mercredi 22 avril 2020

Remèdes à l'amour-propre, par le R.-P. Jean-Joseph Surin


Extrait du CATÉCHISME SPIRITUEL DE LA PERFECTION CHRÉTIENNE, TOME I, Composé par le R. P. J. J. SURIN, de la Compagnie de Jésus :




Remèdes à l'amour-propre



Qu'est-ce que l'amour-propre ?

On appelle amour-propre, l'amour déréglé que l'homme a pour soi-même, et qui se termine à l'homme, sans être rapporté à Dieu.


En combien d'espèces cet amour-propre se divise-t-il ?

En trois, dont la première a pour objet tout ce qui regarde l'honneur et la réputation ; la seconde, les commodités de la vie ; et la troisième, les personnes qui nous touchent de prés.


Quels sont les effets de cette première sorte d'amour-propre, qui regarde la réputation ?

Il a coutume de produire un soin extrême de conserver son honneur, une crainte excessive de le perdre, et d'être exposé aux accidents qui peuvent le ravir. Ce soin, et cette crainte produisent à leur tour beaucoup de discours qu'on tient à son avantage. Un homme plein d'amour-propre, n'attend pas que les autres le louent, il est le premier à parler de ses bonnes qualités, de son esprit, de ses talents, de ses actions, de ses aventures, des personnes qui l'ont honoré de leur amitié, de leur protection, de leur bienveillance. S'il a fait dans sa jeunesse quelque chose au dessus de la portée de son âge, il ne manque point de le rappeler, et de mêler dans ses entretiens tout ce qui peut le rendre recommandable. Mais le plaisir qu'il prend à se louer, est bien contrebalancé par les inquiétudes que lui cause la crainte d'être méprisé. Une seule parole qui ne lui paraît pas assez obligeante, un regard peu favorable de la part de ceux dont il répond, ou dont il attend l'estime et l'amitié, suffit pour lui procurer de cruelles peines, et mille pensées chagrinantes.


Quel est le remède à cet amour-propre ?

Il y en a trois. Le premier est de se faire une loi inviolable de ne parler jamais de soi, à moins qu'on ne soit parvenu à cet état de dégagement, et de sainte liberté, où l'on n'envisage que Dieu, et qui autorisait saint Paul à parler de lui-même, lorsque la gloire de Dieu le demandait. Le second est de chercher le mépris. Le troisième est de se proposer souvent Notre-Seigneur ayant des épines, pour couronne ; un morceau de pourpre, pour manteau Royal, pour sceptre, un roseau à la main, et se bien convaincre qu'il s'est réduit à cet état, pour enseigner aux hommes à se mépriser eux-mêmes. Cette vue est très-propre à corriger nos idées, et à nous donner de l'estime pour le mépris que nous craignons. Et si elle est accompagnée de quelque amour pour Notre Sauveur, elle doit, en nous inspirant le désir de lui ressembler, nous faire mettre notre gloire et notre bonheur à paraître sous ses livrées.


En quoi consiste la seconde sorte d'amour-propre, qui regarde les commodités de la vie ?

Il se fait connaître à ces trois marques, 1. Au soin qu'on se donne pour être logé, vêtu, nourri, et couché commodément. 2. Au soin de la santé, et aux industries auxquelles on a recours pour la conserver. 3. Au soin qu'on a de chercher ses aises en toute rencontre.


À quoi porte cet amour-propre ?

À se procurer tout ce qui flatte le corps, à y mettre son plaisir, et à en parler volontiers ; à éclater en murmures, quand on n'a pas ce qu'on souhaite, et à parler avec éloge de ceux qui sont à leur aise.


Dans quels inconvénients fait donner le trop grand soin de la santé ?

Un homme en qui ce soin est excessif, donne toute sa confiance aux Médecins, et ne compte que sur eux. Il est toujours après à étudier son tempérament, à raisonner sur ses infirmités, et à y chercher des remèdes.


Quelle est donc la conduite qu'il faut tenir en ce point ?

C'est d'avoir recours aux Médecins, et de leur obéir aveuglément, lorsque Dieu permet que quelque maladie nous fasse tomber entre leurs mains. Mais hors le cas de nécessité, il faut se passer de leur art, et même l'avoir en quelque espèce d'aversion. C'est l'amour-propre qui rend les hommes attentifs à prévenir les moindres maux ? et à consulter sur les infirmités les plus légères. L'amour de la croix porte à s'adonner à Dieu pour toutes les dispositions qu'il voudra faire de notre santé. C'est ainsi qu'en ont usé plusieurs grands Saints, et en particulier saint Bernard : tout infirme qu'il était, il se passait de remèdes et de médecin, persuadé de ce que dit l'Écriture : qu'il ne faut les employer que dans les cas de nécessité.


À quoi uni l'attache aux aises, et aux petites commodités de la vie ?

À fournir au corps tout ce dont il a besoin pour être à son aise, et à ne lui rien refuser de tout ce qui peut l'accommoder soit dans le voyage, soit dans le logement, soit qu'on soit assis, soit qu'on se promène : au lieu que les Saints sont toujours sur leurs gardes, pour ne point trop accorder à la nature. Le moyen de guérir cet amour-propre, est de se prescrire certaines règles de conduite, et d'être fidèle à les garder. 1°. Fuir l'abondance et se contenter de peu. 2°. Choisir toujours le pire et le plus incommode, et se réjouir de l'avoir. 5°. N'oublier jamais le conseil que donnent les Saints de se mortifier en tout, et autant que la prudence le permet, de refuser au corps le soulagement qu'il exige, de ne point tant se précautionner contre les injures du temps, contre la chaleur de l'été, et contre le froid de l'hiver.


Quelle est la troisième sorte d'amour-propre, qui a pour objet les personnes qui nous touchent ?

C'est l'attachement qu'on a pour ses proches. On ne saurait croire dans combien de faiblesses cette affection mal réglée fait donner la plupart des hommes. Ils ne voient rien au monde de si accompli que leurs enfants ; ils en louent volontiers les perfections ; et si quelqu'un leur en fait remarquer les défauts, ils ont incontinent recours à leurs bonnes qualités pour les défendre ; ils se plaisent à les faire peindre, et à conserver leur portrait ; tout cela nourrit leur amour propre.


Puisque vous blâmez les parents qui font peindre leurs enfants, que direz-vous de ceux qui se font peindre eux-mêmes ?

Je dirai que c'est un effet grossier de l'amour-propre. Rien n'est plus avantageux à l'homme, que de s'oublier soi-même pour Dieu ; et voilà des gens qui veulent être toujours occupés d'eux-mêmes, et qui pour ne pas se perdre de vue un seul moment, se contemplent dans leur portrait. Ce sont quelquefois des personnes qui font profession de vertu, qu'on voit employer le temps à se faire peindre ; et qui ne voient pas, que ce soin est un effet de l'amour excessif qu'elles ont pour elles-mêmes.


Quels autres effets produit l'amour-propre à l'égard des personnes qui nous touchent ?

Il y a des gens qui se plaisent à parler de leur extraction, et des personnes de condition à qui ils appartiennent. Ils ne laissent échapper aucune occasion de raconter ce qui peut contribuer à la splendeur de leur famille : ils importunent tout le monde par ces sortes de récits : ils citent souvent leurs ancêtres, et relèvent leurs belles actions ; non par reconnaissance envers ceux de qui ils ont reçu la vie, mais parce qu'ils y trouvent leur intérêt, et qu'ils veulent se rendre recommandables.


Quel est le remède à cet amour-propre ?

Il y en a trois. Le premier est de ne point faire gloire de sa naissance, et de ne parler jamais de ceux qui nous touchent de près. Le second est de n'avoir point de liaison particulière avec eux, pour prévenir le trop grand attachement. Le troisième est de s'exposer à quelque confusion en ce genre. Si on avait pour parent, quelques personnes de basse condition, et que l'occasion se présentât d'en parler, ou de les voir, il faudrait les reconnaître pour ses proches devant le monde. Ce serait là un bon moyen pour guérir cette sorte de vanité, qui n'est pas moins ridicule, que préjudiciable à notre perfection.


N'y a-t-il pas certains actes qui sont particuliers à l'amour-propre ?

Il y en a quatre principaux : s'excuser quand on est repris ; se plaindre quand on est maltraité ; se chagriner lorsque les choses ne vont pas à notre gré ; être content quand on a ce qu'on souhaite.


Est-ce que ce contentement est blâmable ?

On ne condamne point le plaisir qui vient de l'accomplissement du devoir, mais seulement celui qu'on trouve à faire sa volonté. Notre penchant dominant est de chercher à nous satisfaire, particulièrement en tout ce qui regarde l'humeur : et comme les uns sont portés à la joie, les autres à la mélancolie, cette différence d'humeurs donne des caractères différents à l'amour-propre, et lui fait chercher différentes sortes de satisfactions, que nous condamnons, parce qu'elles sont naturelles. Les personnes vertueuses au contraire n'accordent rien à leur humeur ; elles n'aspirent qu'à se conformer aux inclinations de J. C., lesquelles tendent toutes à contenter Dieu et à contribuer au salut des âmes.


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