vendredi 1 janvier 2021

DE LA CIRCONCISION




ORIGINE

Le fils de Dieu s'étant soumis à la condition humaine pour racheter les hommes des funestes conséquences de la malédiction originelle, a voulu se conformer aux lois et coutumes établies par la juridiction du pays où il naissait . Une loi ordonnait que tout nouveau-né fût porté au grand prêtre, huit jours après sa naissance, pour accomplir une cérémonie à laquelle la nouvelle Église a substitué le baptême. C'est pour exécuter les prescriptions de cette loi que Marie et Joseph présentèrent Jésus au temple ; il voulut ainsi prouver, que, bien que la divinité habitat en lui, il ne se dispenserait pas de donner l'exemple de la soumission et de l'obéissance aux ordres d'un législateur, que Dieu lui-même avait chargé de discipliner son peuple : car cette loi de la circoncision, donnée à Abraham, avait été promulguée par Moïse, cet avant-coureur que le Seigneur avait envoyé sur terre pour préparer la voie que devait parcourir son fils.
Ce fut vers le milieu du septième siècle que l'on donna à ce jour le nom de fête de la Circoncision ; jusque-là et pendant six cents ans, on l'avait toujours désigné sous l'appellation d'octave de la Nativité.
C'est aussi le jour de la Circoncision que la loi de Moïse voulait que le nouveau-né fût inscrit sur les livres publics et reçut le nom qui le distinguait des autres membres de la famille ; c'est donc encore le moment où le fils de Marie fut nommé Jésus, qui signifie sauveur.
La Circoncision est aussi le premier jour de l'année catholique : par un reste des usages du paganisme, c'est l'époque choisie pour se livrer à des joies toutes mondaines, comme si tous oubliaient que l'an qui vient de finir ne reviendra jamais, et qu'ainsi c'est un pas de plus vers l'éternité... Ce jour-là on se fait de mutuels présents ; bien de l'or va se perdre et se noyer dans cet océan des vanités humaines, et bien souvent l'on semble ignorer qu'avec les miettes de ce splendide festin on pourrait soulager tant de misères qui meurent de faim sur le seuil ! Aussi, devons-nous moins nous étonner en apprenant que l'usage des étrennes fut anathématisé par les Saints Pères, à cause de leur étiologie païenne. C'est aussi pour opposer les armes de la Religion à celles du monde que le concile de Tours prescrivit, au sixième siècle, des prières publiques au premier jour de l'an et ordonna qu'on couvrît les chants impies par le bruit des hymnes et des litanies. Parce qu'il est innocent aujourd'hui, l'Église a cessé de proscrire l'usage des étrennes, si impatiemment attendues par les petits et les grands enfants ; mais elle recommande en même temps de ne pas oublier les pauvres, qui sont nos frères, et nous rappelle que l'aumône et la prière sont les plus précieuses étrennes par lesquelles on puisse plaire à Dieu, qui, en échange, bénira tous les instants de l'an nouveau, qui ne commence jamais mieux que sous les auspices d'une bonne œuvre et d'une bonne pensée.


LA CIRCONCISION OU LE JOUR DE L'AN

L'homme est donc ainsi fait, que dans son inconstance,
Se laissant emporter au souffle du désir,
Il poursuit vainement, poussé par l'espérance,
Ce fantôme inconnu, qu'on nomme l'avenir !
Chaque heure qui s'enfuit, chaque instant qui s'écoule,
Le rapprochent du but désigné par le sort...
Et pourtant, regardez... Où va l'humaine foule,
Si ce n'est vers ce gouffre où l'appelle la mort ?...

Ainsi, quand à l'année un nouvel an succède,
Tous, le sourire au front et l'allégresse au cœur,
Comme si nous trouvions l'infaillible remède,
Nous saluons ce jour qui promet le bonheur...
Le bonheur, ô mortels, est-il donc sur la terre ?

Est-ce que la patrie est au lointain exil ?
Et qu'est -ce que le cours d'une vie éphémère
Dont, vous le savez bien, tout peut rompre le fil ?...
Cette vie est un fleuve, eau troublée et rapide,
Qui fuit, en murmurant, vers l'océan commun ;
Toute barque y chavire, et celui qui la guide
A beau faire ... elle sombre et court où va chacun.
C'est l'épine ou la fleur qui borde le rivage ;
La brume ou le soleil enveloppe l'azur ;
Qu'importe que le ciel soit voilé d'un nuage,
Ou que le firmament étale son front pur ? ...
Il faut que cet esquif, qui jamais ne s'arrête ,
Vers l'océan fatal soit sans cesse emporté ;
Car Dieu, qui tient en main les clefs de la tempête,
Nous pousse vers la mort et vers l'éternité !...

Pourquoi se réjouir, quand le vent nous entraine ? ...
Le naufrage est-il donc un bonheur ici-bas ?...
Ou plutôt... n'est -ce point le fardeau de la chaîne
Que l'homme veut briser et qui gène ses pas ?...
Oui, dans ce sentiment de l'inconstance humaine,
Il est un vague instinct du bonheur infini ;
C'est le pressentiment d'une rive lointaine
Où dans le sein de Dieu tout sera réuni.
Oui, cette soif d'amour, qui jamais ne s'apaise,
Sans cesse devant nous porte notre regard,
Et pour qu'ainsi toujours la terre nous déplaise
Il faut que le bonheur soit sans doute autre part.

Et cependant, enfants, vous dont l'âme candide,
Désire de chaque an le fidèle retour,
En moi, ne voyez point un conseiller rigide
Qui voudrait assombrir vos plaisirs de ce jour ;
Non : acceptez la joie au giron de vos mères,
Laissez luire à vos fronts vos sourires joyeux :
L'avenir garde, hélas ! tant de peines amères
Qu'il faut faire briller le présent à vos yeux.
De tous ces riches dons offerts par la tendresse,
Jouissez aujourd'hui qu'il en est temps encor :
Les étrennes, enfants, bonheur de la jeunesse,
Peuvent, si vous voulez, se changer en trésor.

Oui, dans vos yeux limpides
Je vois luire un éclair :
Vers tous ces riens splendides,
Vos petits bras avides
Se sont tendus en l'air...
Enfants, c'est de votre âge,
Acceptez ces plaisirs...
Quand il fléchit sous l'âge,
L'homme est- il donc plus sage
Dans ses autres désirs ?...

Mais là-bas, tout à l'heure,
J'ai vu, sur le trottoir,
Un pauvre enfant qui pleure
Et cherche une demeure
En mordant son pain noir.
Il marche dans la neige
Avec ses deux pieds nus ;
La souffrance l'assiège...
Personne ne protège
Les enfants inconnus !

Il a perdu sa mère
Morte en le nourrissant ;
Il est seul sur la terre...
Si grande est sa misère,
Qu'on l'évite en passant ! ...
Voyez, s'il est si pâle,
C'est qu'il a froid et faim ;
Quand souffle la rafale,
Son lit est une dalle,
Ses bonbons sont du pain !

Qu'a fait ce petit ange
Pour être ainsi martyr ? ...
Par quel mystère étrange
Est-il un tel mélange
De ce qui fait souffrir ?...
Hélas ! qui peut connaître
Quand son mal finira !
Dieu seul peut le permettre...
Pour qu'il cesse... peut-être
Il le rappellera.

Pourtant, pour qu'un sourire
Brille à travers ses pleurs,
Un seul mot peut suffire
Et vous allez le dire
En voyant ses douleurs ;
Ce mot, je le réclame,
Enfants portés au bien ;
Il est là, dans votre âme,
Inscrit en traits de flamme
Par votre Ange gardien.

De votre voix si pure
Appelez cet enfant ;
Vous verrez sa figure,
Que gerce la froidure,
Prendre un air triomphant ;
Il viendra comme un frère,
Sans crainte, auprès de vous,
Et vous direz, j'espère :
— « Soulager la misère
Vaut bien mieux, sur la terre,
Que bonbons, que bijoux... »


SUR LA RAPIDITÉ DE LA VIE

La vie humaine est semblable à un chemin dont l'issue est un précipice affreux : on nous en avertit dès le premier pas ; mais la loi en est prononcée, il faut avancer toujours. Je voudrais retourner sur mes pas : Marche ! marche !... Un poids invincible, une force invisible nous entraîne ; il faut sans cesse avancer vers le précipice.
Mille traverses, mille peines nous fatiguent et nous inquiètent sur la route... Encore, si je pouvais éviter ce précipice affreux !... Non ! non, il faut marcher, il faut courir : telle est la rapidité des années.
On se console pourtant, parce que, de temps en temps, on rencontre des objets qui nous divertissent, des eaux courantes, des fleurs qui passent ; on voudrait arrêter : — Marche !... marche !!!
Et, cependant, on voit tomber derrière soi tout ce qu'on avait passé : fracas effroyable, inévitable ruine !... On se console, parce qu'on emporte quelques fleurs cueillies en passant, qu'on voit se faner entre ses mains, du matin au soir, quelques fruits qu'on perd en les goûtant,... Enchantement !... Toujours entraîné, tu approches du gouffre. Déjà tout commence à s'effacer : les jardins moins fleuris, les fleurs moins brillantes, les couleurs moins vives, les prairies moins riantes, les eaux moins claires... Tout se ternit, tout s'efface : l'ombre de la mort se présente ; on commence à sentir l'approche du gouffre fatal... Mais il faut aller sur le bord... Encore un pas !... Déjà l'horreur trouble les sens ; la tête tourne, les yeux s'égarent, il faut marcher ! On voudrait retourner en arrière ? plus de moyens !... tout est tombé ; tout est évanoui ; tout est échappé! (BOSSUET)


LETTRE DE NOUVELLE ANNÉE

Elles passent donc ces années temporelles ; leurs mois se réduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en moments, qui sont ceux-là seuls que nous possédons, mais que nous ne possédons qu'à mesure qu'ils périssent et rendent notre durée périssable, laquelle pourtant nous en doit être plus aimable, puisque cette vie étant pleine de misères, nous ne saurions y avoir aucune plus solide consolation que celle d'être assurés qu'elle va se dissipant, pour faire place à cette sainte éternité qui nous est préparée en l'abondance de la miséricorde de Dieu et à laquelle notre âme aspire incessamment.
Or, je souhaite donc sur vous, chère âme, que cette année prochaine soit suivie de beaucoup d'autres, et que toutes soient utilement employées pour la conquête de l'éternité. Vivez longuement, saintement et heureusement entre les vôtres ici-bas, parmi ces choses périssables, pour revivre éternellement en cette immuable félicité pour laquelle nous respirons.
Cette année se va abîmer dans le gouffre, où toutes les autres se sont, jusqu'à présent, anéanties. Oh ! que l'éternité est désirable, au prix de ces misérables et périssables vicissitudes !... Laissons couler le temps avec lequel nous nous écoulons petit à petit, pour être transformés en la gloire des enfants de Dieu.
C'est la première fois de cette année que je vous écris : eh ! que je vous souhaite de bénédictions, et avec quelle ardeur ! cela, ça peut se dire. Hélas ! quand je pense comme j'ai employé le temps de Dieu, je suis bien en peine qu'il ne me veuille point donner son éternité, puisqu'il ne la veut donner qu'à ceux qui useront bien de son temps.
Oh ! Dieu !... Elles s'en vont ces années et courent à la file insensiblement les unes après les autres et, en dévidant leur durée, elles dévident notre vie mortelle, et se finissant, elles finissent nos jours. Oh ! que l'éternité est incomparablement plus aimable, puisque sa durée est sans fin, puisque ses jours sont sans nuit et ses contentements invariables. (François de Sales)

(Tiré de Les Fêtes de l’Église romaine)


Reportez-vous à Pour le Jour de la Circoncision, Le premier jour de l'année, Instruction sur la Circoncision, Méditation sur la CirconcisionLitanies en l'honneur de la divine Naissance du Sauveur, et Dévotion à la Sainte Enfance de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 12e Méditation : Après huit jours, le saint Enfant fut circoncis.