Venez à moi, vous tous qui êtes dans le travail et dans la peine, et je vous soulagerai ; et vous trouverez le repos de vos âmes. JÉSUS-CHRIST.
Cette invitation s'adresse à tous les hommes ; nul autre que Jésus-Christ ne la leur a jamais faite ; et ils ont tous le plus grand intérêt à éprouver ce qu'il y a de réel dans cette promesse. Nous souffrons tous ici-bas plus ou moins, soit des peines de l'esprit, soit des peines du cœur, soit des peines du corps. Et cependant nous aspirons après le repos, nous le cherchons avec le plus grand empressement, et nous nous fatiguons toute la vie dans cette recherche, sans pouvoir parvenir, la plupart, à l'objet de nos veux. Où est le repos ? où faut-il le chercher ? Question intéressante s'il en fut jamais.
Les uns, et c'est le plus grand nombre, cherchent le repos dans la jouissance des richesses, des plaisirs, des honneurs de la vie. Quels soins ne se donnent-ils pas pour se les procurer, pour les conserver, pour les augmenter et les accumuler ! Y trouvent-il le repos ? Non. Comment le repos se rencontrerait-il dans des biens fragiles, incapables de satisfaire les passions mêmes qui les désirent ; dans des biens qui n'ont aucune proportion avec le cœur humain, qui le laissent toujours vide, toujours dévoré par une soif plus ardente ; dans des biens toujours disputés, toujours enviés, qu'on s'arrache avec fureur les uns aux autres ? Quel repos peut-on trouver dans des choses qui sont la mobilité même ? Si le fondement sur lequel on établit son repos est toujours en mouvement, n'est-ce pas une suite nécessaire qu'on éprouve les mêmes agitations ? Que chacun se consulte : l'expérience est la plus sensible des preuves. Quel homme a goûté le repos au milieu des plus grands trésors, des plaisirs les plus vifs, des honneurs les plus flatteurs ? Le repos n'est donc pas là : tout le monde le sait ; et cependant c'est là que tous les hommes le cherchent. Ils s'épuisent en désirs, en projets, en entreprises, et jamais ils ne parviennent à un seul instant de repos ; et s'ils consultent leur raison, elle leur répond qu'ils n'y parviendront pas. Quel aveuglement ! quelle folie !
Les autres établissent leur repos dans eux-mêmes, et en cela ils se croient plus sages que ceux qui les mettent en des choses extérieures. Mais sont-ils sages en effet ? L'homme est-il fait pour se suffire à lui-même ? Peut-il trouver en soi le principe de son repos ? Ses idées changent chaque jour ; son cœur est dans une inquiétude perpétuelle ; il imagine sans cesse de nouveaux systèmes de félicité, et il ne la rencontre nulle part. S'il est seul, l'ennui le dévore ; la compagnie, quelque choisie qu'elle soit, lui est bientôt à charge ; ses réflexions l'épuisent et le tourmentent ; l'étude et la lecture peuvent l'amuser et le distraire, mais elles ne remplissent pas son cœur. Voilà le repos que la sagesse humaine promet à ses sectateurs, et pour lequel elle les invite à renoncer à tout le reste, à s'isoler, à se concentrer en eux-mêmes. Repos trompeur qui n'est pas à l'abri des plus violentes agitations, et qui est au moins autant à charge à l'homme que le tumulte des passions.
Où est donc le repos, s'il n'est ni dans les biens du monde, ni dans nous-mêmes ? Il est en Dieu, et en Dieu seul. Jésus-Christ est venu nous l'apprendre, et c'est la plus grande leçon qu'il nous ait donnée. Mais combien peu profitent de cette leçon !
Vous nous avez faits pour vous, ô mon Dieu ! s'écriait saint Augustin ; et notre cœur est toujours agité, jusqu'à ce qu'il se repose en vous. Cette vérité est le premier principe de la morale ; tout concourt à la prouver, la raison, la religion, l'expérience.
Mais, pour se reposer en Dieu, que faut-il faire ? Se donner tout à lui, lui sacrifier tout le reste. Si vous ne vous donnez qu'en partie et si vous usez de quelque réserve, si vous conservez quelque attache, il est clair que votre repos ne peut être entier ni parfait, et que le trouble s'y glissera par l'endroit où votre cœur n'est pas uni à Dieu, et appuyé sur Dieu. Voilà pourquoi si peu de chrétiens jouissent d'une paix constante, pleine, inaltérable. Ils n'établissent pas leur repos en Dieu seul, ils ne lui confient pas tout, ils ne lui abandonnent pas tout. Néanmoins il n'y a de vrai et de solide repos que dans ce parfait abandon.
Ce repos est immuable comme Dieu même ; il est élevé, comme Dieu, au-dessus de toutes les choses créées ; il est intime, parce qu'il n'y a que Dieu dont la jouissance aille jusqu'au fond du cœur ; il est plein, parce que Dieu remplit et rassasie le cœur ; il ne laisse aucun désir, aucun regret, parce que celui qui possède Dieu n'a rien à désirer ni à regretter. Ce repos calme les passions, tranquillise l'imagination, rasseoit l'esprit, fixe l'inconstance du cœur. Ce repos subsiste au milieu des rêves de la fortune, des maux de toute espèce, des tentations même et des épreuves, parce que rien de tout cela ne va jusqu'au centre où l'âme se repose en Dieu. Les Martyrs sur les échafauds, en proie aux plus horribles supplices ; les confesseurs dans l'indigence, dans les prisons, dans l'exil, dans les persécutions, goûtaient ce repos et s'estimaient heureux. Les Saints l'ont goûté dans la solitude, dans les exercices de la pénitence, dans les travaux excessifs et assidus, dans les calomnies, dans les humiliations, dans les infirmités et les maladies. Une foule de chrétiens l'ont goûté dans les devoirs pénibles de leur état, dans les croix qui y étaient attachées, dans la vie commune et dans tous les embarras qu'elle en traîne. Il ne tient qu'à nous de le goûter comme eux. Si nous le voulons , Dieu sera pour nous ce qu'il a été pour eux. Il ne nous demande ainsi qu'à eux qu'une seule chose, qui est de ne nous appuyer que sur lui, de ne chercher notre repos et notre bonheur qu'en lui.
L'expérience est certaine et n'a jamais manqué. Du moment qu'on s'est donné à Dieu par le cœur, qu'on a mis ordre à sa conscience, qu'on a pris des mesures pour éviter le péché, sans distinction de véniel ni de mortel, qu'on s'est fermement proposé d'être attentif et fidèle à la grâce, et de ne rien refuser à Dieu, et qu'on s'est mis sous la direction d'un guide éclairé, avec la résolution de lui obéir en tout : de ce moment on entre dans un repos, dans un calme qu'on n'avait jamais éprouvé, dont on n'avait pas d'idée, et dont on est étonné. Ce repos est d'abord fort doux et savoureux. On le goûte, on sent qu'on en jouit ; il nous attire et nous concentre au-dedans. Avec ce repos, rien n'ennuie, rien ne fatigue. Les positions les plus pénibles d'ailleurs deviennent agréables ; les autres plaisirs quels qu'ils soient deviennent insipides ; on évite avec soin tout ce qui peut nous tirer d'une si douce jouissance. Nul avare ne craint autant de perdre son trésor, qu'on craint tout ce qui pourrait nous ravir ou altérer notre repos. C'est un sommeil de l'âme, où elle veille pour Dieu seul, et où elle dort pour tout le reste.
Cela paraît une rêverie, une illusion à quiconque ne l'a pas éprouvé. Et ce ne sont pas seulement les mondains qui pensent ainsi : tous ceux à qui ce repos est inconnu, parce qu'ils ne se sont pas pleinement donnés à Dieu, le traitent de chimère, d'égarement d'une imagination échauffée. Mais croyons-en les Saints qui en parlent d'après leur expérience ; croyons-en saint Paul qui nous parle d'une paix au-dessus de tout sentiment ; croyons-en Jésus-Christ qui appelle ce repos sa paix, une paix divine, une paix que le monde ne peut donner ni ravir, une paix qu'on ne peut se procurer par ses propres efforts, parce que c'est un don de Dieu, qui est la récompense du don absolu et irrévocable que nous lui faisons de nous-mêmes.
Je l'ai dit : cette paix a ses épreuves, et souvent de très-fortes épreuves ; mais loin de l'ébranler, elles ne font que l'affermir : elle s'élève au-dessus de tous les maux, et elle nous y élève avec elle. Elle rend le chrétien tellement heureux au milieu de ce qu'il souffre, qu'il ne changerait pas son état, tout affreux qu'il est pour la nature, pour les plaisirs les plus délicieux que le monde peut lui offrir. Telle est la vie du parfait chrétien qui va à Dieu par Jésus-Christ, qui adore Dieu comme Jésus-Christ en esprit et en vérité, qui lui sacrifie tout, et lui-même par-dessus tout. Rien n'altère son repos ; et la mort n'est pour lui qu'un passage du repos du temps au repos de l'éternité.
Quel effroyable malheur de s'obstiner à ne pas vouloir éprouver la vérité des promesses de Jésus-Christ, et de se tourmenter vainement ici-bas, pour être encore éternellement tourmenté dans l'autre monde !
(Extrait du Manuel des âmes intérieures)
Reportez-vous à Sans l'Humilité, on ne saurait avoir la paix intérieure, De la vie de l'âme, Sur l'Amour de Dieu, De la confiance en Dieu, De la prière continuelle, Dieu seul, Sur les réflexions dans l'oraison, De la pensée de l'éternité, Sur la pensée de la mort, Sur les paroles du Psaume LXXXll : Je suis devenu, en votre présence, comme une bête de somme, et je suis toujours avec vous, Marthe et Marie, De la pureté d'intention, Le prix d'une âme, De la Providence de Dieu sur ses enfants, De la générosité, De l'anéantissement, Du moi humain, Conduite à tenir à l'égard des tentations, De la violence qu'il faut se faire à soi-même, Des tentations, Du directeur, Du cœur humain, Du monde, Faiblesse et corruption du cœur humain, Aveuglement de l'homme, Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'amour du prochain, De l'esprit de Foi, De la fidélité aux petites choses, Sur les trois mots qui furent dits à saint Arsène : Fuyez, taisez-vous, reposez-vous, De l'emploi du temps, Ce que Dieu nous demande, et ce qu'il faut demander à Dieu, Commerce : Image de la vie spirituelle, De la liberté des enfants de Dieu, Instruction sur la Grâce, Instruction sur la Prière, Sur la sainteté, De la Crainte de Dieu, Conduite de Dieu sur l'âme, Moyens d'acquérir l'amour de Dieu, Quels moyens prendrez-vous pour acquérir, conserver et augmenter en vous l'amour de Dieu ?, Litanies de l'amour de Dieu, Soupir d'amour vers Jésus, Prière de Sainte Gertrude, Élan d'amour, Prière, Acte d'amour parfait, de Sainte Thérèse d'Avila, Prière de Saint Augustin, pour demander l'amour divin, Motifs et marques de l'amour de Dieu, De l'amour parfait, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Se conformer en tout à la volonté de Dieu, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Instruction sur la Charité, Méditation sur l'excellence de la Charité, Prière pour demander la charité, De la force en soi-même et de la force en Dieu, De la consommation en la Grâce, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la croix, De la Simplicité, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des Vertus, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De l'Union avec Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Le Paradis de la Terre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la paix du cœur, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la véritable Sagesse, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Avis important pour ceux qui ont des peines d'esprit, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Sur la vie nouvelle en Jésus-Christ, De l'activité naturelle, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la vie parfaite, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, De la Mortification, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, Des moyens de parvenir à la vraie et solide vertu, Idée de la vraie Vertu, De la vraie et solide dévotion, Degrés des vertus qu'on se propose d'acquérir, Pour bien faire l'oraison et pour en tirer le fruit qu'on a lieu d'en attendre, En quelque état que vous soyez, rendez respectable, par vos sentiments et votre conduite, votre titre de Chrétienne, En quoi consiste l'exercice de la présence de Dieu, De la doctrine de Jésus-Christ, par le R.-P. Jean-Joseph Surin, et Des Conseils Évangéliques, par le R.-P. Jean-Joseph Surin.