mercredi 24 avril 2019

Comment saint François guérit un lépreux de l'âme et du corps ; parole que l'âme de ce lépreux lui adressa en montant au Ciel




Le véritable serviteur de Jésus-Christ, saint François, tant qu'il vécut dans cette misérable vie, s'appliqua de tous ses efforts à imiter le Christ, son parfait modèle ; et il arriva souvent que, pour l'en récompenser, au moment où il guérissait les corps des malades, Dieu rendait aussi la santé à leurs âmes, donnant ainsi à son serviteur un nouveau trait de ressemblance avec Jésus. Saint François ne se contentait pas de se mettre lui-même au service des lépreux (la lèpre, au moyen-âge, avait pris un caractère sacré aux yeux de l'Église et des fidèles : on la regardait généralement comme une marque toute spéciale de l'attention divine. Cette maladie mystérieuse et inaccessible à la science humaine était en vénération parmi les chrétiens d'alors. Les lépreux recevaient du peuple les noms les plus doux et les plus consolants. On les appelait les malades de Dieu, les chers pauvres de Dieu, les bonnes gens. On aimait à se rappeler que Jésus lui-même avait été désigné par l'Esprit-Saint comme un lépreux, qu'il avait choisi le lépreux Lazare pour symbole de l'âme élue, qu'il avait souvent pris lui-même cette forme pour apparaître à ses saints sur la terre. En outre, c'était par suite des pèlerinages en Terre-Sainte et des Croisades que la lèpre s'était le plus répandue en Europe, et cette origine ajoutait à son caractère sacré. Saint François voulait que ceux de ses frères qui n'avaient point d'étude ni de talent pour la prédication s'employassent au service des lépreux. Quand on demandait à entrer dans son Ordre, il ne manquait pas d'avertir les postulants qu'il faudrait servir les chers pauvres de Dieu, et il renvoyait ceux qui n'avaient pas le courage de se résoudre à un tel ministère. Il appelait aussi les lépreux les frères chrétiens, comme par excellence. — Voyez l'excellent ouvrage allemand de M. Clément Brentano sur les sœurs de la Charité. — Histoire de sainte Élisabeth, chap. XXIV. de M. de Montalembert. M. Chavin de Malan. chap. II. — P. Chalippe, liv. V.) ; il avait établi que les religieux de son Ordre devaient aussi, par tout et toujours, s'appliquer au soin de ces malheureux pour l'amour du Christ qui voulut bien être regardé comme un lépreux afin de nous sauver. Des frères se trouvant donc au service des malades dans un hôpital voisin du couvent où restait alors le Saint, ils y rencontrèrent un lépreux si impatient, si intraitable et si méchant, que chacun le croyait, ce qui était vrai d'ailleurs, possédé du démon. On l'entendait proférer les paroles les plus grossières, il frappait ceux qui le servaient, et il allait même jusqu'à blasphémer le Christ béni et sa très-sainte Mère, la vierge Marie ; enfin, c'était au point que l'on ne trouvait plus personne qui pût ou qui voulût le soigner. Les frères savaient bien supporter avec patience les injures et les insultes qui leur étaient adressées, ils étaient même heureux de trouver là un moyen d'accroître leur mérite ; mais ils ne pouvaient s'accoutumer aux blasphèmes qu'ils entendaient vomir contre le Christ et sa sainte Mère. Ils finirent donc par se déterminer à renoncer au service du lépreux, si saint François y consentait ; et, comme il se trouvait alors tout près de l'hôpital, ils lui firent aussitôt connaître le parti qu'ils désiraient prendre. À la nouvelle qu'il en reçut, le Saint vint lui-même trouver le malade ; il l'aborde, en le saluant par ces paroles : « Dieu vous donne la paix, mon très-cher frère. » — « Eh ! quelle paix peut-il me donner, répondit le lépreux, maintenant qu'il m'a privé de tout calme et de tout bien, maintenant qu'il a fait de mon corps un cadavre fétide et pourri ? » — « Ne désespérez pas, mon fils, reprit saint François ; si Dieu nous envoie ici bas les infirmités corporelles, c'est pour le salut de nos âmes. Oui, soyez-en sûr, ces tribulations sont pour nous la source de grands biens, si nous savons les supporter avec résignation. » — « Comment donc me parler de résignation, répliqua le malade, quand, jour et nuit, je suis tourmenté par la douleur ? Et puis, mon infirmité n'est pas la seule chose qui me fasse souffrir ; les frères que vous m'avez donnés pour me soigner ne me servent pas comme ils le devraient. » Le Saint connut alors, par révélation, que ce lépreux était possédé du malin esprit ; il se retira et se mit en prière, implorant la miséricorde de Dieu sur cet infortuné. Sa prière terminée, il retourne vers lui et lui dit : « Mon fils, puisque vous n'êtes pas content de nos frères, je veux désormais vous soigner moi-même. » — « Volontiers, répondit le malade, mais que pourrez-vous faire de plus que les autres ? » — « Tout ce que vous voudrez, » reprit saint François. — « Eh bien, dit le lépreux, je vous demande que vous me laviez tout le corps, car l'odeur qui s'en exhale est si infecte, que je ne puis plus me souffrir moi-même. » Le Saint fit aussitôt chauffer de l'eau avec des herbes aromatiques ; puis, après avoir dépouillé le lépreux de ses vêtements, il se mit à le laver de ses propres mains, tandis qu'un frère lui versait l'eau dont il avait besoin. Alors, par un miracle tout divin, la lèpre disparut de chaque partie du corps à mesure que saint François la lavait, et les chairs devinrent parfaitement saines. Mais là ne se borna pas le prodige : en même temps que le corps se guérissait, l'âme commençait aussi à prendre un état meilleur. Le lépreux, sentant sa guérison, éprouva, dès lors, une grande componction et un vif repentir de ses fautes, et il fondit en larmes. Ainsi, pendant que l'eau, à l'extérieur, purifiait le corps de la lèpre, l'âme aussi, par le repentir et les larmes, se purifiait, à l'intérieur, des souillures du péché.
Lorsqu'il se vit entièrement guéri et du corps et de l'âme, le lépreux demanda humblement le pardon de ses fautes, et il s'écriait tout en pleurs : « Malheur à moi ! les paroles grossières et les injures dont j'ai accablé les frères qui me servaient, mes impatiences et les blasphèmes que j'ai proférés contre Dieu me rendent éternellement digne de l'enfer. » Quinze jours entiers il persévéra dans ces sentiments de componction, pleurant et implorant la miséricorde de Dieu, après avoir fait à un prêtre l'entier aveu de ses péchés.
Saint François remercia la bonté divine du miracle manifeste que Dieu venait d'opérer par son entremise ; et, quittant aussitôt l'hôpital, il se retira fort loin de là, car son humilité ne pouvait supporter les honneurs qu'on lui rendait, et il ne cherchait dans toutes ses œuvres que la seule gloire de Dieu. Cependant, après quinze jours de pénitence, il plut à Dieu d'envoyer au lépreux guéri une autre maladie, et il mourut saintement, muni des sacrements de l'Église. Son âme, en montant au Paradis, apparut dans les airs à saint François, qui était alors en prière dans un bois. « Me reconnaissez-vous ? » lui dit-elle. — « Qui êtes-vous ? » demanda le Saint. — « Je suis, fut-il répondu, l'âme de ce lépreux que le Christ a guéri par votre intercession, et je m'envole maintenant vers la vie éternelle. C'est à vous, après Dieu, que je dois mon bonheur, soyez-en béni. Oui, daigne le Seigneur répandre ses bénédictions sur votre corps, votre âme, vos paroles, sur toutes vos actions enfin ; car, par vous, une foule d'âmes seront sauvées sur la terre. Sachez qu'il n'est pas un jour où les saints Anges et toute la Cour céleste ne rendent grâces des fruits de salut opérés dans tout l'univers par vous et par les frères de votre Ordre. Prenez donc courage, remerciez le Seigneur et recevez sa bénédiction. » À ces mots, l'âme s'envola vers les cieux, et saint François demeura rempli de consolation.


(Extrait de Fioretti ou petites fleurs de Saint François d'Assise, par M. l'Abbé A. Riche)




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