un seul.
Tel est le cercle dans lequel il m'importait d'enfermer mon lecteur, afin de le forcer à saisir, dans la plus restreinte des limites, la possibilité de cette présence apparente, ou de cette absence inaperçue d'un objet ; phénomène qui s'opère lorsque le grand et puissant artisan des prestidigitations et des prodiges antidivins, manie, manœuvre, emporte un corps avec sa vélocité fulgurante et nous le fait voir comme présent à la fois en deux localités que sépare un intervalle dont le jugement humain aurait peine à fixer la limite.
En accordant à ces corps transportés quelques instants de repos, le temps d'être clairement perçus sur un point donné, tandis que les témoins qui les contemplent ailleurs avec négligence se figurent ne cesser de les voir, le démon ne les fait-il point voler assez rapidement dans l'espace pour tromper avec facilité son monde, grâce à cette vélocité naturelle aux esprits, que n'imitera jamais le boulet chassé par le salpêtre, et qui se jouera de l'œil humain, déjà peut-être fasciné par leur art !
Comment alors ces voyages aériens, comment ces transports et ces retours, tantôt inaperçus et tantôt visibles, ne deviendraient-ils point pour le commun des hommes une source abondante d'illusions et d'erreurs ? Au coup de midi, mes amis et moi nous avons vu cet homme que voici ; sa main a touché les nôtres, ses paroles se sont échangées contre nos paroles, et nous nous sommes tranquillement quittés. Cependant quelques jours se sont écoulés, et des gens dignes de toute créance, surpris de nous entendre énoncer ce fait, se lèvent et s'écrient : Erreur ! erreur ! ou vous nous raillez ; car, à cette même date, au coup méridien de l'Angelus, nous avons vu ce même homme à cent lieues d'ici ! Sa main nous a touchés aussi, et la parole de sa bouche répondit à la nôtre ! — Eh bien, la vélocité des transports opérés par des esprits ne peut-elle être la clef de cette énigme ? Et de tels faits, explicables d'ailleurs par la représentation angélique ou démoniaque de l'homme aperçu, ne deviennent-ils point une seconde fois intelligibles devant le témoignage de l'archevêque Olaüs et de MM. les curés d'Ablis et de Prunay, devant des milliers d'incidents semblables et magnifiquement attestés par des myriades d'excellents témoins ; devant enfin la parole de l'Église, nommant du nom d'ange l'invisible qui transporte en un clin d'œil le prophète Habacuc de Judée à Babylone et de Babylone en Judée (Daniel, chap. xiv, 35, 38. L'esprit transporteur protège donc ces transportés contre les effets mortels de ces impétueux trajets !) ? Grâce à l'acte de ces esprits à vitesse de foudre, la vélocité du transport peut donc rendre présent un homme sur deux points éloignés et en deux instants si proches l'un de l'autre qu'ils se confondent !
Mais que, pour en finir, l'attention du lecteur s'arrête surtout sur ces paroles : « Tous les êtres matériels, — les corps célestes eux-mêmes, — sont régis par les anges. Et ce sentiment est soutenu non seulement par tous les docteurs de l'Église, mais encore par tous les philosophes qui ont admis l'existence des êtres spirituels (1re p., q. cx, art. 1, etc., Somme, saint Thomas). » Si donc la plus furibonde rapidité du boulet n'est que lenteur de tortue à côté de l'incroyable vitesse des astres que les puissances angéliques roulent dans l'espace, par quels prestiges de vélocité les démons qui se mêlent de transporter les corps ne pourront-ils point égarer et illusionner nos regards ! Ne leur sera-ce point un jeu, vingt fois en une minute, de les transporter à cent lieues de distance, et de les rendre chaque fois et comme en même temps visibles en chacun de ces deux points extrêmes ?


CONCLUSION

Arrivés que nous sommes aux confins de ce chapitre, et résumant l'explication des exemples qui se sont pressés dans nos pages, ne craignons donc point de nous répéter en signalant d'un mot les vérités qui resteront debout après le passage des autorités que notre plume a mises en ligne : Non, l'âme de l'homme vivant ne saurait ni voyager sans son corps, ni se charger du corps et l'emporter dans un voyage aérien. À l'instant même où l'âme se sépare du corps, ne fût-ce que le laps d'une seconde, il y a mort.
Rapatrier ce corps et cette âme, les réunir, ce serait opérer une résurrection ; ce serait accomplir un vrai miracle, un miracle de premier ordre !
Défense donc à l'âme d'un vivant de voyager, selon la croyance des Lapons d'Olaüs, sous la conduite d'un démon qui la pilote dans l'espace.
L'âme éclairée par un esprit à qui elle lasche le nœud, selon l'expression de Plutarque, ou bien encore l'âme à qui le nœud serait lâché pour se livrer à de lointains voyages, ce n'est qu'un rêve ! Sinon, que serait donc le fil de ce nœud ? Ne serait-ce point un fil magnétique, ou odyle, c'est-à-dire formé d'un fluide à part et tout spécial, mais dont nous avons démontré que l'existence est une pure et misérable chimère, une complète illusion. Ce serait un filet de cet esprit nervique dont les Voyants et leurs dupes affirment que s'enveloppe l'âme lorsqu'elle se dégage du corps. En d'autres termes, ou sous un autre aspect et selon les propres expressions de Bodin et de Görres, ce serait admettre la substance d'une âme secondaire et vitale ; or, jamais eh nous n'exista ce produit de l'imagination que forgèrent d'antiques et dangereux novateurs. Non, non ; cette âme, ce système, ce principe vital, quelques sueurs généreuses que versent quelques-uns de nos plus éminents docteurs pour les ressusciter et les glorifier, c'est moins que fumée, ce n'est que néant ! Le prétendu voyage animique n'est donc qu'un mirage réel, qu'une transmission spirite des choses, une réverbération des faits opérée dans le miroir imaginatif de notre âme par l'action d'un être libre et spirituel, d'un esprit bon où mauvais.
Et quant au phénomène objectif et matériel d'où résulte dans les faits de bilocation la vue réelle ou le contact des corps, l'expérience et la raison l'expliquent ou par la prestigieuse célérité du transport, c'est- à -dire par un effet de prestidigitation diabolique, ou par le jeu de fantômes formés à l'imitation de nos personnes par les anges de lumière ou de ténèbres, habiles à les animer et à les mouvoir.
Pour le moment, ces deux explications nous semblent suffisantes et claires. Ce sont des fils conducteurs que nous devons nous garder de perdre ; car, sans leur secours il y a danger de s'égarer à chaque pas, et surtout dans les labyrinthes où tout à l'heure nous allons poursuivre l'esprit de mensonge.






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