mardi 1 novembre 2022

BONHEUR DES SAINTS DANS LE CIEL : Dans le Ciel, Dieu justifie sa providence aux yeux de ses élus, et étanche la soif d'amour qui dévorait le coeur des saints



IIe Point. Les saints, dans le Ciel, ne sont pas seulement exempts de tous les maux de la vie présente, ils jouissent encore de la plénitude de tous les biens. Là, tous leurs désirs sont satisfaits, et le vide de leur âme, ce vide immense que nous éprouvons tous et que rien ne peut remplir ici-bas, est pour jamais comblé. Il l'est par Dieu lui-même, qui seul pouvait le remplir. Et Dieu, en se donnant à ses élus, leur donne tous les biens avec lui. Il leur communique son propre bonheur, sa paix, sa gloire, son amour, et les fait vivre de sa propre vie. Nul ne peut donc exprimer la félicité, les joies toujours renaissantes dont sont enivrés les bien-aimés du Père céleste. Ce n'est pas seulement la joie du Seigneur qui est entrée dans ces âmes bienheureuses ; quelque grandes qu'elles soient, leur capacité ne l'eût pas été assez pour la contenir. Ce sont elles qui sont entrées dans cette joie du Seigneur, qui sont plongées, submergées, abîmées dans cet océan sans rivages et sans fond, dont nul ne peut sonder les insondables abîmes. C'est là qu'elles vivent et qu'elles vivront éternellement, sans que la satiété puisse jamais les atteindre, sans qu'elles puissent se lasser d'une félicité qui leur semblera toujours nouvelle. Pour elles plus de passé, plus d'avenir, plus rien que le moment toujours présent de leur immuable éternité. Le moment a commencé pour elles au jour où elles sont entrées en possession de leur bonheur, et il ne doit plus finir. Là, où elles sont arrivées, la course fugitive du temps a cessé, le jour qui a lui pour elles n'aura pas de soir, pas de nuit. Au ciel, les heures ne succèdent pas aux heures les mois aux mois, les années aux années, les siècles aux siècles, tout cela passe, fuit comme un songe ; là-haut, rien ne passe, rien ne change, tout est stable, permanent, immuable comme Dieu lui-même.
Pendant leur séjour sur la terre, l'âme des saints était comme la nôtre dévorée du triple besoin de connaître, d'aimer et de posséder. Mais rien ici-bas ne put satisfaire aux aspirations de ces grandes âmes. Elles avaient soif de vérité, soif d'amour, soif de Dieu et ne trouvant dans les créatures que mensonge, vanité et néant, elles languissaient ici-bas comme des exilés languissent loin de leur patrie, et soupirant sans cesse après la fin de leur exil, elles étaient étrangères au milieu du monde, y vivaient comme n'y vivant pas puisque toutes leurs pensées, toutes leurs espérances, toutes leurs affections étaient fixées dans le ciel. Aujourd'hui leurs vœux sont accomplis et le triple besoin de leur cœur est satisfait.
En effet, la soif qu'avaient les saints de connaître Dieu est étanchée. Ils s'abreuvent aux sources de la lumière et de la vérité. Les voiles obscurs de la foi sont tombés pour eux, toutes les ombres qui obscurcissaient leur intelligence se sont dissipées aux brillants rayons du soleil de justice. Ils voient Dieu tel qu'il est et cette vision intuitive de Dieu les plonge dans un immortel ravissement, dans des extases d'admiration et d'amour qui se renouvellent et s'augmentent à chaque nouvelle beauté qu'ils découvrent en celui qui est seul la vérité, la vie, la beauté infinie. Je ne veux pas dire que les saints comprennent l'essence de Dieu, aucune créature quelque pure, quelque élevée en gloire qu'elle soit ne la comprendra jamais ; mais Dieu se montre à ses élus, ils le voient tel qu'il est, ils le connaissent, et cette connaissance est proportionnée au degré de sainteté qu'ils ont acquis sur la terre et à l'amour qu'ils ont eu pour lui.
Les saints comprennent le mystère de l'adorable Trinité devant lequel ils ont autrefois abaissé les lumières de leur faible raison et qu'ils ont adoré sans le comprendre. Ils voient comment Dieu le Père est le principe du Verbe et engendre éternellement ce Fils qui lui est égal en toutes choses ; ils voient également comment l'Esprit saint, amour du Père et du Fils procède de l'un et de l'autre et leur est égal en puissance, en grandeur et en sainteté. Ils comprennent enfin comment ces trois adorables personnes parfaitement distinctes l'une de l'autre ne forment pourtant qu'un seul et même Dieu. Ils connaissent de même tous les autres mystères qui ont été ici-bas l'exercice de leur foi et l'objet de leur contemplation et de leur amour. La charité de Dieu dans les divers mystères de l'Incarnation et de la Rédemption leur est révélée dans toute son étendue, ils sondent les profondeurs de cet incompréhensible amour d'un Dieu pour de misérables créatures et cette vue excite en eux des transports d'admiration et de reconnaissance qu'il n'est pas possible à une langue mortelle d'exprimer.
Dans le ciel Dieu justifie sa providence aux yeux de ses élus. Ils voient en lui pourquoi ses amis sont éprouvés sur la terre, pourquoi les croix, les afflictions les plus pesantes leur sont en quelque sorte réservées. Pourquoi il semble les abandonner si souvent à la méchanceté et à l'oppression de leurs persécuteurs et se montre sourd à leurs gémissements et à leurs prières. Pourquoi le juste languit dans la souffrance, dans les humiliations, dans l'indigence, tandis que tout prospère à l'impie, qu'il nage au sein de l'opulence, qu'il regorge des biens du monde et s'enivre de la vaine fumée de la gloire humaine. L'infinie sagesse qui a réglé cette distribution si inégale de biens et de maux est dévoilée aux yeux des bienheureux ; ils l'admirent, ils la bénissent avec amour et comprennent pourquoi Dieu a voulu cette inégalité qui fait si souvent blasphémer l'impie et murmurer l'âme peu affermie dans la foi.
Enfin les saints voient tout en Dieu, ils connaissent en lui tous les secrets de sa grâce, toutes les avances de sa miséricorde, toutes les inventions de son amour. Ils connaissent également tous les secrets de la nature, toutes les merveilles de la création et le dernier des élus en sait plus sur toutes ces choses que le savant qui a consumé sa vie dans l'étude des astres et des secrets de la nature. Oui les sciences n'ont plus ni obscurités, ni mystère pour les saints ; ils les connaissent toutes sans rien ignorer, ils connaissent clairement et distinctement les lois qui régissent tous les corps qui composent ce vaste univers et d'un coup d'œil ils embrassent tout ce qui s'est passé dans le monde depuis sa création. Ils voient de même dans la lumière de Dieu les besoins spirituels et temporels de ceux qui les invoquent, leurs afflictions, leurs épreuves, leurs tentations, les grâces qu'ils reçoivent et celles qui leur sont nécessaires pour correspondre aux desseins de Dieu sur eux et atteindre la fin pour laquelle il les a créés. Cette vue enflamme leur charité et les porte à se faire auprès du Seigneur les intercesseurs de ceux qui réclament leur assistance et les prient avec ferveur et confiance.
Les saints jouissent encore dans le ciel de la vue de la sainte humanité de Jésus, de ce Jésus qui fut sur la terre l'appui de leur espérance et le plus tendre objet de leur amour. Ils le voient non plus souffrant et rassasié d'opprobre comme aux jours de sa douloureuse passion, mais impassible, glorieux et immortel. Ah ! si un seul rayon de cette gloire inhérente à la divinité que le Sauveur laissa sur le Thabor éclater sur sa sainte humanité suffit pour jeter les apôtres dans une extase d'admiration et de ravissement et arracha à saint Pierre ce cri qui peint si bien le bonheur qui remplissait son âme : Seigneur il fait bon ici ; souffrez que j'y dresse trois tentes, une pour vous, une pour Moïse et l'autre pour Élie ! quel ne doit donc pas être le ravissement, la joie, le bonheur de ces âmes bienheureuses qui voient non pas un reflet de la gloire de l'Homme-Dieu, mais qui le voient dans tout l'éclat de sa gloire, couronné de toutes les splendeurs de la divinité, élevé au-dessus de tous les chœurs des anges et assis à la droite de son Père sur un trône éclatant de lumière, recevant sans cesse les hommages et les adorations de toute la cour céleste, l'éclairant comme un radieux soleil de sa divine lumière, et laissant tomber sur cette multitude d'élus, qui tous lui doivent leur bonheur et leur gloire, un éternel regard de bienveillance et d'amour. Ah ! c'est là un bonheur que notre cœur comprend. Voir Jésus, l'aimer, en être aimé, le posséder, être sûr que rien ne pourra plus jamais nous séparer de lui, ne plus le voir offensé, mais au contraire aimé, loué, béni par des millions d'esprits célestes et d'âmes bienheureuses. Cette félicité toute seule est déjà le ciel.
La vue de Marie leur douce et tendre mère augmente encore le bonheur des élus. Ils la voient assise sur un trône de gloire, tout à côté de celui de son Fils, revêtue de la lumière de ce soleil de justice qu'elle a donné au monde, portant dans ses mains le sceptre de la clémence et dominant de sa douce majesté l'auguste assemblée des saints, jouissant du bonheur de toutes ces âmes qui après Jésus lui doivent leur salut, comme une tendre mère jouit du bonheur de ses enfants.
Dans le ciel, la soif d'amour qui dévorait le cœur des saints est pleinement étanchée. Ici bas, ils se plaignaient avec douleur de l'impuissance où ils étaient d'aimer comme ils auraient voulu le faire l'objet divin qui seul leur paraissait aimable et cette parole : Nul ne sait s'il est digne d'amour ou de haine, les remplissait de crainte et les faisait languir dans les angoisses d'une sainte tristesse. Mais aujourd'hui plus de craintes, plus d'inquiétudes, l'incertitude a cessé, ils savent maintenant qu'ils étaient dignes d'amour, et que le Dieu si bon qui les a couronnés les aime et les aimera éternellement. Pour eux aussi l'impuissance a cessé, Dieu a étendu leurs facultés aimantes, et il a centuplé leur puissance d'aimer, dilaté sans mesure la capacité de ces âmes bienheureuses et à peine le Seigneur s'est-il découvert à elles que le feu du divin amour les a pénétrées tout entières, il s'est attaché à toutes leurs puissances, il les a transformées, identifiées en celui qu'elles aimaient ; et comme Dieu est amour, on peut dire aussi qu'elles sont devenues tout amour.
Ah ! si le sentiment de l'amour de Dieu nous rend déjà si heureux sur la terre, si une seule goutte de cet amour suffit pour adoucir les plus poignantes douleurs, pour remplir d'une sainte énergie et d'un invincible courage les âmes les plus faibles et les plus timides, qu'est-ce donc que l'amour du ciel, que Dieu ne verse plus goutte à goutte, mais qu'il fait entrer par torrents dans l'âme de ses élus. Ils ne boivent pas seulement à cette source de délices, ils se baignent, ils se plongent dans les vagues brûlantes de cet océan de la charité d'un Dieu, ils s'enfoncent, ils se perdent dans ses divines profondeurs et plus ils s'y enfoncent, plus les horizons qui s'ouvrent devant eux s'agrandissent ; sans cesse ils découvrent de nouvelles beautés, de nouvelles amabilités dans celui qu'ils aiment : aussi plus ils l'aiment, plus ils veulent l'aimer et cet acte d'amour béatifique commencé à leur entrée dans le ciel se continuera pendant toute l'éternité toujours plus ardent, plus intense et les remplissent toujours de nouvelles délices, de nouveaux ravissements, parce que cette éternité avec son interminable durée ne suffira pas à leur révéler tout ce qu'il y a de grandeurs, de beautés et de perfections en Dieu.

(Méditations pour l'Octave de la Toussaint et pour tout le mois de Novembre)


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